Oui, ils étaient les Mulvaney, une famille unie, des parents aimants, trois frères et une soeur, tous liés les uns aux autres par une profonde affection, un même goût de la nature, un même amour des animaux, chats, chiens, chevaux et vaches, tous vivant dans un coin perdu, près de Mont-Ephraïm une petite ville très Wasp de Nouvelle-Angleterre. Heureux, tout pour être heureux !
Bien intégrés ces Mulvaney. La mère, un peu fofolle mais infiniment présente et veillant à tout, le père à la tête d'une entreprise florissante, les deux aînés, brillants lycéens l'un en sport, l'autre en sciences et la fille Marianne, la perle de la famille, coqueluche du bal de la Saint-Valentin ....
mais, tout à coup ! patatras !
Ce bal se termine de façon horrible pour la jeune fille et subitement tout s'écroule !
Cet écroulement se produisant au début de l'ouvrage, je ne gâche rien en le disant.
La famille se disloque, les amis et les voisins se détournent sans que l'on comprenne pourquoi. Marianne est mise à l'écart, les deux aînés fuient la maison, le père délaisse son entreprise et la mère dévastée tente comme elle peut de renouer ces liens qui se sont effilochés !
Et là, stupéfaction ! on a du mal d'imaginer que cette famille apparemment si soudée et si aimante puisse se déliter aussi facilement. Tout ne serait donc qu'apparence ? Rien de réel dans ce cocon familial si chaleureux ?
Et qu'en est-il des voisins et amis qui fuient à qui mieux mieux !
Et qu'en est-il donc de la piété de tous ces gens, sans cesse fourrés à l'église, vivant soi-disant dans l'amour du Christ ?
Mais enfin, que se passe-t-il donc en Amérique ?
De deux choses l'une.
Joyce Carol Oates décrit avec réalisme l'odieuse hypocrisie qui préside en l'an de grâce 1976 aux relations entre les habitants d'une communauté, où, au moindre problème, une famille se retrouve ostracisée et, franchement ce n'est pas joli, joli, et notre vieille Europe apparaît infiniment plus civilisée.
Ou alors, elle invente, extrapole, rend l'humanité plus sombre qu'elle n'est, oui pourquoi pas !
Et il faut reconnaître qu'elle décortique avec talent ...
Mais ! tout de même il arrive que le bât blesse .
Joyce Carol Oates a tendance à en faire trop, beaucoup trop !
Oui, elle tisse sa toile, brode aux petits points, élabore une tapisserie digne de celle de la reine Mathilde, mais que de digressions oiseuses parfois, que de verbiage inutile !
Car si cette prolixité prend en général tout son sens, tant il est bon de décrypter les travers humains avec le maximum de précision et fouiller dans le tréfonds des coeurs pour en extirper toute la noirceur et les incertitudes, à d'autres moments, par contre, que cela est vain et long, trop long !
tellement long que la lectrice que je suis s'est prise à bailler plus d'une fois !
et cela malgré la finesse d'analyse de l'auteur, son style précis, sa capacité exceptionnelle à capter les atmosphères.
Oui, du coup, les qualités les plus remarquables peuvent se transformer en défaut, quand on ne contrôle pas suffisamment ses élans !
Donc malgré l'intérêt que présente cette autopsie des coeurs, j'avoue ne pas avoir apprécié cet ouvrage autant que la majorité des autres lecteurs.