Souhaitant découvrir
Joyce Carol Oates, j'ai choisi "
Petite soeur mon amour", l'histoire tragique d'une petite patineuse prodige, inspirée de l'assassinat d'une mini-miss dans les années 90 aux États-Unis. Je craignais cependant que ce roman soit un peu glauque et que je n'accroche pas à ce type de lecture mais au contraire je l'ai bien apprécié, tant sur la forme que sur le fond.
L'histoire est présentée comme une tentative d'autobiographie par le frère aîné de la fillette, écrit 10 ans après les faits. Se succèdent ainsi des chapitres très longs et d'autres de deux lignes quand l'inspiration ne lui vient pas ou que le sujet est plus difficile à aborder. Certaines pages sont issues du journal qu'il tenait pendant son adolescence, d'autres des courriers reçus. Il relit et complète à plusieurs reprises son texte, d'où l'ajout de commentaires en bas de pages, et même parfois de notes sur les commentaires pour préciser ou corriger certains détails. Ce qui donne un aspect très vivant au récit, d'autant plus qu'il y a des apostrophes au lecteur, renforçant le sentiment de proximité.
Quand il décrit son enfance et son adolescence, le narrateur parle de lui à la 3ème personne, comme si la vie du petit Skyler dont il raconte l'histoire n'était pas vraiment la sienne. Malgré cela, l'émotion surgit ça et là, brisant la carapace de celui qui ne peut plus mettre à distance les traumatisme vécus.
Contrairement à ce que je pensais quand j'ai commencé le livre, l'action ne se situe pas dans la petite classe moyenne type "little miss sunshine" mais au contraire dans un milieu très aisé que l'autrice dépeint au vitriol. le père consacre tout son temps à sa réussite professionnelle et à ses conquêtes féminines. La mère, avide de reconnaissance, utilise ses enfants comme un faire-valoir. Toute leur vie n'est que faux-semblants, médiocrité et égoïsme. Et ce sont les enfants qui trinquent.
A 6 ans, la petite patineuse est déjà tellement névrosée que c'est à se demander comment les choses auraient tourné pour elle les années suivantes si elle avait vécu.
Quant à son frère, relégué dans l'ombre après avoir été le favori, son mal-être ne fait qu'empirer suite au drame, le conduisant d'un institut spécialisé à un autre.
Ce roman est une dénonciation virulente de la société américaine, à un point tel qu'il frôle parfois la caricature.
Mais à la fin, un timide espoir renaît : Skyler, enfin, arrive à se libérer de la culpabilité qui l'envahissait et commence à entrevoir un avenir.