AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,89

sur 464 notes
5
41 avis
4
42 avis
3
7 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Retour sur terre

Elle vole. Alba voit la ville scintillante en contrebas et continue de prendre de l'altitude pour suivre du regard le cours d'un fleuve jusqu'à ce qu'il se jette dans la mer. L'ascension continue jusqu'à ce que la terre devienne un petit point bleu.
Elle rêve.
Alba survole pourtant la planète pour participer à des colloques sur des langues minoritaires majoritairement en voie d'extinction. Elle réalise un jour que son emprunte carbone ne peut être compensée que par la plantation de milliers d'arbres.
Perturbée par ce constat, elle décide d'acquérir un terrain et une petite maison près de la mer. L'endroit est hostile. La terre est aussi rude que les vents qui la fouettent. Alba en a bien conscience mais elle convaincue de pouvoir apporter de la douceur dans ce lieu dont elle veut faire son jardin d'éden. La linguiste abandonne progressivement son ancienne vie, noue de nouvelles relations.
Les deux pieds sur terre, au coeur de son jardin, elle espère se rencontrer elle-même. Trouver le silence en regardant le ciel. Panser des blessures inavouées pour voler et conjuguer le verbe à nouveau.

Roman subjugué par le pouvoir des mots. Poésie et humour subtils qui s'entrelacent et nous transportent dans un univers dans lequel on se sent à l'aise. Un grand plaisir de lecture.
Commenter  J’apprécie          11330
« Il naît chaque jour des soldats et des médecins, mais pas des poètes ni des linguistes », marque le discours d'ouverture d'un des nombreux colloques internationaux sur les langues minoritaires en voie de disparition, où assiste Alba, en tant que linguiste renommée.

Ces colloques se déroulent dans des villages isolés, partout dans le monde. Je vous laisse calculer le bilan carbone !

L'intérêt c'est que chaque participant puisse intervenir dans sa propre langue (minoritaire), mais comment mettre en place un réseau de traductions simultanées ? Mission impossible, les interventions sont donc traduites en anglais et projetées sur la l'écran de la salle de conférence (l'auberge locale), ce qui forcément fait grincer un grand nombre de puristes !

Alba est dévorée par un sentiment de culpabilité.

Sourde aux mises en garde de son entourage, insensible aux retombées professionnelles ou sociales, elle démissionne de son poste et achète une maison dans un grand terrain vague au fin fond de la campagne. Elle décide de compenser son empreinte carbone en plantant des arbres.

Elle arrive dans ce petit village lambda. Elle se débarrasse de tous ses ouvrages savants de linguistique et les donne à Hakon, le patron du bazar, quincaillerie, brocante, qui les propose à la vente. Curieusement, ils vont partir comme des petits pains, les villageois en redemandent ! Alba va se charger bénévolement de leur enseigner la linguistique.

Notre planète se meurt. À partir de ce constat amer, Auður Ava Ólafsdóttir bâtit une pastorale islandaise où elle distille des notes d'espoir.

J'ai écouté une interview d'elle, que j'ai mise en ligne. Elle parle très bien français, avec un très joli accent, car elle a étudié l'histoire de l'art à la Sorbonne.

Elle a déclaré que les français sont particulièrement pessimistes, contrairement aux islandais.

La journaliste a voulu souligner le rapprochement entre « Éden » et « Il faut cultiver notre jardin » (précepte célèbre, mots de la fin de « Candide », Voltaire), mais Auður Ava Ólafsdóttir l'a arrêtée en décrétant que les français étaient trop dans l'abstraction.

Elle milite pour défendre l'islandais, qui est une langue minoritaire menacée de disparition – on ne compte que 350 000 islandais. On trouve dans Éden de nombreux mots islandais avec leurs racines et leurs déclinaisons.

Auður Ava Ólafsdóttir veut nous communiquer son amour de l'islandais. Elle a tenu lors de son interview à lire un passage d'Éden en version originale. Cette langue exotique a des résonances poétiques, malheureusement elle m'est totalement hermétique.

J'aime beaucoup la tournure d'esprit d'Auður Ava Ólafsdóttir. J'ai fini ma lecture, détendue, sereine, oublieuse des maux d'ici-bas.
Commenter  J’apprécie          5657
Mon premier roman de l'autrice islandaise Auður Ava Ólafsdóttir. "Rosa Candida", "L'exception" ou "Miss Islande", entre autres de ses précédents ouvrages, me faisaient de l'oeil, mais je n'avais jamais passé le pas.

C'est grâce à Babelio et aux éditions Zulma, que je fais enfin connaissance avec cette autrice, à travers son roman "Eden". Un grand merci à eux !

J'ai aimé cette première rencontre.
Dans un climat ambiant que je ne ressens pas comme serein, m'immerger dans cet univers islandais rugueux mais apaisant, aux côtés de ce personnage principal en quête de sens, m'a réconfortée.
Dans ce récit délié, aux ressorts poétiques, empreint d'une forme de langueur qui sait prendre son temps, l'autrice aborde pourtant de nombreux thèmes, en 224 pages !
L'écologie, la forme de la lutte pour la préservation autant de l'environnement que des langues, le retour à soi, à la nature, aux liens authentiques, le rôle de la littérature, des mots, des langues, le lien à l'autre, l'accueil des réfugiés, la quête de sens d'une existence que l'on pensait pourtant accomplie, la fragilité de la vie.

Alba est islandaise, originaire d'une île proche du cercle polaire. Elle est linguiste et à ce titre, enseigne la linguistique historique à l'université de Reykjavik. Elle corrige aussi des ouvrages pour des maisons d'édition.
Sa connaissance particulière de langues minoritaires la fait régulièrement participer à des colloques sur ces langues menacées de disparition. Ces derniers se déroulent souvent dans des villages isolés. Alba voyage donc beaucoup.

Elle candidate aussi au poste universitaire de chercheuse en langues minoritaires. Mais, alors que ce parcours semble bien huilé dans ce microcosme qu'Alba s'est construit, cet univers se déconstruit subrepticement, lorsque consécutivement surviennent deux événements qui l'obligent à une prise de conscience.
On pourrait dire d'Alba qu'elle avait une vie rêvée, enseignant une matière qui la passionne, voyageant, favorisant constamment les interactions culturelles et intellectuelles.
Mais voilà que lors d'une visite à son père, et devant l'intérêt de ce dernier pour les arbres, Alba en vient à s'interroger sur les conséquences de son mode de vie sur l'environnement, notamment du fait de ses nombreux vols.
Est-ce un déclic suffisant pour changer de vie et larguer les amarres ?

Alba nous fait partager un cheminement très intime, l'auteur procède par petites touches, comme peintre d'un paysage impressionniste.
Alors, lorsque parallèlement à ses questionnements écologiques, elle apprend qu'un ancien étudiant qu'elle guidait dans ses recherches, publie un recueil de poèmes, ode à une relation amoureuse fanée avec une enseignante (Alba elle-même...), sa candidature à ce nouveau poste convoité devient compromise. Dès lors, c'est toute sa vie qu'Alba entrevoit sous un nouveau jour.

J'ai apprécié la délicatesse qui affleure à travers le récit souvent poétique d'Auður Ava Ólafsdóttir. Parce que l'on sent à peine ce petit caillou dans la chaussure, ce petit basculement léger, qui la pousse à enlever cette chaussure finalement inconfortable, qui décide Alba à opérer un changement de trajectoire dans sa vie. J'ai aimé que l'autrice traite avec grâce ce petit moment de fragilité, où son personnage vit ce déclic sans force et fracas, mais au contraire avec une forme de légèreté assourdie, une sagace ténuité.

C'est ainsi que, d'un questionnement écologique, Alba amplifie ce temps d'interrogation par une prise de conscience profonde sur le sens même de sa vie.

"Combien d'arbres je devrais planter si je voulais compenser l'empreinte carbone de tous les trajets en avion que j'ai effectués l'an dernier?"
L'autrice plonge Alba dans un dilemme: n'y a t-il pas un terrible paradoxe à travailler sur des langues en voie de disparition et pour ce faire, se rendre à des colloques en avion, néfaste pour l'environnement et participant à une dégradation écologique, donc à la disparition d'espèces, dans la faune ou la flore?

Peut-on alors travailler à sauver des langues de la disparition tout en contribuant à dégrader l'environnement, dont ces mêmes langues décrivaient la richesse et la beauté ? Quand toute beauté est éteinte et qu'il ne reste qu'incendies, désert, inondations et terres stériles, à quoi bon utiliser une langue, restreinte au champ lexical du désastre et de l'affliction ?

Cette mise en abyme du paradoxe qu'elle entretient sonne comme un coup de semonce intérieur. Alba, guidée par un irrépressible besoin de retour à la nature, acquiert une propriété composée d'un grand terrain, pour y planter des arbres. Elle y réensème 2000 bouleaux, entretient la tourbière existante avec des bruyères, et bâtit un potager.
Par petites touches, Auður Ava Ólafsdóttir tisse une relation entre langue et environnement: en même temps que disparaissent certaines espèces, que s'effondre la biodiversité, les langages eux aussi sont effacés. "Entre 6500 et 7000 langues sont parlées dans le monde, mais une langue meurt chaque semaine: "Il meurt une langue tous les vendredis [...] Si on continue ainsi, on est en droit de redouter que 90% des langues auront disparu d'ici à la fin du siècle ". (P.23)

Le langage, la langue, les mots, sont donc au centre de ce roman. Ainsi Auður Ava Ólafsdóttir nous invite au pays des mots, de leur sens, de leur interprétation et de leur déformation, mais aussi de leur création et de leur disparition.
Malgré tout, le roman atteint son paroxysme quand Alba réalise qu'elle s'est peut-être fourvoyée.
Le langage a ses limites et Alba relève par exemple ces textes souvent traduits de façon lacunaire, lorsqu'ils décrivent dans leur version originale des éléments non équivalents dans la culture de la langue de traduction. Ainsi chemine Alba, abandonnant le langage au profit des sensations.

Auður Ava Ólafsdóttir souligne aussi la responsabilité personnelle de chacun, non en recourant à la culpabilité, mais en valorisant l'importance de l'engagement personnel: elle cite d'ailleurs comme une récurrence cette phrase mise en exergue dans le texte "Nous sommes à chaque instant au centre de notre existence"(P.53)

De ce fait, la démarche d'Alba est peut-être salvatrice : plutôt que de s'épuiser à sauvegarder des langues, on pourrait voir dans son choix de s'éloigner de son travail et de recréer un environnement naturel, la volonté de prendre le problème à l'envers. Planter et semer pour créer du vivant, plutôt que se battre à coup de kérosène pour sauver des langues moribondes. Elle évoque cet "idiome aborigène amazonien menacé de disparition par la destruction de la forêt" (P.22)

Alba ne plante pas pour symboliser un combat ou s'ériger en figure revendicatrice du combat écologique. Elle a compris que chacun peut agir à son niveau. Elle oppose la tentative au fatalisme.
Elle a acquis une propriété, déjà abîmée par les vents, mais qui plus est, menacée à terme par l'érosion du terrain:
"[...] l'eau de fonte du glacier, ou plus précisément les débris de glace qui descendent la rivière, grignotent chaque année un mètre de la rive.[...]
Y a-t-il moyen de s'abriter sur ces terres désolées battues par les vents? m'a demandé ma soeur lors de notre dernière conversation. Tout ce qui peut emporté l'est fatalement, n'est-ce pas ?"(P.101)

"Éden", comme ce jardin des origines, paradis perdu qu'essaie de ranimer Alba, est donc un récit actuel, parsemé des problématiques contemporaines relatives aux changements climatiques.
Mais c'est aussi un récit du renouveau et de la reconstruction.
De la reconstruction de soi, mais aussi d'une maison délaissée à laquelle on redonne vie et enfin d'un jeune garçon, Danyel, dont Alba devient l'amie. Ce jeune réfugié a quitté son pays, traversé les épreuves du déracinement et subi du stress post-traumatique. Loin des fauteuils confortables de l'université, Alba en transmettant les bases de sa langue à Danyel se reconnecte à l'utile, aux mots nécessaires, comme un retour à l'essentiel.

J'ai lu avec émotion cette relation qui se construit entre la linguiste, qui abandonne derrière elle ses livres savants pour emménager dans une maison plus petite, qui se déleste de ses cartes de visite, comme de vieux oripeaux, et ce jeune garçon, avide d'apprendre cette langue qui signe son entrée dans un monde où il sera enfin en sécurité.
Pendant qu'Alba relativise l'utilité de la langue, le language constitue au contraire pour Danyel un élément d'ancrage et de liens affectifs. Car la langue, aussi maladroitement maitrisée soit-elle, reste le moyen de "décrire comment il est possible de supporter cette chose qu'on appelle la vie".(P.210)
Alors la langue peut permettre de s'épancher sur la détresse, la perte, le deuil mais aussi l'espoir, la joie d'être sauf, la croyance d'un lendemain meilleur.

Si le sujet écologique peut se révéler grave, l'autrice revient à l'essentiel en se recentrant sur le lien humain, en faisant qu'Alba s'insère dans une communauté.
L'arrivée de cette linguiste dans cette bourgade rurale est un véritable événement et révèle avec surprise le goût des habitants pour la langue et sa grammaire ! Alors qu'Alba, faisant du tri dans ses ouvrages dédiés à la langue, pensait que ces derniers, ouvrages très pointus sur la langue, finiraient abandonnés, le lecteur découvre avec étonnement que ces gens, que l'on pourrait mésestimer loin des activités culturelles de la ville, sont en réalité très motivés et investis: "Gerður, la guichetière de la banque, m'a acheté La généalogie de la langue, Fríður qui travaille à la supérette la compilation d'articles: La grammaire en s'amusant. Et juste avant ton arrivée, j'ai vendu à Elinborg K Déclaration d'amour à ma langue maternelle." (P.144)

Le roman d'Auður Ava Ólafsdóttir, c'est tout cela, ces tranches de vie, superposées, dont certaines plus dramatiques et d'autres plus légères, cohabitation de la tristesse avec la réjouissance, de l'inquiétude avec le réconfort. Ce regard juste donne un ton particulier au récit, une sensation de glisser sans bruit sur cette évocation de la fragilité de la vie.

Et en guise de respiration avant de quitter ce roman, une liste dressée par Alba :

"Activités qui échappent aux règles du langage

Marcher dans la nature.

Travailler dans le jardin.

Biner les rangs de pommes de terre. Respirer.

Regarder le ciel au-dessus de la montagne. Écouter les oiseaux"(P.177)
Commenter  J’apprécie          5419
Un voisin qui porte le nom d'un arbre. Une linguiste dont est tombé fou amoureux un étudiant poète au point d'émailler toute sa bibliothèque de dédicaces sibyllines. Un chauffeur de taxi témoin de Jéhovah. Un jeune homme réfugié. Et quelques autres, toute petite communauté de voisins, d'amis, de cousins en Islande tandis que le climat se dérègle et que les langues rares meurent (il s'en éteint une toutes les semaines. le vendredi, a statué un groupe de chercheurs espérant marquer les esprits, quelle que soit l'impuissance ).

Comme toujours avec Auđur Ava Ólafsdóttir, il n'y aura pas d'explications interminables pour justifier les actions des personnages. Pas de velléités non plus. Ce sont les inscriptions dans les faits qui portent le sens. Ainsi, lorsque Alba Jakobsdóttir visite une maison à vendre avec son grand lopin de terre à quelques dizaines de kilomètres de Reykjavik où elle réside pour le moment, on n'aura pas eu le temps de caresser l'idée qu'elle l'achète, change radicalement de vie, que c'est déjà fait. de même, son projet de planter des milliers d'arbres pour compenser les milliers de kilomètres qu'elle a parcourus en avion pour se rendre à des colloques entre linguistes. Pas une ligne d'explication alarmiste ou moralisante sur la gravité du changement climatique et la prise de conscience de notre narratrice. Ce sont les plants dans le coffre, le bleu de travail acheté au rayon bricolage du magasin d'à côté qui entérinent un projet qui n'avait surgi auparavant que dans une demi-phrase.

A la place des interprétations psychologisantes, des discours d'experts, des postures, on aura la déclinaison des terminaisons correspondant aux différents cas de l'islandais selon la fonction grammaticale du mot dans une phrase. Les analogies dont il est souvent difficile de retrouver le cours qui font jaillir dans l'esprit d'Alba tel ou tel mot, la confondante proximité, à une lettre près, qu'il a avec un autre, sans que le sens en justifie rien.
« Debout sur mon carré d'herbe, je tenais par la queue une souris que j'avais attrapée dans la maison et je cherchais un trou dans lequel la glisser lorsqu'une phrase lue récemment dans un article m'est brusquement venue à l'esprit : la langue est le principal outil de l'être humain dans sa lutte pour le pouvoir. Cela m'a fait comprendre que même si mon travail consiste à analyser la manière dont idées et sentiments se coulent dans le moule du langage, je n'ai pas toujours été très douée pour faire coïncider mes pensées avec mes paroles. Il est à la fois étrange et illogique qu'une souris soit à l'origine de telles réflexions, et il est plus bizarre encore que, juste après, j'aie décidé de construire un mur en pierres. »

Voilà. Pas exactement sans rime ni raison, mais sans qu'on puisse en tracer le chemin, sans que, malgré la multitude de ses combinaisons, le langage en épouse exactement la réalité, mettant souvent au jour, au contraire, d'insolites et impertinentes coïncidences, le concret enlace les considérations les plus abstraites ; les vents, la pluie, le jour varient leur manière d'advenir, les hommes migrent ou meurent, les villageois se mettent à la linguistique et il nait de tout ceci, malgré les pertes, malgré les erreurs, une chaleur, une confiance dans l'humanité et dans les mots qui rassénère.

J'ai savouré ce livre au rythme doux d'une fatigue cotonneuse comme on retrouve l'histoire farfelue et gravement légère que vous conte un ami pour vous distraire, vous extraire tendrement de votre léthargie. Suivant les mues des perdrix des neiges, la lente croissance des boulots et d'un érable, j'ai dérivé « Là où librement le Verbe s'envole » dans une rêveuse quiétude.
Commenter  J’apprécie          4735
« Pourquoi recourir à la virgule ? L'enseignante en moi répondrait : pour sortir de sa torpeur et respirer. Regarder autour de soi. Décider de la prochaine étape du voyage. »
Et pour Alba, professeure, linguiste et traductrice à Reykjavik, la prochaine étape, c'est de restaurer son empreinte carbone en plantant des arbres. Elle achète un terrain, à la campagne et met en terre 5000 bouleaux, suivant les conseils de son père et d'un ami de ce dernier. C'est aussi l'occasion pour elle de rencontrer ses voisins et de s'investir dans cette petite communauté très soudée…
Et cela s'avère un véritable tournant dans son existence
Quel texte délicieux et apaisant, qui traite avec délicatesse et bienveillance d'écologie et d'exil. La plume est douce, l'humour léger, les mots empreints de poésie. Et comment ne pas succomber à un livre qui propose 8 mots différents pour évoquer le vent ?
C'est impossible. Ce roman est irrésistible de bonté.
Et ça fait un bien fou
Commenter  J’apprécie          473
Ce livre m'a fait un bien fou. J'ai envie de l'offrir à tout le monde tant il a inscrit en moi une forme d'allégresse doucement transgressive.
Je pensais que l'oeuvre d'Audur Ava Ólafsdóttir était réservée aux amateurs de filegoudes scandinaves. Que nenni. Quelle erreur!
Alors c'est quoi ce livre ?
C'est l'histoire d'Alba, la linguiste islandaise.
C'est l'histoire des mots d'Alba.
Un gars a dit un jour que l'inconscient est structuré comme le langage, alors c'est aussi l'histoire du va-et-vient entre la pensée d'Alba, ses rêves, ses images, ses réservoirs de mots, ses déclinaisons. Ici le travail d'Eric Boury, le traducteur, est époustouflant.
C'est aussi l'histoire de la superposition entre catastrophe climatique et catastrophe linguistique : une langue meurt toute les semaines et Alba doit planter 5600 arbres pour compenser son empreinte carbone.
C'est l'histoire de l'Eden, l'endroit où nous devons être, au centre de notre existence et à chaque instant.
C'est aussi l'histoire de la possibilité du changement.
En moins de 250 pages, l'auteure aborde avec une simplicité désarmante (ou armante, oui plutôt ça, une simplicité armante) les thèmes majeurs du dérèglement climatique, des réfugiés, de la fin de la poésie et des grands cétacés.
C'est parfois flippant mais c'est surtout très beau et très drôle en même temps.
La description du congrès sur les langues en voie de disparition est un morceau de bravoure. Alba est aussi re-lectrice pour une maison d'édition, à ce titre elle cherche désespérément à donner un semblant de vraisemblance au polar écrit par le Ministre de l'agriculture et c'est absolument bidonnant !
Alba a une grande demi-soeur infirmière obsédée par le don du sang et un vieux père, « l'expert-comptable », veuf d'une comédienne connue, infidèle et parfumée.
Elle va rencontrer tout un tas de personnage à partir du moment où elle achète une maison à retaper au fin fond de la campagne. Doucement mais radicalement, en quelques tableaux géniaux, Alba nous explique qu'elle a démissionné et qu'elle va s'installer à flanc de volcan pour y vivre en quasi-autosuffisance. Et que le village le plus proche est atteint d'une épidémie de phonologie, de pragmatique, d'analyse du discours et de syntaxe historique.
Ah, j'ai des fourmis dans les doigts, j'ai envie de tout raconter mais il faut que je vous laisse découvrir que le silence est en réalité un système complexe de communication .
Juste un extrait. Alba donne ses livres à Håkon qui les vend pour le compte de la Croix-Rouge :
« —Ce qui est étrange, c'est que la dédicace se trouve au milieu de l'ouvrage. C'est sans doute pour ça que tu ne t'en es pas aperçue.
Il le tourne vers moi pour que je puisse lire les mots écrits à la main:
À jamais dans mon coeur. Caresse-moi. »

J'ai adoré.
Commenter  J’apprécie          4336
Eden raconte l'histoire d'une Islandaise qui change de vie. Vous retrouverez la poésie, la sérénité qui se dégagent de certains livres d'Auður Ava Ólafsdóttir. Entre histoire des mots (islandais) et écologie.

Alba calcule le nombre d'arbres à planter pour compenser l'empreinte carbone de ses voyages en avion, cinq mille six cents exactement. L'éditrice pour laquelle elle corrige des textes lui demande son avis sur le recueil à paraître d'un jeune poète, mais Alba rechigne. L'explication viendra bien plus tard.

Et Alba se met en route, sans tambour ni trompette, à l'exception de ceux de sa soeur Betty : « j'ai appris que tu avais… ». Pas après pas, son existence change, bien plus qu'elle ne l'avait imaginé. Alba réussit parce qu'elle accepte le meilleur de ce que lui propose la vie, tout simplement ; et laisse discrètement derrière elle ce qui la gêne ou ne lui convient plus.

Quand le lecteur entre dans la tête d'Alba, elle rêve aux mots, synonymes, homonymes, déclinaisons. Si ma totale méconnaissance de la langue islandaise ne m'a pas permis d'apprécier ces passages, elle a permis de laisser la place aux émotions et j'ai ressenti la douceur qui se dégage de l'oeuvre.

Lien : https://dequoilire.com/eden-..
Commenter  J’apprécie          390
Alba, linguiste passionnée, réalise un jour qu'il lui faudrait planter cinq milles arbres pour compenser son empreinte carbone causée par ses différents déplacements aux quatre coins du monde. Elle achète une maison, un terrain où rien ne semble pouvoir pousser et se lance dans ce projet un peu fou…


Je ne sais pas si le bonheur est dans le pré mais il est pour moi dans chacun des livres de l'autrice islandaise Audur Ava Ólafsdóttir et Eden ne fait pas exception.

Je me suis donc embarqué pour l'Islande avec Alba. J'ai baigné dans ses incessants questionnements linguistiques, sa détermination, son amour des langues et des mots. Et comme dans mes précédents voyages aux côtés de l'autrice, j'ai fait la connaissance de personnages décalés mais toujours attachants dont je me souviendrais longtemps après mon retour.

Eden, plus qu'une parenthèse enchantée, une fable écologique, poétique et linguistique.

Merci à Babelio et aux Editions Zulma !
Commenter  J’apprécie          380
Sous une couverture aux couleurs des prairies fleuries d'un paradis, Eden, justement, est le magnifique nouveau cadeau que nous offre la romancière islandaise Audur Ava Ólafsdóttir. On y retrouve cette structure du récit en archipel, si particulière qu'elle est comme la marque de fabrique de l'écrivaine, qui, dans le présent texte, la transforme, dans une remarque de la narratrice, en métaphore de l'existence : « La vie est une succession de chapitres, un enchaînement de chapitres innombrables et distincts ». On y goûte surtout, comme à chaque nouvelle traduction de l'auteure, le même charme envoûtant, comme un je-ne-sais-quoi fait d'émotions et d'humour léger, d'attention candide aux décors comme à la qualité des relations humaines, de sensualité autant que de profondeur de réflexion. Et, cette fois, en raison même de la profession et des centres d'intérêt de la narratrice, s'y ajoute le sel supplémentaire d'une méditation vagabonde et souvent lumineuse, au fil des mots et de leur étymologie, sur les liens entre la langue et le monde.
Correctrice et traductrice occasionnelle pour une maison d'édition, Alba est enseignante-chercheuse, linguiste et grammairienne de la langue islandaise, et, à ce titre, souvent invitée à participer à des colloques sur les langues minoritaires menacées de disparition. Au retour d'une de ces rencontres, bien consciente qu'il n'y a pas que les petites langues que l'extinction guette, mais aussi la biodiversité, l'humanité, voire la terre entière, à cause du réchauffement climatique, elle calcule que l'empreinte carbone générée par ses déplacements de l'année précédente ne pourrait être compensée que par la plantation de cinq mille six cents arbres… Une annonce immobilière, proposant l'achat d'une maison isolée au pied d'une montagne, comme un séjour de vacances idéal, retient bientôt son attention. Apprenant en outre, au cours de sa visite, que l'ancienne propriétaire n'est autre qu'une auteure de romans policiers dont elle a plusieurs fois corrigé les épreuves, elle décide d'acquérir le terrain, soutenue par l'enthousiasme complice de son père. Tandis qu'elle apprivoise peu à peu les lieux, liant amitié avec la boulangère-quincaillère du village ou l'original vendeur d'une épicerie de la Croix-Rouge, mais rencontrant l'hostilité de sa soeur ou d'un voisin, éleveur de brebis, qui la voit d'un mauvais oeil ériger une clôture, elle plante peu à peu des centaines de pousses de bouleaux, envisageant de prolonger le reboisement de son terrain par des mélèzes, un érable, deux pommiers. Aidée dans cette tâche par Danyel, un jeune réfugié avide d'apprendre l'islandais, elle cultive son jardin autant que leur passion commune pour les mots, les images et les rêves qu'ils suscitent…
Empreint ainsi de sagesse voltairienne, le roman d'Audur Ava Ólafsdóttir nous enchante autant qu'il nous invite à réfléchir à l'urgence de garder une relation poétique au monde, aussi bien par nos manières de le nommer que par nos gestes pour le protéger… Un Eden islandais à rejoindre par la lecture, la plus douce des manières de ne pas augmenter notre propre empreinte carbone !
Commenter  J’apprécie          322
Planter des arbres et bâtir un jardin dans un coin perdu de l'Islande.

C'est ce que fait Alba, la narratrice du roman, une professeure de langue à l'université de Reykjavik. Elle semble avoir d'abord l'idée de planter des arbres pour compenser son empreinte de carbone. Mais peu à peu, on comprend que c'est un véritable tournant de son existence.

On fera aussi connaissance avec son père dont le voisin Hylmur, au prénom qui signifie « érable », est un passionné du reboisement du pays. Il sera bien sûr question de la nature, des changements climatiques, des jeunes arbres qui peuvent résister aux vents, mais aussi du bonheur du patient travail de jardinage.

Afin de réparer sa maison, elle rencontrera des réfugiés, dont on ne sait pas d'où ils viennent, mais sûrement de pays au climat plus chaud. Elle nouera une amitié avec Danyel, un adolescent sans famille.

Alba est aussi réviseuse pour une maison d'édition, elle commente les textes et parle beaucoup des langues et des mots. C'est fascinant, parfois amusant, mais j'imagine que la lecture aurait pris un sens différent si j'avais lu le texte original et non la traduction. Pas que celle-ci ne soit pas impeccable, mais la musique des mots m'aurait parlé davantage si j'en avais reconnu les airs.

Au final, une lecture très agréable, qui traite de plusieurs sujets sociaux, mais sans lourdeur, en gardant toujours la note d'espoir que les feuilles repousseront au printemps.
Commenter  J’apprécie          300





Lecteurs (1150) Voir plus



Quiz Voir plus

Quizz Rosa Candida

Comment s'appelle le personnage principal?

Arnol Tharniljuifs
Arnljotur Thorir
Arnoldiu Tharak
Arnold Thyrolior

15 questions
252 lecteurs ont répondu
Thème : Rosa Candida de Auður Ava ÓlafsdóttirCréer un quiz sur ce livre

{* *}