Citations sur Presque rien sur presque tout (62)
Nous sommes condamnés à la pensée comme nous sommes condamnés au temps et à la liberté. Il est un peu gauche pour un homme de parler de pensée, car il ne peut rien en dire qu’en se servant de la pensée, ou de ce qui lui tient lieu. Ce qui le précipite aussitôt dans un cercle vicieux et dans un tourbillon dont personne ne peut sortir et qui donne le vertige. Penser la pensée est le plus drôle, le plus cruel, le plus dangereux des drôles de jeux.
La science domine tout ce qui est dans le temps – mais seulement ce qui est dans le temps. Rien ne lui échappe – sauf le temps. Le temps garde en lui et protège le mystère des origines. Il nous nargue. Il nous livre tout ce qui se déroule grâce à lui et en lui. Mais son être et son sens, il nous les refuse avec constance.
Malgré les rêveries de philosophes qui réduisent l'univers à une création de l'esprit, le monde réel existe. Nous avons mal, nous avons faim, nous pleurons, nous sommes heureux.
Le passé n'est pas fait pour vivre. Il est fait pour mourir et pour être oublié. Laissez les morts enterrer les morts. Le passé n'est pas fait pour se substituer au présent : il est fait pour disparaître dans quelque chose que nous ignorons et que nous appelons le néant. Et pour briller comme une veilleuse dans la nuit de l'esprit. Les morts, les pauvres morts, restent vivants en nous tant que nous pensons à eux.
La pensée n’est pas liée, comme l’instinct chez les fourmis ou chez les abeilles si laborieuses, à telle ou telle situation. Elle n’est pas liée à tel ou tel objet. Elle est une ouverture au tout. L’homme, qui est un animal, n’est plus un animal. Il est autre chose. D’une certaine façon, il est le tout. Parce qu’il le pense.
Le temps est notre patrie, notre bien à tous, notre matière et notre âme. Il est aussi près de nous que l’éternité en est loin. [...] Le temps a commencé. Il finira. Si le temps n’avait pas commencé, s’il ne finissait pas, il serait lui-même l’éternité.
« Adieu mes che¬veux blonds, adieu mes blanches épaules, adieu tout ce que j'aimais, tout ce qui était à moi ! J'embrasserai maintenant, dans mes nuits ardentes, les troncs des sapins et les rochers dans les forêts en criant votre nom et quand j'aurai rêvé le plaisir, je tomberai évanouie sur la terre humide» Musset Sand
S'il y avait une vérité, et une seule, et que nous puissions y atteindre, les hommes seraient bien obligés de s'y soumettre sans hésitation ni murmures et de communier en elle. Les tensions se relâcheraient. Toute lutte s'évanoui¬rait. La vie s'arrêterait. Et le monde. Il y a beaucoup de vérités et elles se combattent entre elles. La vérité est cachée. Et l'histoire se poursuit.
La vie s’occupe de la vie ; elle tourne le dos à la mort qu’elle essaie d’oublier.
Et le moindre moment de bonheur souhaité Vaut mieux qu'une si froide et vaine éternité.