"Ressortissant d'un pays actuellement en détention", un père de famille japonais, bien installé dans sa petite vie bourgeoise américaine, se voit comme tant d'autres, au lendemain de Pearl Harbor envoyé dans un fort du Texas. Sa femme et ses enfants, devront eux déménager, "pour assurer leur protection", dans des baraquements froids (ou brûlants l'été), nimbés de "poussière crayeuse" et insalubres entourés de barbelés, où seule la radio et les lettres censurées de "Papa-san" les maintiennent en contact avec le monde extérieur.
Cette autofiction, écrite en mémoire de ses grands-parents japonais "déportés par le FBI en décembre 1941", écrite de manière sobre, est le premier roman de
Julie Otsuka, témoignage fidèle de faits historiques passés sous silence. le lecteur ne peut être que touché par chacun des membres de cette paisible famille qui du jour au lendemain passe à l'horreur la plus totale. Aucun membre n'est nommé, il est donc nombre parmi tant d'autres. La mère, juste avant le départ en camp, "une très belle femme", sans mot ni larme,comme si elle accomplissait une tache banale (ou quelque rituel barbare) tue le poulet d'un coup de balai, donne le chat au voisins, tue le chien confiant,libère le ara, enterre l'argenterie...et là on se dit...tout change d'un coup. L'innocence des enfants, persuadés de partir en vacances, émeut car elle s'oppose à la froide lucidité de la mère.
La fille, adolescente, s'adapte mieux. le fils, plus jeune, lui cauchemarde, rêve que l'empereur Hirohito (dont le nom est interdit) est un Dieu (d'où le titre) et surtout espère revoir son père.
Julie Otsuka interroge le lecteur sur le racisme, le rejet qui fait que d'un jour à l'autre vous êtes perçu comme un ennemi, l'absurdité de la guerre, la culpabilité liée aux rumeurs et la négation de l'identité (à partir d'aujourd'hui vous êtes Chinois dit la mère pour protéger ses enfants) et américanisation à outrance (source de survie).
Un livre bouleversant!