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Citations sur Une histoire d'amour et de ténèbres (102)

... maman m'avait affirmé qu'avec le temps les livres pouvaient changer au moins autant que les humains, avec cette différence que les hommes te plaquent tôt ou tard, dès qu'ils ne trouvent plus en toi de profit, de plaisir, d'intérêt ou de sentiment, tandis que les livres ne te laissent jamais tomber. Toi, tu les dédaigneras parfois, tu en délaisseras certains pour de longues années, ou pour toujours. Mais même si tu les trahis, ils ne te feront jamais faux bond, eux : ils t'attendront en silence, humblement, sur l'étagère. Des dizaines d'années s'il le faut. Sans une plainte. Et puis, une nuit, quand tu en éprouveras soudain le besoin, peut-être à trois heures du matin, et même s'il s'agit d'un livre que tu aurais négligé, voire pratiquement rayé de ta mémoire pendant des années, il ne te décevra pas mais descendra de son perchoir pour te tenir compagnie quand tu en auras besoin. Sans réserve, sans chercher de mauvais prétextes, sans se poser la question de savoir si cela en vaut la peine ou si tu le mérites, il répondra immédiatement à ton appel. Il ne t'abandonnera jamais.
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On savait bien sûr à quel point c'était dur Israël : qu'il y faisait très chaud, qu'il y avait le désert, les marais, le chômage, des Arabes pauvres dans les villages, mais on voyait sur la grande carte accrochée dans la classe que les Arabes n'étaient pas nombreux, peut-être un demi-million, moins d'un million en tout cas, on était sûr qu'il y avait assez de place pour quelques millions de Juifs de plus, que les Arabes étaient peut-être simplement excités contre nous, comme les masses en Pologne, mais qu'on pourrait leur expliquer et les convaincre que nous serions une bénédiction pour eux, sur le plan économique, médical, culturel, etc. Nous pensions que dans peu de temps, quelques années au plus, les Juifs seraient une majorité dans le pays – et que nous donnerions immédiatement au monde entier l'exemple de ce qu'il fallait faire avec notre minorité opprimée, nous traiterions naturellement la minorité arabe avec justice et intégrité, avec bienveillance, nous les associerions à notre patrie, nous partagerions tout, nous ne les changerions jamais en chats. C'était un beau rêve. 
(page 326)
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Au printemps, l’air embaumait les fleurs et les fruits, auxquels se mêlaient les vapeurs de lessive et les odeurs de pain chaud, de pâtisseries, de tourtes et de plats épicés qui montaient des cuisines.
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Le problème avec Trotski, Lénine, Staline et consorts, pensait ton grand-père, c'est qu'ils avaient aussitôt essayé de refaire le monde en fonction des livres, ceux de Marx, d'Engels et d'autres penseurs de cet acabit qui connaissaient peut-être toutes les bibliothèques par cœur, mais ne savaient rien de la vie, de la méchanceté, la jalousie, la mesquinerie et la joie sardonique. On ne pourra jamais jamais programmer la vie conformément a un livre! Aucun livre ! Ni notre Shoulhan Aroukh, ni Jésus-Christ, ni le manifeste de Marx ! Jamais ! Mieux vaut organiser moins et s'entraider plus ou même compatir un peu, répétait-il. Il croyait en deux choses, ton grand-père : la compassion et la justice, derbaremen un gerekhtikeyt. Mais il était d'avis que l'une n'allait pas sans l'autre : la justice sans la compassion, c'était l'abattoir. La compassion sans la justice, c'était peut-être bon pour Jésus mais pas pour les gens simples qui ont mangé la pomme du mal. C'était son point de vue : un peu moins d'organisation et un peu plus de compassion.
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Les pires conflits entre les individus ou entre les peuples opposent souvent des opprimés. C'est une idée romanesque largement répandue que d'imaginer que les persécutés se serrent les coudes et agissent comme un seul homme pour combattre le tyran despotique. En réalité, deux enfants martyrs ne sont pas forcément solidaires et leur destin commun ne les rapproche pas nécessairement. Souvent, ils ne se considèrent pas comme compagnons d'infortune, mais chacun voit en l'autre l'image terrifiante de leur bourreau commun.
Il en va probablement ainsi entre les Arabes et les Juifs, depuis un siècle.
L'Europe a brimé les Arabes, elle les a humiliés, asservis par l'impérialisme et le colonialisme, elle les a exploités, maltraités,et c'est encore l'Europe qui a persécuté, opprimé les Juifs et qui a autorisé, voire aidé les Allemands à les traquer aux quatre coins du monde et à les exterminer presque tous. Or les Arabes ne nous prennent pas pour une poignée de survivants à moitié hystériques, mais pour le fier rejeton de l'Europe colonialiste, sophistiquée et exploiteuse, revenue en douce au Proche-Orient - cette fois sous le masque du sionisme - pour recommencer à les exploiter, les expulser et les spolier. Nous, nous ne les prenons pas pour des victimes semblables à nous, des frères d'infortune, mais pour des cosaques fomenteurs de pogroms, des antisémites avides de sang, des nazis masqués : comme si nos persécuteurs européens resurgissaient ici, en Terre d'Israël, avec moustache et keffieh, nos assassins de toujours, obsédés par l'idée de nous couper la gorge, juste pour le plaisir.
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J'étais un enfant des mots. Un bavard intarissable. Avant même d'ouvrir les yeux, je m'étais lancé dans un discours qui se prolongeait presque sans interruption jusqu'à l'extinction des feux, le soir, et au-delà, dans mon sommeil.
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Si tu prends tes idées ailleurs, disait mon père, c'est très mal, c'est du plagiat, mais si tu les empruntes à une dizaine de livres, tu es un chercheur et à une quinzaine, tu deviens un savant éminent.
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La mémoire vivante, tels les cercles à la surface de l’eau ou les frissons nerveux agitant l’échine d’une biche juste avant qu’elle ne s’enfuie, la mémoire donc frémit simultanément sur plusieurs rythmes, en plusieurs foyers, avant de se figer et de devenir le souvenir d’un souvenir.
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Tu sais qui était le cardinal Richelieu ? Peu importe. Tu me le diras la prochaine fois, ou pas. A mon âge, je me moque éperdument de mourir sans avoir le grand honneur de savoir qui était le cardinal Richelieu. Des cardinaux, il y en a des tas, et ils détestent pratiquement tous notre peuple. 
(page 312)
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Non seulement la lumière de la Tel-Aviv d'alors différait plus encore de celle de la Jérusalem d'aujourd'hui, mais les lois de la gravité n'y étaient pas les mêmes non plus. On ne marchait pas de la même façon à Tel-Aviv : on y planait, on bondissait, comme Neil Armstrong sur la lune.
Chez nous, à Jérusalem, on aurait dit un cortège funèbre, ou les retardataires à un concert : on tâtait d'abord prudemment le terrain du bout de soulier. Ensuite, une fois qu'on avait posé la plainte du pied, on ne se hâtait pas de la déplacer : il nous avait fallu deux mille ans pour pouvoir mettre le pied à Jérusalem, on n'allait donc pas y renoncer si vite.
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