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3,6

sur 773 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
sorte de journal contemporain d'une enfant juive russe autour de son arrivée en France, alors qu'à ses yeux rester en russie était possible. Son combat administratif de pouvoir récupérer son prénom original qui a été francisé est le fil rouge de son récit de migrante et de sa famille éclatée. C'est un livre très intéressant dont le style ne permet pas toujours de traduire l'intensité de cette histoire
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Pauline, la Française, ne veut pas oublier Polina, l'enfant russe émigrée. Elle fait des démarches administratives afin de pouvoir utiliser ce prénom originel sur ses papiers officiels d'adulte Française. C'est l'occasion pour l'auteur de raconter le départ de Moscou, l'arrachement à la vie communautaire avec les grands parents maternels. L'histoire récurrente des changements de prénoms du côté de son père pour protéger, pour facilité l'intégration pour cacher la judéité.
En alternant passé et présent, Moscou et St Etienne, l'auteure parvient à dire la complexité de l'émigration, elle amuse et émeut en racontant son quotidien d'enfant et ses déboires de jeune femme. Les multiples réflexions sur la langue, l'origine et l'identité sont passionnantes, en particulier dans ces périodes de repli et d'exclusion que nous traversons.
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Polina qui arrive en France dans les années nonante, prendra le prénom français de Pauline. A 20 ans, elle décide de reprendre son prénom russe. Mais cela est bien plus compliqué que prévu. L'écriture est agréable et drôle. Partir d'un prénom pour écrire un livre j'ai trouvé cela super original. A chaque vacances, Polina retourne dans la datcha de la famille près de Moscou, et nous voyageons avec elle ! HS
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❝Nous sommes les enfants d'une langue. C'est cette identité que je revendique.❞
Vassilis Alexakis, La Langue maternelle

❝L'accent est ma langue maternelle.❞

Tenir sa langue — merveilleuse polysémie du titre de ce premier roman largement autobiographique — c'est une injonction à se taire, garder pour soi un secret, rester sur son quant-à-soi.
Tenir sa langue, pour Polina Panassenko, c'est garder vivante sa langue maternelle, retenir le russe, le préserver, le protéger de l'effacement qui le menace depuis que la famille est arrivée en France, en 1993, peu après la chute de l'URSS.
Tenir sa langue, c'est faire acte de résistance quand le recours à la langue maternelle recule et qu'avec ce recul se fragilise une part constituante de l'identité.

Tenir sa langue est le roman d'une perte à réparer.

❝J'ai perdu mon prénom russe. En sortant de la mairie, je me repasse en tête tout le temps où j'ai cru que je l'avais encore alors que je ne l'avais plus. Je l'ai perdu à Saint-Étienne. Sans même m'en rendre compte. Ça me donne envie d'y retourner. Comme si je pouvais le trouver quelque part sur le chemin entre chez moi et le collège.❞

Polina est devenue Pauline. Ce prénom francisé que l'administration voit comme une chance et le gage d'une intégration réussie n'est que la marque tenace de l'exil — exil de la Russie comme de soi-même. Écrire Pauline, c'est biffer la filiation pour celle qui porte le prénom que la grand-mère juive, fuyant les pogroms d'Ukraine en 1954, avait dû russiser — Pessah devenant Polina. Polina / Pauline, phonétiquement proches et pourtant lointaines. Pauline est une autre. Les trois lettres changées l'allègent du poids d'une histoire dont elle ne souhaitait pas se défaire. Accepter Pauline serait une manière de fuir, de se cacher, de nier la filiation et refuser la transmission. Et cela ne peut se concevoir pour l'autrice qui, au moment où s'ouvre le roman, a entamé les démarches pour récupérer le prénom reçu à la naissance.

Tenir sa langue, c'est tenir sa place.

❝Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur […].
Je veux croire qu'en France, je suis libre de porter mon prénom de naissance.
Je veux prendre ce risque-là.
Je m'appelle Polina.❞

L'adulte qu'elle est devenue observe l'enfant qui avec ses parents et sa soeur aînée a quitté la Russie de Boris Eltsine. Tous les quatre y ont laissé des souvenirs — la queue interminable à l'ouverture du premier McDo, l'arrivée des chars, ❝grosses boîtes kaki avec une sorte de kaléidoscope intégré❞, les repas du Nouvel An préparés grâce à la ❝Néprikosnovenyï Zapas. Réserve intouchable❞ qui sert à agrémenter les menus de fête — mais aussi les grands-parents, le petit deux-pièces communautaire de l'avenue Lénine et Tobik l'énorme peluche que Polina a dû abandonner. La Russie est devenue un lieu de villégiature estivale lorsque, russes dehors, français dedans, ils reviennent à la datcha auprès des grands-parents ; mais c'est aussi et avant tout un prénom, une langue, une identité complexe.

À Saint-Étienne où la famille s'est installée, on suit les aventures quotidiennes de la jeune Polina qui apprend à évoluer dans une autre géographie faite d'incessants allers-retours entre deux lieux, deux cultures, deux langues.

❝Ma mère aussi veille sur mon russe comme sur le dernier oeuf du coucou migrateur. Ma langue est son nid. Ma bouche, la cavité qui l'abrite. Plusieurs fois par semaine, ma mère m'amène de nouveaux mots, vérifie l'état de ceux qui sont déjà là, s'assure qu'on n'en perd pas en route. Elle surveille l'équilibre de la population globale. le flux migratoire : les entrées et sorties des mots russes et français. Gardienne d'un vaste territoire dont les frontières sont en pourparlers. Russe. Français. Russe. Français. Sentinelle de la langue, elle veille au poste-frontière. Pas de mélange. Elle traque les fugitifs français hébergés par mon russe. Ils passent dos courbé, tête dans les épaules, se glissent sous la barrière. Ils s'installent avec les russes, parfois même copulent, jusqu'à ce que ma mère les attrape. En général, ils se piègent eux-mêmes. Il suffit que je convoque un mot russe et qu'un français accoure en même temps que lui. Vu ! Ma mère les saisit et les décortique comme les crevettes surgelées d'Ochane-Santr'Dieu. On ne dit pas garovatsia. On dit parkovatsia ou garer la voiture. La prochaine fois que garovatsia arrive je lui dis non, pousse-toi, laisse passer parkovatsia.❞

Ceux qui ont déjà vécu un déracinement, fût-il temporaire, reconnaîtront dans ce truculent roman d'apprentissage une réflexion pleine de justesse sur le passage des frontières ainsi que sur les déplacements lexicaux qui accompagnent les déplacements géographiques. le français et le russe coexistent mais se mélangent peu, au premier les mots du dehors, au second ceux du dedans, à l'un ceux de l'école, à l'autre ceux du foyer.

❝Russe à l'intérieur, français à l'extérieur. Ce n'est pas compliqué. Quand on sort, on met son français. Quand on rentre à la maison, on l'enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l'ascenseur. Sauf s'il y a des voisins. S'il y a des voisins, on attend. Bonjour. Bonjour. Quel étage ? Bon appétit. Il faut bien séparer, sinon on risque de se trouver cul nu à l'extérieur.❞

L'enfant redoutablement perspicace bouscule le français, l'enrichit de sonorités et de trouvailles cocasses donnant à cette langue étrangère un vague air de famille avec la langue maternelle. À la materneltchik qui sent le parapluie mal séché, Pauline devient l'amie de Philiptchik qui de manière assez symbolique a lui aussi un problème avec la langue.
Et le français à son tour de bousculer le russe :

❝Il semblerait que si je dis Sava ?, l'autre va comprendre que je demande comment il se porte. Et si je dis Sava ! on comprendra que je vais bien. Je ne sais pas pourquoi. À Moscou, sava veut dire hibou. Je ne sais pas pourquoi ici il faut dire hibou pour se donner des nouvelles.❞

On a beau esquisser un sourire amusé devant tant de candeur enfantine, on perçoit, sous-jacente, la violence d'être locuteur natif d'une langue qui, du jour au lendemain, ne permet plus d'être compris, de comprendre les autres, et l'isolement qui s'en suit. C'est déstabilisant de devoir parler et écrire dans une langue qui n'a pas les mêmes souvenirs que soi.

Mon seul regret est que ce roman souffre d'une construction paresseuse qui se résume à une juxtaposition d'anecdotes passées et de saynètes du quotidien. Elle aurait mérité d'être plus travaillée pour éviter un petit côté artificiel qui est d'autant plus dommage que le propos, lui, est adroit.

Tenir sa langue parle des origines, évoque le tiraillement entre deux façons d'être au monde et, sous couvert d'humour caustique, soulève des questions essentielles. de quelles histoires sommes-nous constitués ? Qu'emporte-t-on avec soi sur le chemin de l'exil et auquel on ne saurait renoncer ?
Tenir sa langue est une manière de rapatriement après l'exil. Tenir pour ne pas trahir, pour survivre au choc du déracinement tout en continuant à tracer son propre sillon.

Lien : https://www.calliope-petrich..
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Un beau roman sur l'exil, sur les racines et la quête d'identité.
A la chute de l'URSS, Polina et sa famille viennent vivre à Saint-Etienne.
A compter de ce jour, Polina devra être russe à l'intérieur et française à l'extérieur.
Elle découvre ainsi la "materneltchik", "le Gaga" (language stéphanois), Auchan, la Muraille de Chine de Saint-Etienne, Centre 2 mais aussi les pubs, les dessins animés......
Plus tard, Polina devient officiellement Pauline et l'accent disparaît. Elle vit désormais à Paris où elle a fait ses études à Sciences Po et fait du théâtre. Un jour, en voulant refaire sa carte d'identité, elle veut inscrire Polina car le courrier du Premier Ministre Lionel Jospin stipulait « est autorisée à s'appeler Pauline » et ne mentionnait pas la fin de l'utilisation de Polina. A l'époque elle n'avait pas compris…..
Maintenant adulte, elle se bat pour retrouver le droit d'utiliser à nouveau son prénom de naissance…..
J'ai aimé ce beau roman sur l'exil et la façon dont l'auteur l'aborde. J'ai aimé naviguer entre la France et la Russie. J'ai été émue par les difficultés liées à l'exil, par les racines et par cette quête intérieure.
C'est un beau roman qui m'a particulièrement touché.....
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Suite à sa naturalisation française, Pauline née Polina en Russie a perdu son nom. Elle ne s'en est pourtant pas rendu compte toute de suite. Polina se souvient, lorsque jeune fille elle reçoit le courrier officiel signé Lionel Jospin, elle est “autorisée à” s'appeler Pauline mais face à cette formule administrative elle apprend des années plus tard que “autorisée à” signifie en fait “obligée de”. Polina part alors en guerre administrative à la recherche de ses racines.

En parallèle de son procès pour reconquérir son nom, Polina nous délivre le récit de ses souvenirs d'enfance : la chute de l'URSS, la découverte de la France, ses plaisirs culinaires mais surtout cette nouvelle langue qui deviendra la sienne. L'autrice nous raconte avec humour cette partie de sa vie. A hauteur d'enfant, la fillette Polina nous explique avec beaucoup d'images ces découvertes françaises. Je me suis amusée à retrouver les références de ma propre enfance : les dessins animés, la publicité; mais aussi celles qui paraissaient incroyables pour une jeune enfant immigrée : l'immensité des supermarchés, les délices culinaires français. Sa découverte de la raclette restera un grand moment comique de cette lecture ! Evidemment le récit de Polina est également très touchant car elle évoque aussi cette part restée en Russie et incarné par ses grand parents avec qui elle entretient une relation très forte. Une filiation qui lui donnera d'autant plus la force de se battre pour son nom.

A travers son récit personnel, nous arrivons à comprendre un peu mieux les difficultés d'acclimatation pour une famille immigrée partagée entre deux cultures, deux langues. Polina Panassenko démontre ainsi l'importance des mots jusque dans son titre “Tenir sa langue” tel une règle pour maîtriser son langage, un rôle à apprendre pour s'intégrer, un jeu qu'elle a appris à maîtriser très jeune.

Encore un beau témoignage lié à l'identité pour cette rentrée littéraire. Une belle découverte.
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Pauline s'est aperçue tardivement que son prénom de naissance, Polina, n'apparaissait pas sur ses papiers officiels. C'est lors de son arrivée en France que son prénom a été francisé, de manière définitive. Or, son prénom est relié à l'histoire de sa grand-mère juive, donc précieux pour elle.

Elle va entamer des démarches pour récupérer son prénom, mais c'est compter sans l'absurdité de certaines règles et la rigidité de l'administration française.

C'est ce parcours du combattant qu'elle nous raconte ici, entremêlé de souvenirs autant en Russie qu'en France, son arrivée à Saint-Etienne, ses premiers pas à la maternelchik, où sa mère l'emmène pour qu'elle apprenne le français rapidement. Mais attention, il n'est pas question de perdre le russe.

Il y a aussi les grands-parents en Russie, le grand-père qui ne peut pas s'empêcher de demander à chaque fois qu'est-ce qui est le meilleur pays, la Russie ou la France, les séjours à la datcha en été, la tiota qui est juive quand ça l'arrange.

La petite fille essaie de jongler comme elle peut entre ces deux univers, ces deux langues ; elle le raconte avec drôlerie et légèreté. Malgré tout, on se dit que ça n'a pas dû être facile tous les jours ces allers-retours entre deux langues et deux cultures.

Et puis, l'univers kafkaïen de la justice pour récupérer Polina, les visites codifiées au tribunal, j'ignorais que c'était aussi difficile.

Une lecture agréable, qui fait réfléchir et donne un éclairage touchant sur une double culture et un milieu familial. J'aurais aimé que la réflexion aille un peu plus loin, le ton reste assez léger tout au long, mais j'ai pris plaisir à cette lecture.
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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"Tenir sa Langue" de Polina PANASSENKO est un court récit captivant qui explore les défis de la vie entre deux cultures et deux langues. L'auteure partage ses souvenirs d'une enfance à Moscou sous le régime communiste, empreinte de disette alimentaire et d'amour familial. Entre ses souvenirs, elle relate son intégration en France. le livre met en lumière les contradictions et les maladresses de l'administration française envers les immigrés, tout en questionnant ce que la France attend de ses ressortissants venus d'ailleurs. C'est une lecture à la fois drôle, touchante, insolente et grave qui offre un aperçu des complexités de l'identité et de l'intégration dans un monde de frontières et de langues.
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Un premier roman qui tient sa langue à merveille !

Tenir sa langue face à celles et ceux qui souhaitent qu'elle soit rayée. Maintenir sa langue alors que l'État impose un nouveau prénom francisé sous prétexte de faciliter l'intégration. C'est l'histoire de Polina, née à Moscou, arrivée en France après la chute de l'URSS. Polina devient Pauline, pour vivre une dualité malgré elle.

C'est l'histoire d'une femme courageuse et combattante têtue face à l'absurdité de l'administration.
« Je suis née à Moscou, en URSS. Mes parents m'ont appelé Polina. C'est le prénom de ma grand-mère paternelle. Juive. Sa famille a fui les pogroms d'Ukraine et de Lituanie. Quand ma grand-mère est née, ses parents l'ont appelée Pessah. Ça veut dire « le passage ». C'est le jour de célébration de l'Exode. »

La narratrice retrace son arrivée et celle de sa famille à Saint-Etienne avec ses mots d'enfants. C'est touchant et drôle. Commence pour elle une nouvelle vie. L'apprentissage d'une nouvelle langue à la « materneltchick » ne se fait pas sans douleur.
« À la fin de l'année, je passe de Polina à Poline. J'adopte un e en feuille de vigne. Polina à la maison, Poline à l'école. Dedans, dehors, dedans, dehors. »
Au prénom qu'elle a perdu s'ajoute l'exclusion dont elle est victime. Elle grandit, son père accompagne sa mère souffrante à l'«opitanor », elle fait des aller-retours en Russie pour rendre visite à ses grands-parents. Elle grandit en se dédoublant. D'un côté, il y a son pays d'origine, la datcha, l'appartement communautaire, les provisions cachés sous le matelas. de l'autre, il y a les minikeums, l'enclos de la cour de récréation, la « Raklète » des voisins, le « sava », hibou, pour se donner des nouvelles.
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Devenue adulte, Pauline, qui est arrivée de Russie avec sa famille lorsqu'elle avait 3 ans fait une demande officielle pour pouvoir reprendre son prénom de naissance : Polina. Une requête qui semble légitime et simple mais va pourtant s'avérer être compliquée et frôlant parfois l'absurde. Les différentes étapes de cette croisade vont faire ressurgir des souvenirs, quelques fois enfouis, vifs. C'est cette alternance que nous offre ce roman dans lequel le mot, la langue, l'accent ont une place importante. La question de l'appartenance est ici traitée sous un angle peu courant et souvent touchant.
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