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3,6

sur 760 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Voilà une lecture qui a tenu ses promesses, je m'en lèche encore les babines !
L'autrice, d'origine russe, nous narre avec beaucoup d'humour son enfance avec ses grands-parents et parents à Moscou, puis son déracinement en France, à Saint-Etienne, nécessaire au travail de son père.
Polina a dû se battre pour apprivoiser le français, elle se remémore l'exclusion en maternelle et en élémentaire que cela lui a valu, sa soudaine perte de mots, quand français et russe se bousculaient au portillon de sa langue.
Langue qu'elle a d'ailleurs bien pendue, et elle ne mache pas ses mots quand elle nous dit sa sidération et sa colère quand elle comprend, que sans en avoir conscience, elle a été dépossédée de son prénom, transformé en Pauline, sans qu'on lui demande son avis, lors de sa naturalisation. C'est son père, pensant faciliter son intégration en France, qui a demandé ce changement.
Mais Polina à l'âge adulte ne l'entend pas de cette oreille, et nous raconte sa bataille judiciaire pour récupérer son prénom de naissance et pouvoir le mentionner sur ses papiers officiels. Car ce prénom n'est pas juste une sonorité, il raconte avant tout qui elle est, son histoire. Ce prénom est celui choisi par sa grand-mère d'origine juive pour se cacher, fuir les nazis, et surtout protéger son fils, en demandant à russiser son propre prénom Pessah en Polina.
L'autrice, elle, veut porter son prénom et ses origines en étendard, elle est fière. Son objectif est que sur l'acte de naissance de son enfant qui viendra un jour, figure le prénom Polina que ses parents lui ont donné à la naissance.
Un livre plus profond qu'il n'en a l'air et qui m'a charmé par la verve de son autrice, une grande simplicité et une franchise désarmante qui émeut. Polina nous tire la langue avec irrévérence et c'est extrêmement réjouissant !
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C'est lorsqu'elle a voulu inscrire son prénom de naissance sur ses papiers d'identité que Polina, a découvert qu'être autorisée à utiliser son prénom francisé, conformément à la demande de son père des années plus tôt, signifie en fait renoncer au prénom initial ! Pas d'autre recours que la lourde machine judiciaire pour retrouver officiellement ce prénom originel.

Quelques chapitres mettent bien en évidence l'absurdité du processus, mais cette quête de l'identité est surtout l'occasion de convoquer les souvenirs de l'enfant qui quitte la terre natale pour débarquer dans ce pays inconnu, immergée dans un bain de langage dont les sons ne font pas sens. Jongler entre les deux langues pour ne pas perdre le russe, mais s'intégrer dans ce pays qui l'a accueillie.


La double culture est une richesse qui peut cependant peser lourd et engendrer des quiproquos désagréables. le juste équilibre entre l'assimilation et la fidélité aux origines est un défi quotidien.

Avec beaucoup de fantaisie, et un art de restituer les balbutiements d'une enfant qui découvre une langue inconnue, les sons lui parviennent, l'imagination fait le reste, Polina Panassenko nous propose un récit attachant, drôle, mais qui n'occulte pas les écueils d'un exil obligé.

Très agréable premier roman, qui révèle un vrai talent d'écriture.

190 pages L'olivier août 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Avec une écriture pleine d'humour parfois féroce et une grande tendresse, Polina Panassenko nous parle de la tragédie que vivent beaucoup d'immigrants .Elle est née en Russie et s'appelle Polina mais lors de son immigration en France elle deviendra Pauline.
Franciser son prénom, lui explique-t-on est un gage de vouloir s'intégrer dans son pays d'accueil.
Polina Panassenko nous conte son arrivée en France, à Saint-Étienne avec beaucoup de tendresse et de dérision.Il lui faut du jour au lendemain plonger dans un modèle français dont elle ne maîtrise pas la langue.
Elle fait preuve de beaucoup d'humour , la maternelle où elle fait ses premiers pas , elle l'appelle la " martermeltchik".
Pendant des années, Polina va en vacances à Moscou retrouver ses grands -parents bien aimés dans la datcha où là encore, elle doit tenir sa langue.
En aucun cas, elle ne doit dire qu'elle vit en France.
A l'âge adulte, Pauline veut redevenir sur son état civil : Polina et là c'est impossible .
Avec ce premier petit roman, Polina Panassenko montre du doigt l'absurdité de certains rouages de l'administration .
En quoi, s'appeler Polina ou Pauline change les choses pour une carte d'identité alors que pour l'intéressée, son vrai prénom est son identité pleine et entière à juste titre revendiquée.
Un bon petit roman qui se dit légèrement.
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«  Russe à l'intérieur, français à l'extérieur » ..
«  Un prénom pour la vie » .
«  Je passe de Polina à Pauline. J'adopte un «  e » en feuille de vigne. Polina à la maison. Poline à l'école .
Dedans , dehors , dedans , dehors » .

On a envie de citer de nombreux passages de ce récit joyeux à l'insolence salvatrice .
«  Oui , un prénom c'est pour la vie » assène t- on aux tourmentés de la parentalité…..
«  Ce que je veux moi, c'est porter le prénom reçu à la naissance » .
Eh ,bien non, on va voir ce qu'on va voir : ainsi s'exprime la petite Poliina, née à Moscou en 1989 , qui a quitté définitivement son pays après la chute de l'URSSS.

Elle devient Pauline à Saint - Étienne en 1991.

L'administration française est retorse , obtuse , intolérante .
Devenue adulte , Polina lui tient tête .

Aujourd'hui elle veut rayer Pauline des registres : la procureure de Bobigny le lui refuse ,au prétexte que ce truc de voyelles compromettrait peut - être sa bonne intégration. républicaine .
Risible , ce début du récit …
Face à tant d'absurdité la jeune femme «  tient » sa langue une première fois en s'empêchant d'agonir d'insultes une magistrate dans les deux langues : russe et français .

Le récit qu'elle nous offre de son combat , intelligent , drôle qu'elle a dû longtemps, très longtemps Retenir sa-langue. .

: Silence sur le russe. À oublier , n'est ce pas ?
Silence sur le français , à perfectionner absolument .

Que devient une langue que l' on contient ? .
Mais pourquoi les prénoms génèrent - ils tant d'ennuis , d'incompréhension ? Tant de crispations ? .
Elle nous conte les souvenirs de son transfuge linguistique avec fantaisie et allégresse ,tendresse et dignité, inventivité , : renoncements petits et grands , échanges entre les cultures.

Premier MC DO en Russie , bêchage de la datcha, puis première «  raklete » en France ,entrée en «  materltchik » dans un esprit qui sent «  le parapluie mal sèché et la peau de lait bouilli »
Des mots qu'il faut conquérir ! .

Comment se construit l'identité d'une petite fille exilée ? .

La France Terre d'accueil ? .
Une vie tiraillée entre deux langues et deux pays.

«  Avec des maux de gorge , la langue qui la gratte pendant la nuit : «  Je tousse un peu, je grogne , je pousse quelques sons aspirés ,gutturaux. Quelque chose se passe . Ça fait du bien , c'est un trop plein de Russe resté coincé pendant la materltchik ou bien c'est le français qui s'installe et se met à l'expulser ? » .

Des mots et des pages pétries de pudeur et d'amour à propos de sa famille , sa soeur , ses parents , ses grands - parents .

Sa mère : «  Ma mère aussi veille sur mon russe comme sur le dernier oeuf du coucou migrateur . Ma langue. Son nid. Ma bouche , la cavité qui l'abrite : elle surveille l'équilibre de la population globale , le flux migratoire, les entrées et sorties des mots russes et français » .
Un premier ouvrage joyeux , tendre et frondeur ,créateur, chaleureux , original, agréable, pétri d'humour et de dérision , de fantaisie, ponctué de renoncements et de pertes , de douleurs , de deuils petits et grands , avec visite inopinée de sons , de «  son accent » revenu lui demander des comptes comme «  de la soie qui plie ici et là et qui pourrait plisser ailleurs » ….
Ah, le prénom des gens ! Un vrai sujet très peu traité !
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Depuis un moment ce livre me tentait. Et puis la critique de Queque72 (merci Marie-Pierre) m'a convaincue. Passage à la bibliothèque, ce livre est là sur la table des nouveautés, disponible, à croire qu'il m'attendais !
Un livre sur la langue, le nom, l'enfance et la quête d'identité entre deux pays (la Russie et la France), deux cultures.
Un livre qui raconte l'auteure, son enfance, et son souhait de reprendre son prénom Polina francisé en Pauline. J'ai été déroutée de voir que celle-ci doit motiver sa demande alors qu'il s'agit de reprendre son prénom.
Un voyage en Russie, un voyage dans les langues.
Un joli texte, sympa. J'ai passé un bon moment de lecture.
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Le prénom

Si ce premier roman est signé Polina Panassenko, c'est que son autrice a réussi à faire changer son prénom. L'histoire de Paulina-Polina est un jeu de saute-culture entre la Russie et la France, à l'image des nombreux allers-retours effectués entre ces deux pays.

Le courrier a beau être rédigé en jargon administratif, il ne laisse aucun doute quant à la décision prise: l'administration refuse que Paulina retrouve son prénom d'origine, Polina, francisé lors de son arrivée sur le territoire français. Alors Paulina doit à nouveau se lancer dans le dédale administratif, les instances judiciaires et espérer qu'à la fois suivante, elle sera entendue.
Car l'histoire de Polina-Paulina mérite d'être entendue. Prenant sa plus belle plume, la jeune femme va tenter de la résumer à l'intention de la procureure :
« Je suis née à Moscou, en URSS. Mes parents m'ont appelée Polina. C'est le prénom de ma grand mère paternelle. Juive. Sa famille a fui les pogroms d'Ukraine et de Lituanie. Quand ma grand mère est née, ses parents l'ont appelée Pessah. Ça veut dire «le passage». C'est le jour de célébration de l'Exode.
À la naissance de mon père, ma grand mère a changé son prénom. Elle l'a russisé. Pour protéger ses enfants. Pour ne pas gâcher leur avenir. Pour leur donner une chance de vivre un peu plus libres dans un pays qui ne l'était pas. Sur l'acte de naissance de mon père, Pessah est devenue Polina.
En 1993, mes parents ont émigré en France avec ma soeur et moi. Quand j'ai obtenu la nationalité française, mon père a fait franciser mon prénom. Lui aussi voulait protéger. Faire pour sa fille ce que sa mère avait fait pour lui.
Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. Faire en France ce que ma grand mère n'a pas pu faire en Union soviétique.
Je n'ai pas d'enfants mais je désire en avoir un jour. Sur l'acte de naissance, en face de «nom de la mère» je veux écrire «Polina».
C'est un héritage. Savoir que sa mère était libre de porter son prénom de naissance. C'est celui là que je veux transmettre, pas celui de la peur. Je veux croire qu'en France je suis libre de porter mon prénom de naissance.
Je veux prendre ce risque là.
Je m'appelle Polina. »
Pour le lecteur, Polina va détailler ce scénario, depuis ses jeunes années au lendemain de la chute du mur et de la fin de l'Union soviétique, au moment où elle vivait dans un appartement communautaire de Moscou. Bien que de taille modeste, il abritait les trois générations de la famille, ses grands-parents, ses parents, ainsi que sa soeur et elle. Dans ce moment de bascule, on a droit à quelques souvenirs marquants de la vie dans l'ex-URSS, comme cette visite à la vendeuse en bas de l'immeuble. «On doit lui dire ce qu'on veut en fonction de ce qu'il reste. Elle pèse tout sur une grande balance bleue avec une flèche qui oscille. Sur un plateau elle pose ce qu'on achète, sur l'autre elle met des cylindres, quand la flèche du cadran est au centre, elle s'arrête. Ensuite elle fait claquer les perles en bois sur les tiges du boulier et annonce un chiffre. Ma mère tend les papiers carrés qui donnent le droit d'acheter et ensuite les roubles. Sans les papiers carrés, les roubles ne servent à rien.»
Mais la grande affaire du moment, c'est le grand départ. Alors que les tanks occupent l'écran de TV, Polina prépare ses bagages pour rejoindre son père en France. Nous sommes en Octobre 1993. «On ne peut pas prendre tout ce qu'on veut, il faut choisir ce qu'on laisse et ce qu'on emporte. Ma mère passe en revue et sélectionne selon des critères qu'elle seule connaît. Moi je veux un chat en tissu jadis blanc devenu gris qui s'appelle Tobik. Lui et rien d'autre. Ma mère tranche. C'est non, il est trop gros. Si on a trop de bagages, on devra payer très cher.»
Arrive alors la partie la plus savoureuse, même si on imagine toute la difficulté, tous les efforts nécessaires à la jeune fille dans un monde si étranger. Polina est devenue Paulina et a rejoint Saint-Etienne. C'est dans le Forez qu'elle va apprendre le français, aidée notamment par la télévision et l'autre élève boudé par les autres, Philippe. Cette alliance du bègue et de la russe va faire des merveilles, tout comme le déchiffrage des publicités pour brioches ou encore les dialogues des Minikeums.
Polina Panassenko réussit à merveille à retracer ce parcours et à cacher derrière l'humour ses blessures d'enfance, sa peine à tenir l'injonction de s'intégrer et d'oublier le russe pour le français, la famille restée «là-bas» et les nouvelles relations qui se nouent «ici», dans ce pays qui ne veut pas lui rendre son passé.
Entre les rires et les larmes, Polina va écrire son premier roman dans une langue qu'elle maîtrise désormais au point d'en jouer. Et parvient à nous éblouir, à l'instar de Maria Larrea, l'autre primo-romancière de cette rentrée en quête de ses origines.


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Tenir sa langue est le premier roman de Polina Panassenko et l'ambiguité du titre nous laisse à penser à quels écueils va se trouver confrontée la narratrice. Car c'est bien de langues qu'il s'agit dans ce récit plein d'une verve insolente et drolatique : celle de la mère patrie, la Russie et celle du pays de l'exil, la France qui deviendra aussi pour la narratrice son pays d'adoption car elle va devenir "française de pleins droits par naturalisation du père".
A contrario d'autres romans sur le thème des traumatismes de l'exil vécus par des enfants et dont le dénominateur commun est souvent l'évocation du sentiment de solitude, d'abandon et de désespoir lié au déracinement, Polina Panassenko ne va pas choisir la voie de l'affect pour évoquer son départ de Russie à quatre ans, son arrivée en France, son partage entre deux cultures : la russe et la française.
L'auteure choisit d'évoquer les déchirements identitaires qui vont être les siens à travers le prisme de la langue et plus particulièrement celui lié aux prénoms. Polina en Russie, Pauline en France. C'est ce clivage un peu schizophrénique qui va être au coeur de son combat mené auprès de la justice française pour obtenir de garder son prénom russe, avec en arrière-fond, une réhabilitation identitaire et un hommage posthume à sa grand-mère paternelle, juive d'origine et qui avait russisé son prénom Pessah en Polina par souci sécuritaire.
Ce que j'ai aimé dans ce roman auto-biographique c'est avant tout l'humour et le sens du cocasse dont fait preuve la narratrice à propos de situations qui sont a priori dramatiques...Regard décalé de la petite fille russe qui ne voit dans l'arrivée des chars russes à Moscou que "des boîtes kaki, au caléidoscope intégré" ou pour qui "la vraie France s'appelle St Etienne". Ce procédé assez classique se pimente souvent d'un sens de la formule qui fait mouche :"Ma tante a le judaïsme clignotant". Mais les passages les plus savoureux vont être ceux où elle nous plonge en compagnie de la petite Polina dans le royaume d'absurdie, celui de la "materneltchik où sa mère va la traîner de force un beau matin. Ironie du sort les premiers mots de français qui feront sens pour elle seront ceux échangés avec un petit garçon bègue relégué au fond de la cour tout comme elle. Scène désopilante également que celle où elle essaiera vainement de s'intégrer à la ronde des enfants de sa classe sur la comptine enfantine : savez-vous planter les choux ? Derrière ces scénettes fort drôles pointe en filigrane toute la détresse d'une petite fille perdue dans un univers dont elle n'a pas les codes et qui va se défendre bec et ongles contre les insultes et les brimades des autres enfants.
C'est toujours avec un humour cette fois mêlé de tendresse qu'elle évoquera "la chasse aux mots perdus" faite par toute la famille lorsqu'elle se trouve en Russie pour venir en aide à la grand-mère maternelle en route vers Alzheimer...
Ce premier roman de Polina Panassenko m'a donc amusée et beaucoup plu pour son originalité et son parti-pris de l'humour envers et contre tout... Mine de rien, il pose aussi en filigrane un questionnement essentiel sur la place de la langue dans le processus identitaire et les rapports de pouvoir qu'elle peut instaurer dans certaines situations.
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«Elle veut simplement que son prénom de naissance soit sur ses papiers d'identité. »

A la chute de l'URSS, Polina quitte son pays natal avec ses parents et sa soeur pour la France. Il lui faudra apprendre une nouvelle langue, souvent tenir la sienne et retenir sa langue maternelle pour ne pas perdre son identité.

Cette jeune russe a appris à se construire avec une identité double,peut-on être Polina et Pauline sans y perdre son âme ?

Pauline veut redevenir Polina mais se heurte au mur de l'administration française qui « ne voit pas pourquoi on devrait porter le nom qu'on a reçu de ses parents plutôt que celui offert par la République ».

On lui fait comprendre qu'un prénom français, c'est le summum de l'intégration. Pauline voit les choses autrement. Ses ancêtres ont changé de nom pour échapper aux dangers.

S'appeler à nouveau Polina, c'est être sereine, ne plus avoir peur.

Un beau roman, au ton parfois assez mordant, qui pousse à questionner notre rapport aux origines et aux langues. et mine de rien, dénonce l'absurdité à vouloir enfermer quelqu'un dans une culture

Un beau roman sur la transmission et l'attachement à ses racines qui nous aide à mieux comprendre la complexité d'une double culture.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Ce titre malicieux, par les multiples sens que cet expression peut revêtir, est à l'image de ce court mais pétillant ouvrage. Il y a bien sûr ce thème du déracinement abordé par l'humour et la dérision ce qui aurait sans doute fait vibrer les moustaches du regretté Cavanna. Mais, ce témoignage est aussi et surtout un vibrant message d'amour à « ses » pays et à « ses » identités. Et l'identité, ça commence par un nom et un prénom. Alors, Pauline ou Polina, ce n'est pas du pareil au même, Germaine ! le plus surprenant dans ce récit est la maturité qui transparaît tant dans la clarté de son propos que dans sa construction littéraire. Répétons-le, ce livre est drôle. Pourtant, alors que nous sommes confortablement installés dans la gentille biographie décalée d'une jeune fille originaire de Russie qui découvre Saint-Etienne, ses « bosseignes » et ses « fouillas », voilà qu'un souvenir de deuil surgit et « l'opitalnor » fige notre sourire. Quelques lignes suivent, émouvantes, pudiques, puis le registre plus léger reprend force et vigueur. Ensuite, « Ne pleure pas Petrouchka » nous bouscule, l'ingrate Polina, égratigne la gentille maîtresse qui veut bien faire mais qui ne sait pas que Petrouchka, ça veut dire… Persil ! La même enseignante aurait sans doute chanté Nagawika à un petit péruvien ! C'est fou, tout de même, comme ces étrangers sont susceptibles voire grossiers même quand on est plein de bonne volonté. « Pauline, tout de même c'est mieux que Polina pour s'intégrer, non ? » Cette anecdote m'a rappelé ce que me disaient mes copains fils de harkis du Lodévois. Les autorités avaient francisé les prénoms des nouveaux nés. « Bruno, tout de même, c'est mieux que Mohamed pour s'intégrer, non ? » Certains ont conservé leur prénom français, d'autres ont entrepris une démarche pour récupérer le prénom dans lequel ils se sentaient le plus en harmonie avec leur identité ! En lisant ce livre, je me suis dit que décidément, dans notre Douce France, les leçons du passé ne sont pas toujours retenues ! Ou alors pas par tout le monde.
Bien malin celui qui peut affirmer si une grande écrivaine est née… La nature si particulière de l'autobiographie ne garantit pas que cet essai soit transformé (excusez cette image : je reste traumatisé par la mésaventure de Toto Ramos), mais, une sacrée grande dame et une impertinente et talentueuse artiste est née depuis un petit bout de temps, 1989, pour être précis.
Puisse-t-elle, longtemps, quelque soit le mode d'expression choisi, faire souffler un grand courant d'air revigorant sur la poussière grise de la bien-pensance ou les miasmes des aigreurs xénophobes.
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Petite, on me disait de me tenir droite, de me tenir comme il faut, mais jamais de tenir ma langue, puisque j'étais une taiseuse.

Dans le cas de l'autrice, ce n'était pas tenir sa langue dans le sens que l'on connait, mais plutôt de parler français, de ne pas oublier le russe, langue maternelle et surtout, de ne pas mélanger les deux !

Souvent, lorsque l'on travaille avec des collègues bilingues (néerlandophones dans mon cas), les mots des deux langues se mélangent, un mot flamand sort à la place d'un Français, mais tout le monde comprend, personne ne s'en offusque. Pas la mère de Polina qui veille sur le russe de sa fille comme sur le dernier oeuf du coucou migrateur…

Ce roman, c'est le récit d'un exil, d'une immigration vers la France, c'est celui d'une famille qui a quitté un pays qui n'existe plus maintenant, l'URSS, devenu la Russie. C'est un roman d'apprentissage, celui d'une langue pas facile pour celles et ceux qui doivent l'apprendre, la maîtriser.

C'est aussi l'histoire d'une naturalisation qui s'est mal passée puisque son prénom a été francisé et que Polina croyait qu'elle pouvait utiliser le prénom de Pauline et/ou de Polina. Ben non, elle était devenue Pauline.

Changer de prénom n'est pas difficile, en principe, si demain, je voulais me faire appeler Caroline ou Elizabeth, cela passerait sans problème. Oui, parce que mon prénom est dans le calendrier, qu'il est francophone. Là, la magistrate ne comprenait pas pourquoi elle voulait récupérer un prénom russe ! Kafkaïen !

Il y a de l'humour, dans ces pages. Non, on ne s'esclaffe pas, on ne se tape pas sur la cuisse, mais on sourit devant cette petite fille, débarquant à la "materneltchik" et ne comprenant rien à ce qu'on lui dit, se liant d'amitié avec un gamin bègue, évincé des autres pour cause de différence, lui aussi.

On sourit devant les noms des magasins, des publicités, qu'elle comprend mal, qu'elle retranscrit en phonétique. Et cet accent qu'elle ne veut pas avoir, sauf si c'est celui du présentateur du J.T, qui n'en a pas.

Le ton de son écriture est enjoué, mais il est aussi caustique, notamment avec l'intégration. Pourquoi enfermer quelqu'un dans une culture, une seule, alors qu'il est plus enrichissant d'en avoir plusieurs, de jongler avec ?

Les arrière-grands-parents de l'autrice avaient russisé les prénoms de leurs enfants, notamment celui de sa grand-mère qui se nommait Pessah (trop juif) en Polina… Pour se protéger des persécutions. Polina, l'autrice, voulait juste récupérer celui de sa grand-mère, rien de plus, et ce fut un combat difficile, long et dur.

Un roman sur l'absurdité de certains systèmes judiciaires, administratifs et sur les difficultés de l'exil, sur ces deux langues avec lesquelles il faut jongler : être russe à la maison (dedans) et française à l'extérieur (dehors). Exercice d'équilibriste bien difficile.

Un roman pétillant, amusant, drôle, caustique. le récit d'une double culture, d'un exil toujours difficile. J'ai autant apprécié les récits consacrés à sa vie en France qu'à ses retours en Russie, de voir le décalage entre deux cultures, ses retrouvailles avec ses grands-parents maternels, dont la question essentielle était "c'est mieux en France ou en Russie ?".

C'est grâce au passage de l'autrice à La Grande Librairie que j'ai eu envie de découvrir son roman, qui m'a sorti de ma zone de confort, qui m'a fait découvrir d'autres horizons et c'était une très bonne chose.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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