Un voyage particulier et mystérieux en Provence, dans le Luberon, offert, dans le cadre de la Masse Critique, par Babelio et les éditions le Soupirail que je remercie pour cette belle découverte.
C'est un très beau huis clos qui s'ouvre de temps à autres vers d'autres personnages, fugaces, qui servent surtout au héros du livre de témoins perplexes de ses sentiments et attitudes erratiques. Mais, quatre personnages principaux, "celui qui est descendu chez Anne", héros du livre, Anne, sa fille Elisabeth, silencieuse, et Dorothée, la mystérieuse, vont partager leur vécu, ou le dissimuler maladroitement, pour le dévoiler soudain dans un final de grande intensité.
Cependant, avant d'en arriver là, le lecteur pourra suivre le héros, celui qui est descendu, dans ses pérégrinations, ses marches à la rencontre de la nature provençale et surtout de lui-même, l'ensemble procurant un grand plaisir de lecture, malgré quelques répétitions, assurément voulues par l'auteur pour convaincre autant son héros de certitudes que le lecteur qui laisserait aller son esprit au fil de ces chemins provençaux.
Peu de lieux sont cités, deux villages, Caseneuve et Bonnieux, le pont Julien qui vient à point nommé imprimer encore plus vivement la marque du temps dans l'esprit du héros principal.
Car ce sont bien le temps et la nature, le ciel étoilé de Provence, les pierres, les fleurs, les couleurs, particulièrement le violet des lavandes qui accompagnent cette méditation mélancolique sur le devenir des choses et des êtres, sur les séparations, consenties ou douloureuses, progressives ou brutales, sans cesse évoquées tout au long du livre.
Très beau style dans cette oeuvre où les non dits foisonnent, mais aussi les demi mots, les silences riches de sens, où chacun décode les sentiments, où le rêve, éveillé souvent, vient encore ajouter à l'imaginaire, dans une atmosphère feutrée, à peine perturbée par cloches et aboiements de chiens, selon un rituel immuable.
Vraiment un beau texte qu'aimeront tous les amateurs d'ombre et de lumière, de marche et de chaleur, d'échanges pudiques, d'incertitudes et de mystère.
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Une étonnante découverte.
Si le résumé mentionne que le héros du roman part s'aventurer dans les terres provençale à la suite d'une rupture, ce n'est nullement évoqué dans le récit et c'est à son avantage. La mélancolie qui se dégage au fil des mots nous en fait le rappel, mais le texte sort des sentiers battus dans cette thématique. Il est ici question d'une véritable quête intérieur.
le style peut s'avérer à certain moments déroutant. Nous avons la sensation en tant que lecteur, d'être plongé dans la tête du protagoniste et de lire cette petite voix qui nous parle sans arrêt. L'écriture semble parfois s'emballer à travers les songes et les réflexions, comme si le texte avait été rédigé dans un processus d'écriture libre. Les temps se mélangent. Passant du présent au futur, ce qui peut avoir tendance à parfois nous faire perdre le fil.
J'ai beaucoup apprécié que l'auteur dissimule le paysage dans lequel il évolue. Vivant dans les alentours ou se passe cette histoire, cela à rajouté une touche d'intimité à ma lecture. Des indices dissimulés ici et là sur les différents lieux, comme une chasse au trésor, me semblaient être des petits clins d'oeil de l'auteur, un secret partagé, un hommage.Le thème de la marche, de la nature, et de la Provence sont éminemment présents, mais paradoxalement très distant. Presque aucun lieu n'est véritablement dévoilé. le lecteur est comme mis à l'écart pour ne découvrir que certains détails ( la photo du café :) ), les rencontres qui vont ponctuer sont périple. Une succession de portraits émouvants, pittoresques, ancrés dans le paysage, chacun avec leurs histoires, leurs blessures. Des personnages attachants qui font vivre la Provence, la personnifie. Tout ceci forme un tout, poétique, qui lève le voile sur un mystère subtilement dissimulé dès le départ.
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Etrange sentiment -- quelque chose nous échappe là, tout à côté, nous jetons chaque nuit les filets du hasard et il n'y a pas moyen d'arriver à attraper quelque chose, de nouveau, nous jetons les filets et de nouveau, ils sont vides.
Oui, c'était ce même calme de l'après-midi, lorsque le mouvement des aiguilles de l'horloge ralentit, oui, cette même inertie, lorsque le soleil semble figé pour l'éternité dans la voûte céleste, la rendant incandescente.
Penché vers la fenêtre, il regardait les paysages changer sans cesse, les uns après les autres. Ils glissaient comme dans un film accéléré : après avoir dépassé les entrepôts sinistres des alentours de la gare, des piliers électriques à haute tension, des maisons décrépites et couvertes de suie, on avait bondi, au sortir d'un tunnel, vers des plaines vertes et jaunes dans lesquelles les champs de Bourgogne se mettaient peu à peu à onduler, à devenir vallons, avec des vaches broutant tranquillement l'herbe de leurs versants, des bourgades et des villages, blottis autour de modestes églises dont les clochers invitaient le coeur à s'élever plus haut que le ciel, peu après, les rives plates du Rhône, puis -- une couleur de terre cuite brûlée par le soleil, des allées de peupliers arrêtant les vents, des rochers avec les ruines crénelées de châteaux, ce serait la Provence.
Il mit à fond la musique du film de Wong Kar-Wai en attendant l'orage -- il s'approchait en roulant de gros nuages, noircissant le ciel de plus en plus, avertissant de son arrivée par des grondements de tonnerre sourds et lointains qui couvraient la mélodie lancinante.
Il faut partir loin des grandes villes pour voir autant d'étoiles dans le ciel.