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EAN : 9782081504127
Flammarion (08/01/2020)
3.77/5   56 notes
Résumé :
Alors que la Seconde Guerre mondiale vient de s’achever, femmes et enfants allemands sont exposés à l’avancée de l’armée soviétique victorieuse en Prusse-Orientale. Dépossédés de leurs biens, craignant pour leur vie, ils endurent la faim et le froid, tandis qu’autour d’eux tout n’est plus que désolation. Leur unique espoir est de gagner la Lituanie voisine pour trouver à se nourrir : malgré la menace omniprésente des soldats russes, certains enfants décident d’entam... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Ces enfants allemands devenus lituaniens
*
Un court roman à mi-chemin entre un témoignage et une fiction historique. L'auteur lituanien s'est inspiré de ce pan de l'Histoire méconnu par beaucoup. En tout cas, je ne connaissais pas du tout ce "fait-divers".

Tout de suite après la défaite allemande en 1945, une petite partie du pays, appelée la Prusse-orientale (aujourd'hui le territoire de la Pologne et la Russie), se retrouve envahie par les soldats russes. C'est un hiver très rude, la famine est dans tous les foyers. Ces citoyens allemands regroupant essentiellement les femmes et les enfants (leurs hommes partis en soldats) sont bien obligés de survivre. La Lituanie n'est pas loin, il y a juste à traverser le fleuve et puis l'immense forêt. Plusieurs milliers d'enfants encore jeunes fuient et se retrouvent de l'autre côté. La survie avant tout, obligés de travailler dur dans les fermes lituaniennes pour un quignon de pain, une litière de paille dans une grange pour dormir et se réchauffer.
Aujourd'hui, quelques survivants racontent leur périple.
*
Dans ce roman, deux familles vivent l'enfer sur terre. On suit d'abord les deux mères dans leur recherche de nourriture. Soumises au bon vouloir des conquérants, elles subissent violence et cruauté. Ensuite leurs enfants à travers la campagne lituanienne, leur lent et douloureux voyage à travers la forêt où les loups ne sont pas les plus féroces.
D'ailleurs, ces enfants sont dénommés "enfant-loup" pour la connotation avec ces animaux sauvages et présumés dangereux.
*
Une lecture bouleversante qui montre toute la cruauté des conquérants. Une nature hostile avec un hiver rigoureux. Rajoutez à cela une poésie des mots, aussi funèbre soit-elle. Une narration assez fouillis, sautant d'un personnage à un autre permet de visionner en "grand angle" toute cette noirceur. Un texte sec pour raconter l'innommable.
Voilà un roman dur mais nécessaire encore une fois pour ne rien oublier.Puissant!
*
Je me suis procurée un témoignage d'une femme survivante ayant passé une partie de sa vie dans un goulag russe. "Enfant-loup" d' Ingeborg Jacobs
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Une ferme en Prusse Orientale, dans le froid et la neige. Cette partie de l'Allemagne est passée sous contrôle de la Pologne et l'URSS. le seul espoir des Allemands, sous domination soviétique est de passer en Lituanie.

On fait ainsi la connaissance de deux familles : Eva dont le mari, Rudolf, est parti à la guerre, et ses enfants : Heinz, l'aîné qui traverse la forêt, affrontant tous les dangers, pour ramener un peu de nourriture, Renate, Monika, Brigitte et Helmut et aussi tante Lotte dont le père, héros de la première guerre mondiale, a disparu alors qu'il était allé se plaindre pour qu'on leur donne un minimum.

Eva était Berlinoise, de la « bonne société », pianiste, et lorsqu'elle a rencontré Rudolf, elle l'a suivi et épousé. Mais, elle vient de la capitale, alors on la snobe. Marta, va l'aider à s'intégrer dans la ferme et dans le village, devenant sa meilleure amie.

Les trois femmes se soutiennent pour résister à la faim et à la violence, partageant les maigres produits qu'elles ont réussi à trouver.

On a pris leur ferme et ils s'entassent dans la remise, autour du vieux poêle à bois qu'ils ont réussi à emporter et les mères doivent aller chercher (mendier) de la nourriture en essayant de ne pas se faire importuner, battre ou violer par des soldats russes ivres de vodka et de vengeance.

Les enfants ont faim, mais on doit se contenter d'épluchures ou d'eau chaude. Lors d'une expédition, elles sont agressées par des soldats ivres, et Marta va être battue, on lui a fracassé toutes les dents… Elle s'accroche encore pour ses enfants Grete, Otto et Albert.

Voilà la trame du roman, chacun va tenter de survivre et d'aider les autres. Heinz en repartant en Lituanie avec Albert. le courage de ces gamins force l'admiration, celui des mères aussi, certes, mais les deux garçons sont devenus adultes très vite. Et même Renate sera obligée de partir.

La Lituanie qui les fait tous rêver pour commencer une nouvelle vie, n'est pas si accueillante que cela, certains, les aident, d'autres les utilisent comme des esclaves.

C'est en 1996 que l'auteur a appris l'existence de ces enfants allemands qui se sont réfugiés en Lituanie et qu'on appelait « enfants-loups », Wolfskinder et a décidé de raconter leur histoire. Les Allemands eux-mêmes savaient très peu de choses.

Je ne connaissais pas non plus l'existence de ces enfants, et Alvydas Slepikas m'a bouleversée avec ce roman que j'ai mis une semaine à lire (et pourtant, il compte 235 pages, notes comprises). J'alternais avec « Bobok » de Dostoïevski, pour pouvoir reprendre ma respiration.
la suite sur mon blog....
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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« A l'ombre des loups » traduit par Marija-Elena Baceviciute est un livre de l'auteur lituanien Alvydas Šlepikas (2020, Flammarion, 240 p.) qui narre la vie des habitants allemands de la Prusse Orientale après la fin de la guerre et l'occupation de ces régions par les troupes russes. Ces soldats, souvent très jeunes et qui ont déjà vu des tas d'horreurs ont pour consigne « Tuez tous les Allemands. Et leurs enfants aussi. Il n'y a pas d'Allemand innocent. Prenez leurs biens et leurs femmes. Tel est votre droit, telle est votre récompense ».
Le livre est construit selon des chapitres relativement courts. Un début très dur . En raccourci, c'est déjà tout le livre.
Puis on entre dans l'histoire, ou les histoires. Celle de la famille, ou ce qu'il en reste, car les hommes sont partis au front, peut être pour toujours. Ce sont les allemands du territoire prussien, séparés de la Lituanie par le Niemen. le territoire de Memel, allemand avant 1923, puis annexé par la Lituanie, revenu allemand avec Königsberg, puis annexé par les russes, qui rebaptisent la ville en Kaliningrad. le territoire reste interdit aux étrangers jusqu'en 1991. C'est le bout du monde, au bord de la lagune de Courlande. Là où Jean-Paul Kauffmann a voulu emmener sa famille dans ce « pays de la désolation heureuse ».
La description que nous en fait Alvydas Šlepikas est bien moins idyllique. C'est au cours du très long hiver de 1946. Hiver qui n'en finit pas. « Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise sifflait ; sur le verglas dans des lieux inconnus. ». L'armée russe s'est installée et règne en maitre absolue sur les habitants, ou du moins ceux qui restent. Car depuis le temps où Vilnius était la Jérusalem Balte, il y a eu les exécutions massives. Celle des juifs lors de la « Shoah par balles ». Celle-ci a lieu en Ukraine et Bielorussie emmenée par les Einzatsgruppen, des groupes d'action allemands ayant pour mission de « nettoyer » les territoires conquis par la Wehrmacht. Lire en particulier le livre « Les Bienveillantes » de Jonathan Littel (2011, Gallimard, 1088 p.) dans lequel on peut suivre les névroses de Maximilien Aue, juriste enrôlé dans la SS. « Il est des hommes pour qui la guerre, ou même le meurtre, sont une solution, mais moi je ne suis pas de ceux-là, pour moi, comme pour la plupart des gens, la guerre et le meurtre sont une question, une question sans réponse, car lorsqu'on crie dans la nuit, personne ne répond ».
Mais en Lituanie, les juifs sont victimes d'émeutes sanglantes menées par les Lituaniens eux-mêmes, avant l'arrivée des allemands. Cette époque est encore en Lituanie, une période taboue, occultée par le gouvernement, pour ne pas mettre en évidence les exactions du peuple, d'abord contre les juifs, puis ensuite contre les populations allemandes qui fuyaient la Prusse Occidentale. On pourra consulter à ce sujet le livre du docteur Henri Parens « Renewal of life, healing from the holocaust » (2006, Schreiber Publishing, 302 p.). On admet actuellement que c'est 90 % de la population locale qui a été engloutie dans cet holocauste.
Cela a lieu en plusieurs vagues. Tout d'abord, il y a les rafles des juifs, souvent par la population locale en Lituanie. C'est la destruction des ghettos de Kovno (Kaunas), Vilnius, Swueciany (Siauliai) en 1941, puis de la population restante en 1946, avec finalement la déportation en Sibérie. Une seconde vague de déportation, par les russes, mais cette fois vers la nouvelle RDA s'achève en 1948. Les enfants, qui ont souvent fui dans la forêt vers la Lituanie sont alors traqués et dénoncés, puis placés dans des orphelinats. Ils ne savent plus leur langue maternelle à leur arrivée. Après l'indépendance de la Lituanie, après 1996, les survivants se regroupent en association, et leur histoire est enfin recueillie et rapportée. A cette époque, 200 à 300 anciens enfants-loups de Lituanie fondent une association qu'ils appellent « Edelweiss ». Ils parviennent ainsi en créant ce collectif à briser l'omerta qui les frappait. Certains de ces « Wolfskinder » (enfant-loups) ont écrit leur histoire, comme Ingeborg Jacobs dans « Moi, enfant-loup » traduit par Dominique Rotermund (2012, Fleuve noir, 288 p.) ou partagés leurs souvenirs avec la journaliste Sonya Winterberg «Wir sind die Wolfskinder Verlassen in Ostpreu» (2012, Ed. Piper, 335 p.).
Dans le livre de Alvydas Šlepikas bizarrement traduit « A l'ombre des loups » de « Mano vardas – Marytė » qui signifie « Mon nom est Maryté » on suit une famille, ou ce qu'il en reste. Ce sont Eva et ses enfants Heinz, l'aîné, les trois soeurs Renate, Monika, Brigitte et Helmut le plus jeune, qui supporte le moins la privation de nourriture.il y a là aussi La tante, Lotte qui raconte des histoires. Ils vivent dans une remise, chassés de leur maison par la soldatesque.
I lls meurent à petit feu de faim et de froid dans le long hiver enneigé qui n'a l'air de ne jamais finir. Leur nourriture comporte les épluchures de pommes de terre et les déchets que les soldats veulent bien leur jeter de temps en temps. « Elle serre contre elle le sac d'épluchures qu'elle a pris à la cantine militaire. A la maison, ses enfants l'attendent, affamés. Ses enfants qu'elle aime plus que sa propre vie. Elle aimerait hurler à la lune comme une louve, couper un morceau de son propre corps et nourrir ces petits innocents, ces petits affamés, ces petits qui souffrent, punis par Dieu ».
Et de l'eau chaude, obtenue par la fonte de la neige, une eau parfois agrémentée de tiges de framboisiers. Heinz, l'ainé, n'en peut plus de voir sa mère, son frère et ses soeurs dans un tel état de malnutrition, Son unique espoir est de gagner la Lituanie voisine pour trouver à se nourrir. le trajet se fera en train, caché dans un wagon et sautant en marche sans savoir où il est. le tout sous la menace omniprésente des soldats russes, certains enfants décident d'entamer le périlleux voyage. « Ils marchent en rythme, avec lourdeur, en expirant, en expirant des sphères de vapeur blanche. Ils s'éloignent et leurs silhouettes se font de plus en plus petites ». La forêt devient alors l'un des seuls refuges.
C'est un long cri de désespoir que lance l'auteur au travers de ces familles. Un cri poussé par des restes d'humanité de ces familles décimées, et qui ne voient pas la fin de leurs malheurs. « Les gens sont comme des chiens ou des loups, il ne faut pas les regarder dans les yeux, sinon ils vont voir que tu as peur, ils vont voir qu'au fond des tiens il est écrit : Ayez pitié de moi, laissez-moi en vie, ne me prenez pas mon pain, laissez-moi, je ne vous souhaite aucun mal. »
À certains moments, les enfants dorment pour fuir la faim, c'est tout ce qui leur reste pour eux. Et ils rêvent. Dans ces rêves, Šlepikas introduit une grande part de symbolisme et un peu d'espoir. Cela part de l'histoire de Hansel et Gretel, qui sont perdus dans la forêt, un peu comme eux. le tout raconté par la tante. Il y a donc des passages avec un tant soit peu de merveilleux, qui change des horreurs journalières. Mais le conte disparait bien vite, en face de la réalité. Ce n'est pas une suite d'histoires que l'on raconte aux enfant le soir pour s'endormir. « Elle rêve de la paix. Elle voit sa mère, assise dans les prés d'été, qui sourit et lui apprend à lire avec un très beau livre, quand soudain un nuage apparaît. Sa mère prend peur et Renate veut voir ce qui l'a tant effrayée, mais celle-ci l'en empêche et lui détourne la tête. La tristesse, l'angoisse qui se répandent tout à coup sont telles que le pré de même que le livre se tordent comme un bout de vieille peau desséchée. Tout commence à tomber en morceaux et le visage de sa mère se met à fondre comme de la cire… ». Ici dormir signifie ne plus penser à la faim. « Nous n'allons pas mourir, ni toi maman, ni mes soeurs, ni tante Lotte, ni Helmut, qui souffre le plus de la faim. Helmut, Helmut mon petit frère, tu ne vas plus jamais avoir faim. Je prendrai soin de toi. Je te sortirai des dents glacées de la mort et les yeux rouges des chiens de l'enfer ne nous verront pas souffrir ». ils en sont a rogner les bourgeons de bouleau. « La faim et le froid viennent à bout des gens, les brisent. Ils deviennent tels des mécanismes métalliques vides et n'espère plus rien, n'ont peur de rien et ne s'étonnent plus de rien ».
Et puis on va suivre Heinz dans son aventure en Lituanie où il est adopté par moments, avant d'être chasé, car c'est aussi une bouche de plus à nourrir, et que sa présence devient vite le prétexte à la dénonciation et aux ennuis. C'est aussi le destin de Renate, qui est tout d'abord adoptée par Antanas et Stasè. Et qui danse pour faire vendre les paniers de Stasè. Mais il reste toujours un peu d'espoir, que tout cela sarrète enfin.
En résumé, un livre dur à lire, en ce sens que ce qui est arrivé, arrive encore de nos jours, malheureusement. Mais la dureté des descriptions, très important au début du livre, s'atténue par la suite lorsque l'on suit Heinz ou Renate dans leur fuite en Lituanie. Surtout, il y a ces passages un peu oniriques qui mettent une part de merveilleux du monde des enfants. Ceux-ci sont encore des pré-adolescents, sauf peut être Heinz ou Renate. Mais lorsque l'on sait que l'histoire de cette dernière, c'est celle da Marité, comme indiqué dans le titre original, et qu'elle a été violée par les russes à l'âge de 8 ans, on perd tout espoir dans la bonté des gens. « Un jour, nous rirons et plaisanterons à nouveau. le temps viendra où les champs refleuriront, où ces journées terribles seront finies, et nous rirons. Ton merveilleux rire résonnera encore si fort qu'on pourra l'entendre de l'autre côté du fleuve, dit Eva à travers ses larmes, même si elle n'y croit pas elle-même en regardant la bouche enflée et déchirée de Marta, noire de sang coagulé. Ce n'est même plus une bouche- seulement un espace entre ses lèvres, une blessure. / - Non, Eva… mon rire… ils l'ont tué… »
En comparaison, le livre de Ingeborg Jacobs « Moi, enfant-loup » perd ce côté merveilleux, ou littéraire. Il est beaucoup plus factuel, presque cru. . le récit est très factuel. « Mon frère, ma soeur et moi-même ramassions des feuilles de tilleul, des orties et des arroches pour nous nourrir. Un jour, quelqu'un nous a conseillé de construire un piège à moineaux ». Il y a peu de sentiments, donc d'accroche à la sensibilité dans ces lignes. « J'ai toujours eu un rapport particulier aux animaux. Les chiens qu'on lâchait sur moi ne me mordaient presque jamais. Exception faite des jars qui me poursuivaient, je me suis toujours entendue à merveille avec tous les animaux. Les moutons, les chèvres, les vaches, les chevaux aussi, que j'aimais tout particulièrement et qui me le rendaient bien. Même ces chevaux que plusieurs hommes adultes parvenaient à peine à maîtriser ne me faisaient aucun mal ».
Beaucoup d'enfants cherchent des débris de nourriture dans la gare, là où arrivent et d'où partent les soldats russes, et où il leur arrive de manger. Ils montent quelquefois au hasard dans un wagon, s'ils n'en sont pas jetés auparavant par les soldats russes, ils arrivent à se cacher. Les trains les emmènent alors vers une destination dont ils n'ont aucune idée. Les soldats russes les éjectent des trains lorsqu'ils s'arrêtent dans une gare. Ils se retrouvent alors dans un pays la Lituanie, qu'ils ne connaissent pas, dont ils ne connaissent pas la langue. Ils deviennent alors des enfants-loups. Ils errent dans les campagnes, chapardent, mendient, le plus souvent seuls ou à deux, car sinon les Lituaniens ne les aident pas.
Par la suite, on va suivre Liesabeth, 7 ans, qui a perdu sa mère et sa soeur. « Ne prends que ce que tu peux manger toi-même, pas plus. Tu ne commettras qu'un petit péché et le bon Dieu te pardonnera ». On leur impose un nouveau prénom, avec un certificat de naissance lituanien. Par la suite elle va se nommer Maria. Elle sera finalement envoyée au goulag en Sibérie pour vol, elle connaîtra les humiliations, le viol, l'injustice.
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Autant parfois où je me plains de roman qui ont trop de longueurs, autant je peux en trouver d'autres bien trop court. Surtout lorsque le récit prend à la gorge, qu'il possède des personnages auxquels on s'attache et dont on aimerait savoir ce qu'il va advenir d'eux ensuite…

Les récits de guerre sont toujours intéressants pour moi dans le sens où je voudrais en savoir plus, explorer la noirceur humaine, qu'elle soit le fait de militaires et concerne des exterminations de masse ou qu'elles soient le fait de gens ordinaires qui ont eu peur des Autres et n'ont pas répondu à leur appel à l'aide.

Je jugerai plus durement le soldat qui fait usage de la force de ses armes à feu face à des civils désarmés que lorsqu'une personne lambda a eu la trouille d'ouvrir sa porte car elle ne savait pas si les gens implorant de l'aide derrière étaient animés de bonnes intentions ou si l'aide qu'elle leur donnerai ne se retournerait pas contre elle.

Dans le confort de son salon, le ventre et le frigo remplis, il est facile de dire que nous aurions agit mieux que les personnages qui se trouvent devant nous, dans ces pages, eux qui ne possèdent que peu de nourriture, eux qui ont peur des soldats, de la menace du Goulag…

Ce roman prend son lecteur aux tripes car il nous fait entrer dans le quotidien d'une famille allemande, celle d'Éva, juste après la défaite, lorsque les soldats Russes font payer aux civils tout ce que les soldats Allemands ont fait subir aux leurs durant leur avancée en Russie. Je ne cautionne ni l'un, ni l'autre.

Le quotidien de ces familles , c'est la famine, la misère, le froid, les privations et les humiliations. Certaines mères vont même jusqu'à proposer certains de leurs enfants à la vente pour obtenir de quoi manger en échange, afin de nourrir les autres, plus jeunes. Ou à se jeter avec leurs enfants dans le fleuve Niémen, afin d'échapper aux privations.

C'est cru, c'est violent et lorsque je lis ce genre de récit, je suis heureuse de ne pas avoir vécu cela. M'imaginer à leur place me serre les entrailles car j'ai remarqué que l'on devenait vite indifférent aux autres, lorsque l'on avait le ventre vide depuis des lustres et que l'on vivait entouré de cadavres.

Je me suis attachée à Éva, à tante Lotte, aux enfants et j'aurais aimé savoir ce qu'il va leur advenir mais le mot « fin » est venu trop tôt, me laissant dans le doute, dans l'angoisse, dans des idées sombres quand à leur avenir.

Une fiction historique basée sur des faits réels, qui explore un pan méconnu de la Seconde Guerre Mondiale, de ces enfants-loups, ces Wolfskinder qui, en 1946, ont été envoyés par leurs mères en Lituanie, afin de tenter de récupérer de la nourriture pour leur famille, ou dans l'espoir qu'ils y seraient en sécurité.

Émouvant, poignant, glacial, une écriture qui ne masque pas les douleurs des gens, leur condition de vie inhumaine et innommable, sans pour autant chercher le glauque.

Une plume qui nous offre un récit basé sur la réalité, une réalité qui n'est pas belle à voir et qui transformera certains de ces enfants en bête féroce car pour survivre, il faut être le plus fort.

Magnifique mais trop, trop court ! Beaucoup trop court.

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Qui aurait-dit qu'un roman à la couverture si colorée aurait révélé un contenu d'une noirceur si terrible ? L'auteur lituanien, Alvydas Šlepikas, a choisi de mettre en lumière ces enfants-loups, ces enfants allemands laissés pour compte partis en Lituanie quémander un bout de pain, quelques jours de travail, l'espoir peut-être d'une vie nouvelle, et meilleure. Alvydas Šlepikas explique son projet dans la postface, précisant qu'il s'appuie sur le témoignage d'une vieille femme qui fut jadis l'un de ses enfants, l'un des rares qui aient survécu. Mais le traumatisme est toujours aussi vivace et après avoir témoigné la dame s'est enfermée dans un silence définitif. L'auteur signe ici son premier roman, il ne s'était à ce jour consacré qu'au théâtre, à la poésie et au cinéma. C'est une première réussie, incarnée par un récit absolument terrifiant de la première à la dernière phrase, ça a été un coup de coeur pour moi. Et également pour nombre de ses lecteurs lituaniens, car il est le livre le plus lu l'année de sa parution en 2012 et été réimprimé à six reprises. À l'étranger, il est l'un des livres issus de ce pays balte qui se vend le mieux (source : literature.britishcouncil.org). Quelle découverte !

Quelque part avant la rivière du Niémen, on se met à suivre le terrible destin de ces Allemands survivants pris en étaux par les troupes soviétiques qui sont venues sauver le pays, et se venger par la même occasion de ce que la Wehrmacht a fait subir aux leurs. Si eux sont peut-être ceux qui ont le moins soufferts, et tout est relatif puisque les maris, les frères, ou les pères, sont envoyés à la guerre, en France ou ailleurs, nous sommes à l'heure où la rupture du pacte germano-soviétique de non-agression se paie. Chèrement, durement, impitoyablement. Les hommes ne sont plus là mais les épouses et les enfants s'acquittent de la dette. Et si tant est que vous soyez bravache, que vous ayez le meilleur d'être une femme sur laquelle un soldat ait envie de s'approprier, l'espérance de vie de chacun est courte.

En m'attaquant à ce roman, j'ai eu l'impression de pénétrer un territoire inconnu, celui de ces Allemands persécutés et de leurs enfants-loups, les Wolfskinder, ceux dont on ignore totalement l'existence, dont le souvenir a tellement été occulté par la censure soviétique que l'on a peine à croire qu'ils ont existé. Ce sont aussi ceux qui ont peu intéressé parce que forcément il y avait d'autres victimes de cette guerre à pleurer. J'y ai lu pour la première fois à des scènes que je n'avais encore jamais eues l'occasion de croiser : quelques familles, un village, mais derrière tout cela, des expulsions sauvages, des mères courage qui se griment en veille femme pour affronter le soldat ennemi, des enfants au ventre tordu par la faim, des pères absents et sans doute d'une absence inéluctable. Tandis que le soldat rode et veille, la menace du viol et de la mort devient de plus en plus réelle.

La Lituanie, dans tout cela, est semblable à un eldorado, là où la misère est moins criante, moins aiguë, moins pressante, là où le lait, le lard et le pain sont disponibles en abondance, croient-ils. de l'autre côté de la frontière, les rares civils expulsés de chez eux se meurent à petit feu, rongé par une faim inassouvie, encore davantage affaiblis par les coups de l'occupant soviétique, ou à grand coup d'explosion. Les mères se sacrifient pour leurs enfants, les enfants quittent le foyer pour chercher, manger, boire, ramener, après tout plus personne n'a rien à perdre. Mais si les Lituaniens semblent s'en sortir un peu mieux que les Allemands, la situation n'est guère fameuse, la Sibérie n'est pas si loin. Suivre l'errance de ces enfants sans patrie et sans famille est un crève-coeur, j'ai choisi de lire ce roman sur plusieurs jours, j'aurais pu le finir plus rapidement. J'y ai vu de jeunes morts-vivants qui traversent fleuves et forêts pour se faire méchamment rejeter et mourir de faim dans l'ultime espoir d'une rencontre qui ne viendra jamais. Des êtres mus par la faim le froid et le manque d'affection, dans le souvenir d'une vie agréable, prêt à se faire adopter par n'importe qui, n'importe quand, n'importe où.

L'auteur nous tient la tète sous l'eau jusqu'à la fin, laquelle laisse le lecteur sur une absence de réponse. À lui donc de se faire sa propre idée, si toutefois une réponse il y a. Cette histoire a beau être une fiction, on sait pertinent qu'elle couvre une réalité bien laide, volontiers cachée jusqu'ici. Les bas-fonds d'une société complètement pulvérisée ou même les enfants n'y ont plus leur place. On croyait avoir atteint les fins fonds de l'horreur avec l'Holocauste, on pensait avoir enfin touché la fin de la guerre avec la capitulation de l'Allemagne, son désarmement et sa dénazification, mais si la Normandie a bien été libérée par les armées américaines et anglaises, ce coin d'Europe à mi-chemin entre l'est et le Nord a été laissé à l'abandon de la haine aveugle et revancharde de l'armée rouge. Des familles allemandes modestes, sans père, prises entre cette accusation coupable d'avoir appartenu au mauvais camps, qui elles, ne peuvent pas fuir en Argentine et qui vont payer pour ce troisième Reich insensé.

Il n'y a rien qui a de sens dans cet après-guerre, ce n'est pas encore le temps de la reconstruction, mais dans ce coin du monde pris dans cette neige collante et épaisse, ou les dépouilles jonchent les rues à côté des grenades et bombes laissées à l'abandon, il y a comme une odeur de prolongation belliqueuse, qui ne se joue pas entre des nations, mais entre les habitants et les occupants. le meilleur comme le pire, la solidarité côtoie l'individualisme, le courage se mêle à la peur et la lâcheté, chacun fait ce qu'il peut. L'oppresseur est russe, désormais, et celui-ci qui s'est voulu sauveur face au nazisme, prend volontiers le visage du tortionnaire sanguinaire, j'ai par exemple été frappée par l'existence de ces exterminateurs russes en Lituanie: le terme s'il est clair, il est encore plus choquant, le processus de déshumanisation entamée par le régime national-socialiste a laissé des restes très laids derrière lui.

Alvydas Šlepikas a réussi là un premier roman parfait, à mon sens. Rien à enlever, rien à ajouter. Je suis d'ailleurs bien étonnée de ne pas en avoir entendu parler, à côté des récits sans fond qui ne tournent qu'autour des personnalités égocentrées et sans intérêt de certaines et certains déjà trop médiatisés, ce titre aurait mérité une vraie place. Je remercie les Éditions J'ai Lu de m'avoir permis de découvrir ce titre passé à travers de ce tsunami de publications sans fin. Si vous en souhaitez en savoir plus sur cette page de l'histoire, et si avez la curiosité de lire ce que sont devenus ces enfants-loups, je ne peux que vous conseiller l'excellent reportage en cinq parties de Sept Info, en complément du roman, évidemment.



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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Quelque part l’écho d’un tir retentit. Puis un autre. Eva et Marta accélèrent le pas tandis qu’au loin la mélodie d’un harmonica russe leur arrive par vagues à travers la tempête hurlante et la neige tourbillonnante. Bien que le son soit étranger, il a un effet calmant, parce-que inattendu, inespéré, comme venu d’un autre monde. Eva se demande même si ce n’est pas elle qui vient de s’inventer cet air en majeur, simple et sauvage. Elle serre contre elle le sac d’épluchures qu’elle a pris à la cantine militaire. A la maison, ses enfants l’attendent, affamé. Ses enfants qu’elle aime plus que sa propre vie. Elle aimerait hurler à la lune comme une louve, couper un morceau de son propre corps et nourrir ces petits innocents, ces petits affamés, ces petits qui souffrent, punis par Dieu. Quand elle sera revenue avec les restes de la cantine militaire, sa belle-sœur, Lotte, prendra le temps de sécher les pelures de pommes de terre sur un poêle. Elle les broiera avec un vieux moulin à café pour en faire de la farine et en préparera des galettes. Eva ne saurait pas comment survivre sans Lotte. Sans elle et sans Marta.

Tête baissée face au vent, Eva et Marta se pressent de rentrer chez elles. Pourvu que personne ne vienne leur parler.

Quelquefois, une lueur apparaît au milieu des flocons. On peut presque distinguer des voitures, des soldats, des formes quelconques. Tout à coup, ça rit et ça tire quelque part. Des soldats ivres crient sur les femmes qui essaient de passer au travers du groupe en faisant semblant de ne pas entendre. Il est primordial de ne pas s’arrêter, ne pas se retourner et suivre tranquillement son chemin.
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Tout ressurgit du passé comme des ténèbres. Les personnes et les évènements semblent enveloppés d’un tourbillon de neige dans le silence d’un brouillard pesant. Tout est lointain, mais rien n’est effacé. Certains détails sont clairs, d’autres sont déjà perdus comme sur une photo qui a déteint. Le temps et l’oublie ont tout enseveli sous la neige, le sable, le sang et l’eau trouble.
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Elle rêve de la paix. Elle voit sa mère, assise dans les prés d’été, qui sourit et lui apprend à lire avec un très beau livre, quand soudain un nuage apparaît. Sa mère prend peur et Renate veut voir ce qui l’a tant effrayée, mais celle-ci l’en empêche et lui détourne la tête. La tristesse, l’angoisse qui se répandent tout à coup sont telles que le pré de même que le livre se tordent comme un bout de vieille peau desséchée. Tout commence à tomber en morceaux et le visage de sa mère se met à fondre comme de la cire… ». Ici dormir signifie ne plus penser à la faim. « Nous n’allons pas mourir, ni toi maman, ni mes sœurs, ni tante Lotte, ni Helmut, qui souffre le plus de la faim. Helmut, Helmut mon petit frère, tu ne vas plus jamais avoir faim. Je prendrai soin de toi. Je te sortirai des dents glacées de la mort et les yeux rouges des chiens de l’enfer ne nous verront pas souffrir ». ils en sont a rogner les bourgeons de bouleau. « La faim et le froid viennent à bout des gens, les brisent. Ils deviennent tels des mécanismes métalliques vides et n’espère plus rien, n’ont peur de rien et ne s’étonnent plus de rien
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Tout resurgit du passé comme des ténèbres. Les personnes et les évènements semblent être enveloppés d'un tourbillon de neige dans le silence d'un brouillard pesant. Tout est lointain, mais rien n'est effacé. [...]
Voici le corps d'une femme sans tête cloué à un mur ;
voici une foule de gens affamés, déchirant le cadavre d'un vieux cheval porteur d'eau ;
voici une mère et ses enfants qui vont se jeter droit dans le Niémen sur lequel flottent des bancs de glace. Ils disparaissent dans le courant sans aucune agitation, sans un mot, sans une pensée, comme si se noyer faisait partie du quotidien ;
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Puis ce fut la guerre et Rudolph dut faire ses adieux. Eva jouait du Mozart, du Rachmaninov et tout ce qui plaisait aux enfants. Ils chantaient des comptines en chœur.

Ah, c’était un temps béni, le temps du bonheur, quelque chose qui n’a sans doute jamais existé, quelque chose qu’elle a sans doute rêvé au cœur de la froide remise du jardin, plongée dans un demi-sommeil causé par la faim.
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