13 février 1949
Étrange moment (à treize ou douze ans) où tu te détachais de ton pays natal, où tu entrevoyais le monde, où tu partais dans des rêveries (aventures, villes, noms, rythmes emphatiques, inconnu) et où tu ne savais pas que commençait un long voyage qui, à travers villes, aventures, noms, ravissements, mondes inconnus, te ramènerait à découvrir combien ce moment du détachement justement était riche de tout cet avenir - le moment où tu étais plus pays que monde - quand tu regarderais en arrière. C'est parce que maintenant, l'avenir, le monde, tu l'as en toi comme passé, comme expérience, comme technique, et l'éternel et riche mystère se retrouve être ce toi enfantin que tu n'as pas eu le temps de posséder.
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Celui qui ne se sauve pas tout seul, personne ne peut le sauver.
Si baiser n'était pas la chose la plus importante de la vie, la Genèse ne commencerait pas par là.
26 novembre 1945
(…)
Tu peux arriver au néant, non pas au ressentiment. Non pas à la haine. Rappelle-toi toujours que rien ne t’est dû. En fait, que mérites-tu ? La vie t’était-elle due, peut-être, quand tu es né ?
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Au fond, l’unique raison pour laquelle on pense toujours à son moi, c’est que nous devons rester plus continuellement avec notre moi qu’avec n’importe qui d’autre.
On ne se rappelle pas les jours, on se rappelle les instants.
La vie n'est pas recherche d'expériences mais de soi-même. Une fois découvert son propre statut fondamental, on s'aperçoit qu'il coïncide avec son destin et on trouve la paix
Attendre est encore une occupation. C’est ne rien attendre qui est terrible.
Il y a un seul plaisir, celui d’être vivant, tout le reste est misère.
Tu t’étonnes que les autres passent à côté de toi et ne sachent pas, quand toi, tu passes à côté de tant de gens sans savoir, cela ne t’intéresse pas, quelle est leur peine, leur cancer secret.
(in Philippe Besson : "un garçon d'Italie")