2 janvier 1889
Pendant mon séjour récent à Hanoï, Ngin m'a rappelé, je n'oubliais pas, la promesse faite à mon cher Satou, d'apporter un baume qui ranimerait sa jambe engourdie et les beaux souliers qu'il voulait chausser pour aller partout dans Luang-Prabang louer son sauveur!
Ce dernier achat me fut très facile: dans un magasin des brodequins rouges étaient à sa taille; mais me procurer l'onguent merveilleux, c'était autre chose!
Le blessé pourtant, c'est l'avis de Ngin, je m'en doutais aussi, a si grand souci de me rehausser aux yeux des Siamois, et un tel désir de me faire l'objet de l'admiration des bons Laotiens, qu'il est bien capable, s'il était guéri, de rester inerte jusqu'à mon retour, jusqu'aux premiers soins qu'il aura de moi.
Comptant donc bien plus pour le voir debout ou pour le miracle, sur sa volonté que sur mon remède, je me décidai à ne rechercher que quelque pommade au parfum subtil, encore inconnue à Luang-Prabang, qui se garderait jusqu'à son emploi; c'est pourquoi j'apporte un pot, acheté il y a six mois, du baume célèbre de Fioravanti, doux à l'odorat!