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EAN : 9782380822489
368 pages
Anne Carrière (10/02/2023)
3.82/5   11 notes
Résumé :
Fin du 19e siècle. Depuis 20 ans, le silence d’Arthur Rimbaud interroge le Paris artistique. Rodolphe Darzens, jeune pigiste aventureux, se voit confier l’enquête de sa disparition. Le journaliste infiltre le milieu littéraire d’avant-garde et part à vélo sur la route des Ardennes pour retrouver la trace du poète. Il découvre chez l’un de ses anciens amis vingt-deux poèmes autographes inédits, et décide de les publier dans un recueil intitulé Le Reliquaire. Darzens ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
❝[...] il savait comment on fait tenir deux vers ensemble, et, ce qui est une autre paire de manches, comment dans la pince de deux vers on fait tenir un peu du monde.❞
Pierre Michon, Rimbaud le fils

❝Brûlez, je le veux, et je crois que vous respecterez ma volonté comme celle d'un mort, brûlez tous les vers que je fus assez sot de vous avoir laissés lors de mon séjour à Douai.❞
Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 10 juin 1871

Brûlez tout !, premier roman d'Henri Guyonnet, est une exofiction, genre littéraire poreux entre faits réels et fiction. Prenant pour contexte la fin de vie d'Arthur Rimbaud, s'invitant dans les béances qu'offre la réalité historiquement vérifiable, Henri Guyonnet lui substitue une vérité romanesque, bricole pour combler les trous, recompose les éléments glanés grâce à un immense travail de documentation qu'il faut saluer. (En fin d'ouvrage, pour ceux qui voudraient aller plus loin, l'auteur a eu la bonne idée d'inclure quelques notes).

S'il est intéressant que le récit s'organise autour de ses deux personnages principaux — Rodolphe Darzens et Arthur Rimbaud —, il est tout de même dommage qu'il (se) repose sur une alternance paresseuse :

✦ d'une part, les chapitres consacrés au jeune journaliste pigiste au quotidien le Gaulois, émigré russe parti sur les traces d'un poète au bord du gouffre de l'oubli ;

✦ d'autre part, ceux consacrés à Rimbaud revenu à la ferme familiale ardennaise après un séjour africain de plus de dix ans qui fut sa perte. Il y était allé chercher la vie hors des livres, hors de sa propre littérature et y avait développé une activité commerciale plus ou moins recommandable, vendant aussi bien du café, de l'ivoire, de l'or que des armes ou des hommes.

Au vrai, il m'est arrivé de regretter que, pour respecter coûte que coûte cet enchaînement soumis à un ordre strict et artificiel, certains des chapitres consacrés à un Rimbaud malade et amputé manquent de concision et laissent penser qu'ils ne sont là que pour faire oeuvre de remplissage. Je ne compte plus les pages inertes où il ne se passe rien — ou si peu. À Roche, les jours s'épuisent, lents et identiques, croupissent entre douleurs, insomnies, irritabilité liées à la maladie qui emportera Arthur Rimbaud ; sollicitude inquiète de sa soeur Isabelle ; bondieuseries et rebuffades de la Daromphe. Un ressassement.

À Roche, dans le monde trop étroit de la ferme, cette vie altérée, arrêtée, n'est déjà plus la vie. Rimbaud devient un fantôme de chair.

❝La vie est la farce à mener par tous.❞
— Rimbaud, Une saison en enfer

Cependant qu'à Paris, c'est l'effervescence jusque dans le rythme du récit qui enfin secoue le lecteur. L'impulsif Rodolphe Darzens mène l'enquête avec autant de fougue qu'il pédale sur son vélo. Bien que chaque rencontre se déroule selon un schéma sensiblement immuable, le lecteur plonge avec Darzens dans le milieu littéraire parisien — ses amitiés, ses inimitiés — pour élucider ce que Rimbaud est devenu, retrouver la trace de cet Ardennais fugueur et furieux, et ainsi avoir une chance de lui parler. Il fait bon marcher dans ce Paris-là au tournant des XIXe et XXe siècles, et mettre sa roue dans celle de Darzens quand il va vers quelques personnages pittoresques, hauts en couleurs, tantôt érudits, taciturnes ou revanchards. La galerie de portraits est très riche alors que chacun livre « son » Rimbaud : Auguste Bretagne dit AB, Jean-Louis Forain, Jean Moréas, Georges Izambard, Riès, Charles Cros, l'ami/amant Verlaine seul protecteur des oeuvres de « Rimbe » et en particulier l'éditeur Paul Demeny auquel la nièce a désobéi en conservant les textes que le poète avait exigé de brûler. À partir du moment où Adèle Gindre remet en catimini les textes sauvés du feu à Darzens, l'histoire devient captivante, pleine de la ferveur du journaliste, un illégitime lui aussi en mal de reconnaissance. L'ennui est qu'il nous a fallu patienter jusqu'à la page 160… sur 348 !

Là commence vraiment l'enquête littéraire qui va de rebondissement en mise à pied, de chausse-trappe en coup bas, de duel au petit matin en virée dans les Ardennes, de Paris à Charleville-Mézières, de la ferme familiale de Roche à l'hôpital de la Conception à Marseille où le cancer fauchera Rimbaud à l'hiver 1891. Après avoir fait l'expérience de la révélation, Darzens nous aspire dans son sillage alors qu'il tente malgré les obstacles de publier les quelque vingt poèmes inédits dans Reliquaire, recueil qu'il préfacera et qui sera édité par Genonceaux en 1891.

Toute ressemblance avec des personnes ayant existé n'étant pas fortuite, peut-être les curieux auront-ils à coeur de démêler le vérifiable du romanesque, si adroitement imbriqués ici que les coutures sont quasiment invisibles. Henri Guyonnet tisse les faits historiques de fiction et brode son histoire autour d'extraits des poèmes de Rimbaud, cités abondamment et parfois in extenso. Ils sont la parole jaillissante, la vibration tellurique d'un fantomatique poète que l'on redécouvre terriblement seul au moment où il se meurt en France après de longues années d'absence ; ils dessinent la géographie en mouvement d'un voyageur impénitent condamné à l'immobilité avant d'être condamné tout court. À cette prégnance forte de la poésie rimbaldienne, à la stupeur de la voix poétique, Henri Guyonnet écrit en creux la vie qui en était l'essence et y oppose une langue simple, des phrases sèches et des dialogues aux incises un rien scolaires, qui ont le bon goût de ne pas chercher à rivaliser.

❝Tu te souviens de ce que dit le Mondanitaire : « Vous mettez un adverbe, vous prenez la porte. Vous ajoutez un adjectif, vous passez dans mon bureau. »❞

Se lancer dans l'écriture à partir d'une vie déjà accomplie, un épais dossier de recherches sous les yeux, est rassurant pour un primo-romancier, et je reconnais qu'il faut une bonne dose d'audace ? de liberté ? pour proposer, après tant d'autres, une nouvelle réécriture d'une aventure rimbaldienne tendue de clichés. Néanmoins, j'aurais aimé que l'enquête suive un cheminement moins strict et pesant, qu'elle se fasse zigzagante en hommage aux traces, éphémères ou durables, laissées par le poète aux semelles de vent avant de mourir. Et qu'elle nous interroge sur la relativité de la postérité quand l'éternité tient aussi à quelques poèmes sauvés du feu.
Rimbaud avait exigé Brûlez tout ! C'était oublier qu'une brûlure laisse une trace.

Premier roman lu dans le cadre de la sélection 2024 des #68premieresfois.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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Dans ce roman, un conteur ensorcelant raconte la rencontre romancée d'un poète magnifique : Arthur Rimbaud et d'un personnage truculent à la vie romanesque : Rodolphe Darzens

Les personnages ont existé et les poèmes de Rimbaud sont authentiques : Ils transcendent les scènes de vie quotidienne dans les rues de Paris et dans la cour de ferme à Roche.

L'histoire :
Fin du 19e siècle. Depuis 20 ans, le silence d'Arthur Rimbaud interroge le Paris artistique. Rodolphe Darzens, jeune pigiste aventureux, se voit confier l'enquête de sa disparition.

Le journaliste infiltre le milieu littéraire d'avant-garde et part à vélo sur la route des Ardennes pour retrouver la trace du poète. Il découvre chez l'un de ses anciens amis vingt-deux poèmes autographes inédits, et décide de les publier dans un recueil intitulé le Reliquaire. Darzens s'attire les foudres de Verlaine, seul protecteur des oeuvres de Rimbaud.

Pendant ce temps, Arthur Rimbaud est rentré d'Abyssinie, malade et amputé. Il séjourne à Roche, dans la ferme familiale et questionne sa vie, ses amours, sa quête spirituelle et poétique.

Dans un chassé-croisé haletant, Brûlez tout ! mêle la traque du journaliste à la poésie prophétique de l'homme aux semelles de vent

Cette exofiction donne vie à un Arthur Rimbaud émouvant et touchant.
Foncez au coeur de ce voyage dans le temps au côté de l'homme aux semelles de vent de retour d'Abyssinie, amputé d'une jambe et souffrant le martyr.
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En France, à la fin du XIXe siècle, un jeune et audacieux journaliste retrouve la trace de Arthur Rimbaud et tente de faire publier les inédits du poète disparu des radars 20 ans plut tôt.
Le livre est bâti autour de ces deux personnages et déroule alternativement les efforts de l'un pour retrouver le poète et faire éditer ses écrits, et de l'autre, au crépuscule de sa vie, diminué par la maladie mais toujours voyou génial, solitaire et révolté.
Beaux portraits de sa soeur qui l'aime et l'entoure, de sa mère murée dans sa hargne et son bigotisme, de Verlaine, « prince des poètes » confit dans son absinthe...
De cette histoire vraie à peine romancée, on retiendra une magnifique évocation de l'époque et de ses acteurs, grandeur et petitesse mêlées, mais plus que tout la figure rageuse de Rimbaud et la fin tragique de « l'homme aux semelles de vent «.
Mention spéciale pour les nombreux extraits de son oeuvre à découvrir tout au long des pages, un pur régal de lecture poétique.

Ce livre voyage dans le cadre des 68 premières fois, merci à l'équipe pour cette belle aventure et ses découvertes enthousiasmantes (celle-ci par exemple).
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1ère Lecture 2024 pour les 68premieresfois.

A partir de faits réels, l'auteur a pris quelques libertés pour réinventer l'histoire des 22 poèmes de Rimbaud. Retrouvés par hasard jusqu'à l'édition, du livre le Reliquaire par Rodolpe Darzens, journaliste de son état.
Un bel hommage de l'auteur à ces 2 hommes.

Une lecture découverte agréable, plaisante avec un côté addictif pour une intrigue bien construite.
La belle poésie de Rimbaud est partout dans ce roman. Elle orne les chapitres qui déroule la chasse journalistique pour retrouver le poète. Une enquête rondement menée par le fougueux et audacieux Darzens.

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Il y a Rimbaud bien sûr, nul n'en doute en voyant la couverture, mais le second héros de ce livre est incontestablement le jeune journaliste Rodolphe Darzens, qui fait inévitablement penser à Rouletabille, fougueux, intelligent, honnête. Placé là par son patron séduit par son aplomb, le jeune homme se lance dans une enquête sur Arthur Rimbaud, dont on n'a plus de nouvelles depuis vingt ans et dont il n'a jamais entendu parler, lui russe blanc sans le sou !
Les chapitres alternent entre la dernière année de vie de Rimbaud émaillés de citations de poèmes, et de quelques retours en arrière et ceux qui relatent les aventures de Rodolphe sur la piste de cet Arthur, qu'il découvre et auquel il veut rendre justice.
Le beau style de l'auteur, très fin XIX°, s'accorde à merveille avec son propos.
Arthur Rimbaud n'est pas mon poète préféré, je ne lirais certainement pas un recueil de ses poèmes, mais placés ça et là, bien à propos dans le récit ils enrichissent le contenu du livre.
J'ai bien aimé en connaitre un peu plus sur cet immense poète, dans une version plus divertissante que didactique.
J'ai assisté, en 2020, au moment de sa sortie, à une rencontre en librairie à propos du livre « L'autre Rimbaud » de David le Bailly, livre que je n'ai pas lu, mais je me souviens bien de l'atmosphère familiale de cette ferme des Ardennes, et de la personnalité de la mère, dont avait parlé cet auteur, et que j'ai tout à fait retrouvé dans « Brûlez tout ! »
lu dans le cadre des 68 premières fois 2024

Lien : https://poirson.marie-helene..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
il y a autant de jouissance de réaliser une performance sportive que d'écrire un poème
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