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EAN : 9782296961500
116 pages
Editions L'Harmattan (24/02/2012)
4.33/5   12 notes
Résumé :
"Ocre était la ville, figée dans ses tranquilles certitudes…
…et grise la mer – un gris presque noir, comme de cendres."
Alors que l’Algérie est en proie aux violences de sa guerre d’indépendance, treize destins d’Oranaises évoquent la vie quotidienne de ces années de braise, avec ses alternances cruelles de gaieté, d’amour, d’espoir et de drames, de Joséphine la lingère à Halima la laveuse, de Solange, la femme-enfant, épouse comblée d’un jeune colon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je connaissais Michèle Perret en tant que médiéviste puisque quelques-unes de ses traductions trônent sur mes étagères. Dans ce recueil de nouvelles, elle cède avec brio la place à l'écrivain, à la femme poète qui laisse libre cours à sa plume et à la magie des mots. J'ai lu ces treize nouvelles avec un plaisir certain. L'écriture est riche, travaillée, au service de l'histoire racontée. Elle a un impact sur le lecteur, elle le charme, l'envoûte et le laisse, lors de la chute, dans un état second. Michèle Perret n'hésite pas à jouer sur plusieurs registres (langue, style) afin de surprendre au fil des pages.

Habituellement, dans un recueil de ce type, il arrive qu'il y ait une hétérogénéité : certains textes sont souvent en-dessous des autres. On sent un essoufflement. Ici, rien de tout cela. Toutes, je dis bien TOUTES les nouvelles sont d'une puissance sans égal. J'ai voyagé à travers cette prose poétique, j'ai souffert pour certaines de ses femmes, j'ai appris des coutumes inconnues.

Je terminerai par un seul mot : Merci !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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«…On ne survit pas vraiment et les choses ne sont plus jamais belles…»
Le dernier livre de Michèle Perret, est un petit bijou intimiste. Une porte qui s'entrebâille sur des temps révolus, de 1950 à 1962. Michèle Perret nous chuchote comme autant de secrets, dans ce recueil de nouvelles, treize portraits de femmes oranaises, émouvantes, attachantes, âmes d'une société kaléidoscopique disparue de par l'obscurantisme des hommes qui n'ont pas su composer une société fraternelle, ni donner vie à ce rêve algérien que beaucoup portait en eux. Aujourd'hui, tenant serré dans leurs bras un enfant mort que l'on se refuse à lâcher pour le laisser partir, dans un bateau d'ivresse et de deuil, les fantômes de l'espoir flottent dans nos mémoires, «Les promeneurs de l'indécis, du brumeux, de l'improbable»…

Aussi cette pause dans le temps, ces histoires de femmes aux destins fracassés : Leila qui entend l'appel des étoiles et ne sait pas qu'elle est morte; Soledad, la petite princesse trop ambitieuse qui tombe sur les cailloux des désillusions ; Solange, qui croyait au bonheur et qui s'enferme dans la prison du chagrin ; la lingère Halima(se prononce H'lima), « au corps usé par le travail et les maternités » qui était noire « d'un triste noir grisâtre et fatigué» ; Fatiha, la moqueuse qui aimait la vie et meurt pour quelques sous âprement gagnés; Joséphine la lingère (voir un extrait en annexe), dans les hoquets d'une guerre sans nom et sans gloire, qui a tant aimé M. Delbois à en perdre la tête ; la petite Nadia, l'enfant d'octobre, quand les hommes s'autorisent à commettre l'irréparable et que la Seine devient fleuve de sang ; l'épopée de la « Singer » qui survit cinquante ans plus tard chez une petite Nadia devenue grand-mère… ; Malika pour qui « l'Algérie de ses rêves ne sera plus pareille » sans Rachel, l'amie de toujours ; et pour terminer, baume au coeur avec la rencontre dans le métro, d'une vieille dame Pieds-noirs et d'un vieux monsieur au parapluie, un Algérien d'Oran comme elle e la fraternité renouée, « la boucle est bouclée » ; en passant par « La ronde des filles fleurs » ou les vinaigrettes, ces fleurs du « dernier printemps »…
Ce sont des aquarelles nées de la délicatesse avec laquelle Michèle Perret esquisse ces destins comme autant de romans. Elle dit en quelques mots, - en peu de mots-, l'indicible des éblouissements amoureux, des chagrins silencieux, des espoirs avortés, ces vies de femmes entre chien et loup, pénombre propice aux faux oublis, aux rêves inversés…
C'était hier et c'est de toujours. La femme aux étoffes intérieures froissées par les pataugas de la vie, elle est d'éternité. Ce chant aux femmes de sa terre natale, toutes origines confondues, dit combien ce rêve Algérien dont on commémore la fin, telle une rupture d'anévrisme, persiste encore, dans une survivance audacieuse que l'horreur de la guerre n'a pas su ni pu enterrer.
Quand on aura cessé d'inventer l'histoire, quand l'amorce d'un monde autre, enfin désincarcéré de la mémoire tant coloniale des uns que nationaliste des autres, sera restauré, la sérénité revenue, les morts des deux rives, enfin réconciliés, pourront abandonner l'enfant défunt, ce rêve perdu et chevaucher les lendemains d'espérance et de liberté d'une terre que personne jamais n'est parvenu, ne parviendra à s'approprier.
Cette terre qui reste l'Insolente, dont les millénaires ont fait rêver les hommes de tous horizons, eux qui ont cru la conquérir parce qu'ils ont posé le soc de leurs mains sur ses reins ; cette terre qui reste aveugle et sourde aux plaintes humaines et va où la pousse son frère Simoun ; la Vivante, qui est telle que le dieu des néants la façonna; convoitée par des peuples en quête d'impossible ; sur son sable rouge et hostile, pas un pas ne s'incruste, tout s'efface : elle avale l'homme devenu putride, se riant de l'histoire écrite par les vainqueurs du moment… A chacun l'illusion de sa conquête : ils passent, elle les efface. L'océan de son éternité la renouvelle inlassablement.
On retrouve sous la plume de Michèle Perret, l'âme algérienne façonnée de cet inconscient collectif propre à tous ceux qui sont nés de cette terre, quoique l'histoire en ait décidé. Rien ni personne ne pourra biffer l'appartenance intrinsèque des enfants du bled au limon qui les vit naître, qu'ils soient restés sur le sol natal ou qu'ils en aient été chassés.
C'est écrit à jamais dans la chair de chacun. Mektoub.
Un mot sur Kay Wernert qui illustre la couverture du livre dans le même esprit voulu par l'auteur : la délicatesse, l'indicible rendu perceptible. Dans cette miniature, il est dit la beauté de la terre et le regard au loin de l'Européenne déjà perdue dans les souvenirs, porte une tristesse sans fond tandis que la jeune femme Maghrébine lui tourne le dos, marchant vers son avenir. Kay enseigne l'anglais, le grec ancien et le français langue étrangère jusqu'en 2000, et depuis, elle consacre son temps libre aux arts graphiques. En 2011, elle a illustré "Cuisiner en toute Simplicité" de Mireille Saimpaul, éditions Dangles. Travail en cours: illustrations de Contes pour enfants.
Lien : http://nananews.fr/fr/muniti..
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Ce bref recueil (116 pages) est composé de treize nouvelles ciselées, dans une prose fluide, poétique, parfois d'une drôlerie légère et le plus souvent émouvantes : treize portraits, treize destins de femmes, de filles ou d'enfants qui tentent de survivre, d'aimer et d'enfanter dans une société trop rigide pour les premières nouvelles et dans un monde bouleversé par la guerre pour les dernières. Un regard à la fois tendre et désabusé : l'avant-dernière nouvelle, inspirée d'un épisode atroce, raconte la vie d'une jeune militante romanesque, enivrée par les poètes de la Résistance française, qui, après avoir vécu l'Indépendance, finira en 1997 égorgée par des fanatiques, avec dix de ses compagnes (histoire terrible qui se termine par une conclusion en demi teinte : « Aragon, vieux farceur »). D'autres, plus drôles, racontent la ronde des filles fleurs en quête de mari alors que tous les garçons épousables ont été mobilisés ou les déboires d'une machine à coudre qui ne veut pas s'expatrier. Ma préférée reste celle de la vaillante petite lingère devenue gâteuse : son histoire couvre celle de l'Algérie coloniale, du début du siècle à l'arrachement final : la jolie petite repasseuse est le type même de ces humbles femmes qui essaient de se construire une vie digne, malgré l'égoïsme des hommes – une pauvre histoire qui touche à l'universel et sa silhouette devant la tombe de son amour secret est inoubliable (voir ma citation). Deux événements historiques sont évoqués, les massacres d'Oran et la répression de la manifestion d'octobre 1961, mais de façon peu appuyée. En revanche, on trouve une bonne reconstitution des années '50, toilettes des filles, arrivée sur le marché des produits américains, entretien du linge, souci de la parure, plaisirs champêtres des uns, misères des autres, coutumes comme celles des feux de la saint Jean ou des pique-nique de Paques.
Contrairement à d'autres personnes qui s'expriment ici, je n'ai pas connu ce pays, mais j'ai beaucoup aimé ce tout petit livre très évocateur auquel on pense longtemps et qui mérite d'être lu.
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Treize courtes histoires d'avant l'Indépendance, denses, terribles, vraies. Treize destins de femmes de toutes origines et religions, toutes murées dans leur dépendance vis-à-vis des traditions, de leur famille, des préjugés, du combat politique.

L'époque semble tellement lointaine pour nous et pourtant : Halima la laveuse ressemble tellement à ma propre grand-mère venue à pied de l'autre côté des Alpes, qui marchait de villa en villa, elle aussi, pour faire la lessive des « riches », les mains gercées plongées dans l'eau froide et touillant avec un grand bâton les immenses baquets fumants. Son histoire fut moins triste que celle de la pauvre Fatiha qui économise sou à sou pour acheter une maison et meurt sous les coups de son mari pour avoir voulu récupérer les pièces d'or qu'elle avait cachées. Plus insouciantes, ces filles-fleurs dans leurs jupons empesés froufroutants sous des jupes en Vichy rose et blanc, qui vont danser dans les surprises-parties pour trouver un mari convenable … exactement comme en Métropole à la même époque. Il y a aussi cette petite fille perdue après une manifestation pacifique des Algériens de Paris, recueillie par un jeune couple qui remuera ciel et terre et parcourt tous les bidonville pour retrouver sa famille.

Il n'est pas nécessaire d'écrire des kilomètres pour transmettre l'émotion et le chagrin, mais il faut le style : imagé, pur, sincère. Pour que nul n'oublie la détresse de cette petite bonne femme blonde qui se croit comblée par la vie et découvre la trahison ou pour partager le sort de la petite Leïla, lapidée par ses frères pour une question d'honneur …

Michèle Perret, la linguiste distinguée, la médiéviste diplômée qui met à la portée des jeunes générations les grands textes du Français ancien, nous replonge - après Terre du vent - dans un monde colonial oublié, fait de générosités et de mesquineries, de poésie et de cruauté … Peu de pages, beaucoup d'émotion.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Effectivement Aragon avait tort, on ne survit pas vraiment et les choses ne sont plus jamais belles. Ma vie a bifurqué sur un coup de téléphone un soir de 1961. Certes elle a continué mais plus rien n'a été pareil.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Leïla est repartie légère, presque immatérielle.
Elle est vite allée se cacher du jour, avant que ne paraisse l'aube. Et elle se recouche sagement dans son lit de sable et de pierres, sous les lauriers roses au bord de l'oued.
Là où ses frères l'ont enterrée en secret il y a dix ans.
Tuée à coups de caillasses, lapidée une nuit magique d'été - une nuit de solstice - pour une question d'honneur.
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Maman ne sait pas que sa sœur et son beau-frère sont morts, elle ne sait pas que son bien aimé Rodolphe Delbois est mort. Elle parle même, maintenant, de sa propre maman et de son papa comme s’ils étaient encore vivants.
Mais elle ne sait pas non plus que monsieur Kouider vient de mourir, qu’on l’a retrouvé hier matin égorgé en ville, baignant dans son sang. Il était allé livrer je ne sais pas quoi et il a été tué en représailles de je ne sais pas quoi non plus. Les fils de monsieur Kouider l’ont très vite enterré. Et ils m’ont regardé durement, avec des visages fermés, quand je suis allée leur dire ma peine – monsieur Kouider était un si brave homme, si généreux et si croyant. Cette guerre n’était pas sa guerre, monsieur Kouider vivait au jour le jour, à la grâce de Dieu. Monsieur Kouider a été égorgé par un imbécile, mais ses fils le vengeront, c’est sûr et ça fera encore couler un peu plus de sang.
Maman ne saura pas que monsieur Kouider vient de mourir. Maman continuera à applaudir comme à une fête aux coups de feu et aux explosions qui secouent la ville.
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Je les vois du coin de l’œil. Ils pensent sans doute se cacher, mais, si je ne bouge pas la tête, je vois leurs silhouettes à mes côtés. Je les sens aussi derrière moi, leurs ombres s’approchent de mes épaules, presque à me toucher. Si je tourne la tête, bien sûr, il n’y a personne. Ce sont les promeneurs de l’indécis, du brumeux, de l’improbable.
Qui sont-ils ? Bien évidemment, ce sont des morts, je ne me suis même jamais posé la question, tant c’est une certitude. Que me veulent-ils ? On dirait que rien...
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Maman ne sait pas que sa sœur et son beau-frère sont morts, elle ne sait pas que son bien aimé Rodolphe Delbois est mort. Elle parle même, maintenant, de sa propre maman et de son papa comme s’ils étaient encore vivants.
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"Quand tu fais du bien, Aïcha, ne t'attends pas à ce que celui que tu as aidé te récompense, il ne le fera presque jamais. Mais ta récompense te viendra de Dieu et un jour, quand tu ne t'y attendras pas, c'est quelqu'un d'autre qui te rendra ton bienfait".
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