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Le Printemps des Maudits" est arrivé dans ma boîte aux lettres en plein hiver des confinés grâce à la dernière masse critique et j'en remercie Babelio ainsi que les éditions
Hervé Chopin.
J'avais hâte de me plonger dans ce roman historique prometteur, un genre que j'affectionne et dont le sujet m'attirait beaucoup.
Je ne peux cependant, au terme de ma lecture, me défendre d'une pointe (un peu aigue quand même, la pointe) de déception.
Nous sommes en 1545 dans le Lubéron, le règne de François 1er jette ses derniers feux sur le royaume de France qui n'est pas encore ensanglanté par les guerres de religion comme il le sera quelques années plus tard.
Du moins pas par celles que l'on connaît et qu'on nous a enseigné à l'école.
Arnaud de
Montignac, jeune noble, capitaine des gardes de la reine
Marguerite de Navarre, dont l'esprit de tolérance et la culture ne sont plus à prouver, a été envoyé au bord de la Durance par sa royale suzeraine rencontrer le seigneur d'Allen afin de s'informer des événements qui secouent la région et qui ne vont pas tarder à la livrer au feu et au sang.
C'est que dans cette province âpre et reculée vivent de nombreux vaudois, ces disciples de Pierre Valdo, prédicateur du XII°siècle que l'église condamna pour hérésie.
Dans un royaume farouchement catholique et attaché à l'église qui craint l'essor du tout jeune protestantisme, ces vaudois -des familles de paysans essentiellement- représentent une menace.
C'est ainsi que trois armées, convaincues de mener une guerre sainte, vont fondre sur le Lubéron, pillant et incendiant les villages, torturant et massacrant les vaudois dans un déferlement de haine et de barbarie, sous les yeux d'Arnaud de
Montignac, spectateur impuissant (et amoureux) de la folie des hommes. Il lui faudra se battre et choisir son camp.
Je tiens tout d'abord à saluer le choix de ce sujet pour ce roman. Pour moi, le mouvement vaudois était un courant religieux purement médiéval, une "hérésie" morte après le concile de Latran, un peu comme le catharisme. J'ignorais tout de sa survivance tout comme de la croisade menée par -entre autre- le baron d'Oppède. Outre que j'ai trouvé cette page d'histoire méconnue passionnante a bien des égards, je trouve également qu'elle peut constituer le cadre parfait pour un bon roman historique. J'imaginais avec gourmandise un récit dramatique, enlevé, animé d'un souffle romanesque grandiose; je rêvais un roman sublime et prenant!
Hélas, c'est là que le bât blesse: si "
Le Printemps des Maudits" peut s'enorgueillir d'un travail de documentation extraordinaire et d'une rigueur historique plus qu'appréciable, point de souffle ni d'envolée. Son intrigue fictionnelle reste désespérément plate et attendue, facile... Un peu comme si elle avait été saupoudré par dessus le récit des faits historiques, sans conviction. C'est dommage car il y avait vraiment matière à réussir une grande et belle fresque....
On reproche si souvent aux romans historiques de prendre trop de liberté au détriment de la véracité des faits ou de donner une version biaisée de l'Histoire qu'on oublie que le défaut inverse est tout aussi -voire plus-frustrant.
Ainsi, je n'ai pas réussi à m'attacher vraiment aux personnages, trop peu présents ou travaillés et le rythme, très factuel et plat, de la narration m'a parfois ennuyée.
Moi qui rêvais d'une nouvelle "Reine Margot" ou de la somptuosité des romans de
Tim Willocks, me voici bien attristée.
Pour autant, "
Le Printemps des Maudits" se laisse lire et le style de
Jean Contrucci, plutôt agréable, n'est pas sans fluidité, mais c'est trop peu pour me marquer durablement et me bouleverser.
Finalement, le roman vaut surtout par sa volonté de sortir de l'oubli un épisode historique révoltant, intéressant et ô combien glaçant.
Il fait devoir de mémoire tout en rendant un très bel hommage aux vaudois du Lubéron, ce qui est à la fois beau et émouvant, nécessaire même si c'est aussi insuffisant à réussir le parfait roman.