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EAN : 9782812622113
288 pages
Editions du Rouergue (18/08/2021)
3.85/5   95 notes
Résumé :
Depuis la mort de son père, le narrateur, un collégien de quatorze ans, vit seul avec sa mère, qui montre les signes grandissants d’un syndrome de Diogène : elle accumule les objets qui envahissent peu à peu la maison. Tandis que le fils adolescent continue de grandir et d’explorer, la mère se replie jour après jour dans un monde où un premier enfant, Jean, touché par la mort subite du nourrisson, reprend vie.

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Rentrée littéraire 2021 # 1

Doit-on s'obstiner dans le style voire le sujet du premier, faut-il faire toute autre chose ? C'est avec brio et caractère que Christophe Perruchas fait valdinguer la question pour survoler l'obstacle du deuxième roman. Son premier, Sept Gingembres, sorti l'année dernière, était profondément dérangeant, très clivant aussi en plongeant le lecteur dans le flux de pensées et de mouvement d'un prédateur sexuel sévissant dans le milieu de la publicité. Revenir fils est tout aussi étonnant et saisissant, mais cette fois l'auteur est parvenu à faire vibrer une corde émotionnelle qui bouleverse en confrontant un fils à la folie de sa mère, duo qui bascule à la mort prématurée du père dans un accident de voiture.

Le récit est construit en un diptyque séparé d'une longue ellipse de 20 ans. La section « 1987 » est celle de l'avant drame et de ses immédiates conséquences. le fils a une quinzaine d'années, l'âge des premières aventures sentimentalo-sexuelles que l'auteur narre avec beaucoup de fraicheur et de tendresse. Et puis le père meurt et le choc du décès fait sombrer la mère qui efface de sa mémoire son fils, « orpheliné de son vivant ». Il sera élevé par son oncle et sa tante. Dans la section 2007, on retrouve le fils à l'heure de la paternité et de la vie de famille, une force le pousse à revenir fils, à affronter son passé et son futur : revoir sa mère qui vit toujours dans la même maison, enfermée dans la même folie.

Le travail d'écriture de Christophe Perruchas est remarquable, maniant, joueur, les mots avec plasticité, et alternant deux voix très différentes ( la mère ou le fils ). La voix de la mère est saisissante d'étrangeté, ne s'exprimant que par le « on », jamais avec le «je », ce qui donne à sa narration un caractère flottant, créant une distance tout en embarquant le lecteur dans sa tête confuse. La mère est atteinte de syllogomanie, du syndrome de Diogène consiste à accumuler de façon pathologique les objets les plus hétéroclites jusqu'à un envahissement de la maison.

« La maison des parents, c'est un corps qui expulse, ça se referme et ça se modifie pour qu'on ne puisse plus y revenir. Les parents, ça efface les traces des enfants, ça neige dessus. Un jour, on revient et exit, disparue la chambre de nous, môme ».


C'est bouleversant de suivre le fils s'infiltrer dans la maison de son enfance pour retrouver une place, une autre place puisque sa mère ne le reconnait plus. Il doit dompter cette colère acide, tapie depuis 20 ans, c'est l'heure de se dépouiller de son costume de plumes de canard sur lequel tout glisse en apparence pour affronter sa mère. Et c'est formidable de le voir explorer cette maison qui a muté, entité créée par la mère. Des descriptions des objets entassés, des boîtes de Nesquik à des piles de journaux, surgissent des visions étranges, comme des concrétions fantastiques. Une boite périmée de végétaline retrouvée au fond d'un placard peut générer aussi bien nostalgie qu'inquiétude. le fils devient l'archéologue de son enfance dans cette maison tentaculaire et angoissante qui a effacé toute trace de lui et sanctuarisé la présence morbide d'un grand frère décédé précocement, bien avant sa naissance. le non-fils doit reconquérir sa place en tentant de supplanter le plus-fils auprès d'une mère qui n'en est plus une mais le sera toujours malgré le traumatisme ultime de l'abandon.

Un roman puissant, original sur des thématiques fortes comme la filiation, la maternité et la paternité, la mémoire. Sombre mais ouvert sur une réinvention de sa vie et souvent très drôle tant l'absurdité des situations laisse échapper des saillies cocasses, crues aussi, en tout cas bienvenues pour aérer la tristesse et la douleur qui peuvent planer au-dessus du récit, entre rires et larmes.
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C'est avec deux voix et sur deux temps que Christophe Perruchas, dans son deuxième roman, raconte l'amour maladroit d'un fils pour sa mère atteinte du syndrome de Diogène. D'abord 1987, quand le fils est adolescent, puis vingt ans plus tard en 2007, alors qu'il est adulte et jeune père.
C'est donc en 1987, à quatorze ans, alors qu'il est en cours au collège, qu'il apprend le décès de son père dans un accident de voiture avec sa 504. Sa mère va alors montrer quelques troubles mentaux, se mettant à accumuler des objets de façon obsessionnelle. le fils dont le prénom n'est jamais mentionné, préfère vivre dans la caravane désormais plus utilisée, au fond du jardin. Et les troubles vont s'aggraver, La mère se repliant de plus en plus sur elle-même jusqu'à faire revivre un premier enfant décédé de la mort subite du nourrisson : l'enfant Jean. Elle est hospitalisée. le fils se voit contraint d'abandonner ses amis et d'aller vivre chez Robert, le petit frère de la mère et Jacqueline son épouse. « Pour l'instant, je sais juste que ma mère m'a orpheliné de son vivant, le reste n'a pas beaucoup d'importance ».
On le retrouve en 2007, un peu désabusé, à bord d'un Picasso, avec sa femme Sandrine et leurs jumeaux Sacha et Louise, se rendant en vacances chez ses beaux-parents, deux semaines pour sa femme et les enfants et une semaine pour lui. C'est alors qu'il décide lors de cette semaine, où il doit théoriquement reprendre son travail de responsable dans une agence de location de voitures, de quitter sa vie familiale et professionnelle pour revenir vers elle, vers cette mère frappée d'amnésie, l'épiant d'abord les soirs, puis revenant vivre dans la maison familiale, circulant dans les pièces entre des murailles d'objets hétéroclites et de magazines divers, où la saleté et la crasse se sont incrustées. Il a fallu pour cela beaucoup de patience pour qu'elle s'habitue à sa présence : « Il ne s'agit pas d'apprivoiser un fauve, c'est bien plus difficile. Y revenir. »
Christophe Perruchas exprime les pensées de la mère et du fils sous la forme de deux monologues, aux formes bien différentes.
La mère parle d'elle-même avec des « on », laissant apparaître cette folie qui la gagne progressivement avec toutes les pensées, les errances, les obsessions ou les craintes qui se bousculent dans sa tête.
Quant au fils, c'est à la première personne qu'il s'exprime, dévoilant d'abord ses sentiments de jeune ado, ses premières amours, ses copains, ses rendez-vous avec l'assistante sociale, son départ chez son oncle…et ensuite ses questionnements sur sa vie en général.
revenir fils est un roman puissant, l'écriture est magnifique, originale et sublime et je m'en suis délectée.
J'ai été ravie de cette plongée dans les années 80, retrouvant avec plaisir et parfois nostalgie certains de ses aspects.
L'usure des corps tout comme celle des quartiers pavillonnaires est particulièrement bien décrite et nous interroge sur le passage du temps. le ton est juste, souvent cru mais ô combien réaliste et plein de sensibilité. À noter qu'un humour corrosif émaille le roman de bout en bout et que celui-ci permet au lecteur de ne pas être submergé par cette tragédie qu'est la folie de cette femme frappée par deux grands malheurs et ses répercussions sur la vie de son enfant.
On rit et on pleure...
Les descriptions de sites, que ce soit de la cité balnéaire ou des quartiers pavillonnaires, comme de la vie de leurs habitants sont brossées avec justesse et sans hypocrisie.
Quand le fils revient à Nantes, il ne peut s'empêcher d'ironiser sur l'invasion des ronds-points : « Nantes, capitale mondiale du rond-point, même pas sûr que ça n'attire pas des touristes curieux, on pourrait envisager un jumelage avec Konya et ses derviches. »
J'ai été touchée, émue, par l'amour filial, parfois maladroit, de ce fils revenu rencontrer sa mère qui l'ignore et par tous les efforts qu'il développe pour tenter de se rapprocher au plus près d'elle malgré tout le traumatisme vécu. Quels beaux moments pleins de délicatesse nous sont offerts en dernière partie de roman, notamment celui où le fils décide de donner un bain à sa mère ! Je citerai cette phrase qui m'a particulièrement touchée : « Les petites filles s'entraînent à devenir mère avec des poupons joufflus, pourquoi ne pas apprendre à être des fils et des filles avec des baigneurs ridés, aux cheveux rares et blancs, des poupées qui feraient pipi, qu'on devrait changer ? On pourrait même les faire parler et radoter, la fin de vie mérite bien autant d'attentions que son commencement. »
Dans revenir fils, Christophe Perruchas a su raconter avec talent et virtuosité ce qu'on pourrait nommer l'indicible ! Dur et tendre à la fois... Je remercie bien sincèrement Lecteurs.com pour cette belle découverte.

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Avec revenir fils de Christophe Perruchas, les éditions du Rouergue (la brune) ont publié un roman hors normes.
Dans ce livre, deux périodes bien distinctes se partagent la vie d'une famille, avec vingt ans d'écart : 1987 et 2007. Dès le début, je sens que rien n'est tout à fait normal. Ici, on garde tout. La mère conserve les boîtes de Nesquik vides, les étiquette après les avoir habillées et c'est bien utile pour conserver épices, condiments, farine, sucre, maïzena, spaghetti…
Le père est souvent sur la route avec sa 504 qui tracte une caravane pour les vacances. C'est bien pratique. Précision : ce père est désigné par l'Homme. D'ailleurs, il disparaît vite, tué dans un accident de la route. le fils, principal narrateur, en classe de 4e, est fasciné par les gros seins d'Isabelle, « ses montagnes », et doit voir Mme Naigre, l'assistante sociale du collège tous les jeudis.
Avec l'argent de l'assurance-vie, la mère a pu acheter une 304 mais elle est hantée de plus en plus par celui qu'elle nomme « l'enfant Jean », ce grand frère d'avant, disparu tout petit.
Quand la mère s'exprime, elle utilise « on » ou « nous », parle de l'atelier poterie et de sa manie pour récupérer tout ce qu'elle peut. Elle entasse cela à la maison. de son côté, le fils craque pour Sofia et « ses collines ». Elle lui fait découvrir les plaisirs du sexe. Il trouve cela délicieux et charmant.
Brusquement, la mère ayant perdu la tête, la décision est prise de confier le fils à l'oncle Robert et à Jacqueline, son épouse. Il quitte alors Nantes pour aller vivre à Rennes, ce qui le coupe de ses amis Marc et Abdel mais surtout de Sofia et d'Isabelle. Quand la mère revient chez elle, après son hospitalisation, elle a complètement effacé son fils de sa mémoire pour ne parler que de l'enfant Jean et de l'Homme.
2007 me met soudain en présence d'un homme marié à Sandrine, père de jumeaux, Sacha et Louise. Ils sont en vacances à Batz-sur-Mer. C'est la partie la plus intéressante et la plus émouvante qui commence.
La mère vit toujours dans sa maison encombrée au maximum et je suis pas à pas l'approche de cet homme qui tente de revenir fils auprès de cette mère vivant dans la crasse et cette multitude d'objets collectionnés, accumulés au fil des années. Moments tendres ou tendus, ce retour du fils me fait passer par tous les états car rien n'est simple pour cet homme qui laisse tout - femme, enfants, travail - pour tenter de renouer le contact et adoucir la fin de vie de celle qui lui a donnée le jour et l'a élevé.
Christophe Perruchas écrit de façon percutante, donne quantité de détails impressionnants. Il m'a fait vivre avec effroi cette approche d'un fils vers une mère bien malade. C'est à la fois émouvant et repoussant mais cela donne un roman bien rythmé que j'ai aimé lire parce qu'il ne masque rien, aborde et décrit les faits crûment, avec toujours beaucoup de réalisme et sans négliger la tendresse.
revenir fils mérite d'être lu pour la qualité de son écriture et pour ce qu'il apporte sur notre condition humaine bien fragile, un passage d'une génération à l'autre terrible et plein d'espoir malgré tout.

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Celui - là, chers amis et amies , il ne faut pas le rater . Moi , je m'y suis repris en trois fois pour vraiment m'immerger dans ce texte puissant . Alors , me direz - vous , trois fois pour démarrer , ce n'est pas bon signe ça. Oui , mais si vous faites les réponses avant moi , on va pas s'en sortir , hein ? Bon , je précise , nous sommes en vacances et pendant les vacances , Il est là, le petit " prince " ? Alors jongler entre " Mini - Loup , la Pat Patrouille ( ben oui ...) ce n'est tout de même 0)pas évident ....Donc , on recommence . On recommence car ce récit , il nous happe dés le début , on sent " la qualité " et on n'a pas envie de " gâcher " . du reste , si j'avoue l'avoir recommencé trois fois , le calme revenu , la " Pat Patrouille " ayant regagné sa base , je l'ai dévoré en moins de deux jours. Si vous voulez de l'émotion, celle qui vous vrille le corps et le coeur , aucun doute , vous êtes au bon endroit . C'est magistral .
Un roman qui compte très peu de personnages autour desquels l'intrigue va dérouler ses tentacules .
Le narrateur , c'est un jeune ado , comment dire , un peu comme tous les ados , quoi . Attachiant ...Les copains et copines , les premières bières, les premières expériences, l'ouverture à l'amour et à la découverte des " plaisirs charnels ", la vie dans une caravane , sorte de havre de paix dans un monde personnel tourmenté : la perte d'un frère, la perte d'un père, une mère poussée vers la folie ..... Un oncle , une tante ...qui en font "l'enfant qu'il n'ont jamais eu "
Et vingt ans plus tard , " revenir fils " ....Une partie à " couper le souffle " , une partie dans laquelle , sans doute , nombre d'entre vous se reconnaîtront. Dur . Sans concession . Terrible quand on s'appesantit ... mais trop en dire serait vraiment dommage donc je vais " passer là - dessus " non sans vous avoir dit que cette partie du roman a été, pour moi , un moment de lecture si personnel et si douloureusement humain que je garde jalousement mes petites réflexions...Je vous connais , vous êtes si curieux que vous allez vouloir savoir et moi , je serai satisfait de vous avoir guidés sur un chemin ...qui ne sent pas la noisette .
Ce n'est pas Oliver Twist ou David Copperfield , non , c'est une " histoire " contemporaine qui pourrait bien....
Le style , l'écriture...C'est du " bon , très bon , même " . de toute façon, pour faire passer les émotions à ce niveau là, il faut " savoir faire " , comme on dit . Chapitres longs , chapitres courts , voire très courts , phrases du " même tonneau " , capacité à décrire l'indicible en faisant appel à nos souvenirs visuels , olfactifs , auditifs ....Décrire la saleté ( vous comprendrez ) mieux qu'un peintre avec son pinceau, rien qu'avec des mots ....Cet auteur m'a vraiment séduit. le fils et On . Mais qui est On ? Non parce que quand on dit " On " pour désigner un personnage....J' en dis trop , même si on aimerait bien savoir ...
Moi , je sais .Et, si j'en crois la teneur des critiques , de nombreux lecteurs et lectrices aussi ...Quoi que ...Jean Gabin a bien dit "qu'on ne savait jamais...." Oh , et puis , " ON s'en fout " , les librairies ferment dans deux heures , vous avez encore le temps....Aprés , vous me connaissez , ce n'est que mon avis .A bientôt.
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Orphelin de père, le narrateur, âgé de quatorze ans, grandit tant bien que mal auprès d'une mère de plus en plus inaccessible. Réfugiée dans un monde où revit son premier né, que la mort subite du nourrisson a emporté, elle présente des signes croissants du syndrome de Diogène et accumule maladivement les objets. Deux décennies plus tard, devenu père à son tour après avoir été finalement élevé par son oncle et sa tante, le fils tente désespérément d'établir le contact avec sa mère, désormais terrée dans une maison débordante d'immondices.


Le roman commence par la genèse du drame, lorsqu'au décès du père dans un accident de voiture, se met en place un nouveau trio, constitué de la mère, du fils adolescent et, cette fois, du fantôme de plus en plus envahissant d'un bébé mort bien avant. La narration se partage entre le « je » du garçon, progressivement évincé par ce frère qui n'est plus, et le curieux « on » de la mère, qui, dans sa confusion croissante, s'est mise à dériver à distance du monde réel, abordant les rivages d'une folie sur le point de l'engloutir. Plus l'adolescent, à l'âge des premières expériences sexuelles et sentimentales, se lance à la découverte de la vie, plus la mère se replie dans un cocon peuplé de fantasmes, matérialisé par les objets qu'elle accumule en barricades protectrices et rassurantes.


Vingt ans plus tard, c'est au plus épais de la tragédie que le récit nous projette directement. « Orpheliné de son vivant », le fils rayé de l'univers maternel, mais décidé à forcer les barrages que sa mère a construits entre elle et lui, tente de retrouver une existence pour cette femme. A ses côtés, l'on découvre avec effroi l'état de décrépitude dans lequel elle est désormais plongée. le narrateur se retrouve spéléologue lorsqu'il pénètre la maison de son enfance, devenue le sarcophage d'un esprit malade. Il n'y déterrera guère que les bribes vivaces de ses propres souvenirs, enfouis sous les montagnes de déchets puants qui ont colonisé tout l'espace.


Bouleversant quant à sa thématique, le roman ne se lit paradoxalement pas le coeur lourd. Car, si le récit a le tranchant d'un réalisme parfois cru, il l'amortit le plus souvent avec une pudeur pleine de tendresse et d'humour. Et c'est avec la même affection pour l'un comme pour l'autre que le lecteur entre dans la tête des deux personnages principaux, emportés dans leur vie et leur souffrance sans jamais s'appesantir sur eux-mêmes. Face à l'impossibilité du deuil, tout s'efface pour cette mère, rendue à un tel état de confusion que seul y surnage un prénom, celui de l'enfant mort. Elle-même n'a plus de consistance que celle de ce « on » par lequel elle se désigne, aux côtés d'autres concepts génériques comme « l'Homme » pour le mari mort et « le fils » pour le garçon vivant, tous trois ayant perdu pour elle leur réalité concrète. Abandonné pour un fantôme, le fils vivant tente d'exister. Dans sa colère, perdra-t-il lui aussi l'équilibre ?


Avec ses scènes marquantes, sa construction autour du ressenti de deux personnages, et son écriture modelée sur leurs modes d'expression et de pensée, ce roman désenchanté à l'ironie mordante possède une vraie originalité, en même temps qu'une parfaite justesse. C'est dans un grand frisson que l'on s'empresse de regagner la surface, après cette plongée dans les eaux troubles de la maladie mentale. Coup de coeur.

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Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
Personne n’a pu éteindre cette colère, je la sens quelquefois encore, acide, tapie, tout juste endormie, prompte à escalader n’importe quel prétexte, un chauffard, une facture injustifiée, une attitude ambiguë de Sandrine, pour sortir sa tête monstrueuse et mordre, déchirer, mâcher ceux qui passent à sa portée, les proches, ceux qui aiment et qu’elle lacère sans retenue. Personne n’a réussi, ni Mme Naigre, ni les pédopsychiatres, ni Robert, encore moins Jacqueline, les dîners.
Ce que je leur balançais, avec force, autour de la table, dans la salle à manger – démesuré tout ce bois, comme des habits du dimanche. Furieux contre eux, contre elle, contre un dieu auquel je ne croyais pas, sûr de mon bon droit mais vaguement coupable de la facilité du procédé, ma colère injuste, et terriblement excité, de plus en plus, par leur attitude, la compréhension mielleuse qu’ils opposaient à mes écarts. Cet immense ressentiment, qui mettrait des années à se canaliser, à s’éteindre de lui-même n’était que de la peur, le résultat de ce que je percevais comme une injustice, de l’angoisse face à la disparition de l’avenir, notion floue jusque-là, mais qui prenait toute sa réalité dans son prochain effacement. Juste avant la chute, je continuais à courir comme ces personnages stupides de dessins animés, j’étais une mouche, tout le reste était vitre.
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Les petites filles s’entraînent à devenir mère avec des poupons joufflus, pourquoi ne pas apprendre à être des fils et des filles avec des baigneurs ridés, aux cheveux rares et blancs, des poupées qui feraient pipi, qu’on devrait changer ? On pourrait même les faire parler et radoter, la fin de vie mérite bien autant d’attentions que son commencement.
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J’ai dit à Marc et Abdelkader que ça y était, le théâtre, pas comme d’habitude, non, dès le début, dans la troupe. Pour eux, le théâtre c’est des trucs de pédés, ils comprennent pas, ils viennent, oui, aux spectacles mais comme j’ai des rôles minuscules en général, quand je leur demande alors, comment c’était ?, ils disent on a dû dormir, on t’a pas vu, l’année dernière Abdel m’a demandé si j’avais été coupé au montage. Il est con.
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Je le connais pas très bien Bob, je l’appelle Bob, pas devant lui, mais pour moi, juste. Et aussi pour les potes, ça craint Robert je trouve. Il est marié avec Jacqueline, c’est une compète de prénoms ou quoi ? Elle est toujours malade mais un peu, le dos qui se bloque ou ses bronches, elle fait sa Jacqueline, le père disait.
(pages 100-101)
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Elle a dû perdre quelques centimètres, je ne m’habitue pas à la voir cassée en deux, tassée, bossue, comme si elle préparait un casse-bélier. Je vois bien plus souvent le haut de son crâne, rose et lumineux, peau de bébé souris, que ses yeux, qu’elle balade par terre comme des détecteurs de métaux, bien parallèles au sol. Je pense que ma mère n’a pas regardé un plafond depuis des années.
(page 225)
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