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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est le cinquième roman de Perutz, publié en 1923. Je préfère prévenir les éventuels lecteurs de cette note de lecture : il est impossible de présenter le livre sans dévoiler le contenu de ce qui peut s'apparenter à un roman policier. Cela pourrait gâcher quelque peu le plaisir d'une lecture ultérieure, même si à mon sens la richesse d'interprétations que permet ce roman (comme d'autres livres de l'auteur) fait que l'exposé que je vais faire de ce que je pense avoir compris, n'a rien de définitif, et peu être discuté.

Un narrateur, le baron von Yosch nous livre le récit d'événements tragiques, dont il a été témoin et acteur, en 1909 à Vienne. Il prétend faire toute la lumière sur ce qui s'est passé. le baron se rend chez des amis pour faire de la musique, et plus précisément jouer le trio n°1 de Brahms. Il a été l'amant de la maîtresse de maison, Dina, mais cette dernière l'a quitté et a fini par épouser Eugen Bischoff, un célèbre comédien. Ce dernier est dans une mauvaise passe : sa banque vient de faire faillite, et le directeur de théâtre pense à le remplacer. Ses proches lui dissimulent au maximum la situation. Pendant que l'acteur est censé répéter une nouvelle pièce, des coups de feu éclatent, et le maître de maison est retrouvé avec le revolver en main. Tout semble indiquer un suicide, et tout accuse von Yosch de l'avoir provoqué par des révélations mal venues. Malgré la parole d'honneur qu'il donne, von Yosch semble dans une mauvaise posture. Mais l'ingénieur Solgrub, un ami de la maison, est persuadé qu'il ne s'agit pas d'un suicide mais d'un meurtre et que par conséquent von Yosch est innocent. Il va se lancer dans une enquête échevelée pour le démontrer, von Yosch se met aussi sur la piste de l'assassin. L'enquête va révéler des faits troublants et étranges.

Il semble que nous soyons dans un grand classique du roman policier : un homme accusé à tort, mais grâce à un détective plus clairvoyant que la moyenne des mortels, l'écheveau compliqué d'un meurtre est démêlé. Sauf que le détective n'est guère brillant, ses conclusions pas forcément convaincantes, les indices arrivent par hasard, et ne mènent pas très loin, et tout est de moins en moins convaincant.

J'ai eu la sensation d'avoir très vite trouvé la solution : l'analyse que fait von Yosch du scherzo du trio de Brahms est tellement délirante et éloignée de que l'on entend, qu'elle ne peut être faite que par quelqu'un dont le rapport à la réalité est plus que perturbé. Par ailleurs dans cette analyse, le baron évoque le sort d'une âme pécheresse, entraînée par Satan en enfer. Difficile de ne pas y voir l'expression d'une culpabilité dévorante. Rendu fou par son pêché, le coupable est condamné. Et le passage suggère aussi le péché : Brahms a vécu une sorte de trio amoureux avec le couple Schumann. L'histoire a en quelque sorte pris fin avec la tentative de suicide de Schumann, qui basculait dans la folie. le baron projette donc sur le trio son crime et sa culpabilité et sombre dans le délire. L'enquête censée prouver son innocence est l'ouvrage d'un fou, et toutes les incohérences et faiblesses du récit démontrent la perturbation de l'esprit de von Yosch. le récit devient une sorte de parodie de roman policer, fort drôle d'ailleurs, démontant les procédés et codes de ce genre de littérature, et comme le livre flirte avec le fantastique et le roman historique, il parodie aussi ces genres, dont Perutz est familier.

Mais Perutz est un maître dans la manipulation de son lecteur, et cette lecture ne peut épuiser le sens du livre. La descriptions délirante du scherzo de Brahms livrée à la page 20 est certainement là pour en partie égarer le lecteur. Car dans les années vingt du siècle dernier, les références à la musique et la vie de Brahms étaient très lisibles pour les lecteurs de Perutz. Ce qui condamne von Yosch n'est pas tant avoir poussé Bischoff au suicide, ce qui est à la fois impossible à prouver et pas réellement condamnable par la loi, mais de s'être parjuré, d'avoir nié l'évidence : d'être allé voir Bischoff juste avant son suicide. Félix, le frère de Dina qui est parvenu devant témoin à extorquer le serment du baron peut le menacer d'envoyer son rapport au tribunal d'honneur du régiment de von Yosch. Ce dernier n'a plus le choix qu'entre le suicide, et la honte d'une démission obligée, une mise au ban, pour avoir perdu l'honneur. Il choisit de s'enfoncer dans la folie, dans laquelle il passe son temps à réécrire l'histoire délirante dont nous lisons la dernière versions, qui est censée l'absoudre.

C'est le déni, le refus de l'aveu, de la confession que le condamne. En plus d'une mort sociale, il ne peut obtenir de rémission de son péché, de pardon, car la reconnaissance de la faute est le premier pas sur le chemin de l'expiation et d'absolution. Une âme pécheresse est emmenée en enfer, car elle refuse de se dire coupable. Dans un geste d'orgueil blasphématoire, von Yosch s'essaie dans son écrit à une (ré)création du monde. Et il chute irrémédiablement, car il n'est pas en mesure de tenir la place du démiurge.

Dans l'histoire aberrante censée le disculper, c'est au final un livre qui est le meurtrier. Comme dans la vraie vie, c'est le livre écrit par von Yosch et que nous lisons, qui le détruit, le mène à sa perte définitive.

Brillantissime et fascinant.
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C'est un polar fantastique - aux deux sens du terme - publié en 1923 à Munich, traduit en français dès 1925, de Léo Perutz (1882 – 1957), un écrivain que Jorge Luis Borges admirait et qu'il qualifiait de « Kafka aventureux ». Une découverte pour moi.
L'histoire se situe à Vienne en 1909, au sein d'un cercle d'amis, elle commence dans le salon de musique garni de meubles Biedermeier de la villa Bischoff. le narrateur est le baron von Yosh, un capitaine de cavalerie qui ne digère toujours pas que son ancienne maîtresse Dina, dont il est toujours amoureux – ou jaloux – ait épousé l'acteur Eugen Bischoff. Il y a là aussi le « duo » d'esprits positivistes : le docteur Gorski et l'ingénieur Solgrub, et Félix, le frère de Dina.
Les personnages sont en place et la pièce peut commencer. Qui est à l'origine de la vague de suicides qui emporte plusieurs artistes de manière totalement inexpliquée ? S'agit-il de meurtres, qui est le « Monstre » qui pousse ces personnes sensées à se donner la mort … On soupçonne Yosh qui aurait annoncé brusquement à Bishoff à la fois sa fin de contrat avec le théâtre et sa ruine financière. Il donne sa parole d'honneur d'officier que ce n'est pas le cas … On le croit et on l'associe à la recherche du coupable.
L'enquête est menée par ces amateurs éclairés selon les règles du genre, avec relevé d'indices et constructions intellectuelles du plus pur rationalisme, et puis, à un moment, le récit dérape vers le surnaturel, le fantastique, l'illusion et le fantasme. Jusqu'à la chute brutale où le lecteur se sent piégé devant le dédoublement de personnalité du coupable, faussaire devenu sympathique et génial manipulateur.
En prime, une immersion dans la Vienne impériale, ses rues luisantes de pluie, les cafés enfumés, les entrées d'immeubles à l'odeur de chou … Une atmosphère qui fait penser au « Troisième homme » ou au roman de Félix Vallotton « La vie meurtrière », dans une traduction impeccable qui fait lire ce polar dans un souffle. Ici, pas une goutte de sang, pas de recherche d'ADN ni d'empreintes, seulement du talent !


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Voilà un polar facile à lire, empreint d'une touche de fantastique que j'avais déjà lu lors de sa première parution et que je voulais relire car l'auteur est un écrivain peu connu, mais qui est considéré comme un maître dans l'art du récit !


L'histoire se déroule à Vienne en 1909. Un soir où plusieurs amis se retrouvent pour jouer de la musique, dans le salon de la famille Bischoff. le mari Eugen, un acteur connu, est retrouvé mort dans son pavillon au fond du jardin...
Meurtre ou suicide ?
Tout accuse le baron von Yosch, le narrateur, qui nous raconte cette histoire, des années après. Il a été en effet l'amant de Dina, la femme d'Eugen Bischoff, et il ne s'est jamais remis de la retrouver mariée, à son retour de mission à l'étranger. Sa pipe est retrouvée sur les lieux, alors qu'il assure ne pas avoir mis les pieds dans la salle.
Dès le début de l'histoire, cette accusation ne tient pas.
Le suicide paraît impossible d'autant plus que personne n'a dévoilé à Eugen que son contrat avec le théâtre, qui l'emploie comme comédien, allait prendre fin et que la banque, dans laquelle il avait placé toutes ces économies, venait de faire faillite, ce qui pourtant était paru dans la presse le matin même, ce que tout le monde, y compris Dina, a tout fait pour lui cacher !
Le docteur Gorski qui a invité le baron à se joindre à eux, et l'ingénieur Waldemer Solgrub, un ami de la famille vont mener l'enquête, espérant démontrer à Félix, le frère de Dina, que le baron est totalement innocent.
Les voilà partis sur la piste de mystérieux suicidés étrangement ressemblants qui faisaient partie du milieu des artistes..Cela qui les amène sur les traces d'un hypothétique "monstre" qui pousserait ses victimes à passer à l'acte.
A partir de ce moment-là, le lecteur plonge dans l'univers de l'auteur, entre raison et folie, mystère et réalité...Vous l'aurez compris, il bascule dans un autre monde où toutes les peurs deviennent réelles et les événements les plus mystérieux, totalement plausibles.
Ainsi les enquêteurs (et les lecteurs du coup aussi) en viennent à se poser des questions loufoques : le "monstre" est-il bien un être de chair et de sang ? Est-il italien ? Quel rapport y a-t-il entre lui et un expert en sciences occultes ? A quoi peut bien servir ce vieil atlas du XVIe siècle qui joue un rôle dans l'histoire ?
Et si le monstre était tout simplement en nous ?

Et si je vous disais en guise de réponse que le "Maître du Jugement dernier" a réellement existé !
L'enquête est menée tambour battant et le lecteur, pris au piège, termine le livre en un rien de temps...
La légèreté de ton de l'auteur, son humour, sa façon de distiller les indices et de nous perdre, tout en nous amenant là où il désire nous mener...sans jamais nous laisser le temps de réfléchir ou de nous arrêter un instant en chemin, font de ce roman un polar très prenant.
Au-delà de cette enquête pas comme les autres, c'est de l'homme que nous parle Léo Pérutz, de son imagination débordante, de ses peurs, de sa façon bien à lui de revisiter sa propre histoire pour la modeler à sa guise, la rendre présentable aux autres et trouver ainsi sa place parmi les autres.

Un excellent moment de (re)lecture qui me donne envie de ré-explorer l'oeuvre de ce grand auteur classique !


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Le Maître du Jugement dernier est tout à la gloire de son auteur, une valeur sûre en matière de littérature germanophone.
Notre personnage principal est ici le Baron Yosh, officier de cavalerie et ancien amant de Dina, l'épouse du comédien Eugen Bischoff. Et voilà que deux coups de feux retentissent et que celui-ci est retrouvé mort, apparemment un suicide, le soir où Yosh et quelques autres étaient conviés chez eux pour faire un peu de musique. le frère de Dina l'accuse aussitôt d'avoir poussé son beau-frère à ce geste, en lui révélant sa ruine prochaine. Seulement, si c'est le cas, pour qui était la deuxième balle, car Yosh n'était pas dans cette pièce quand le pistolet a claqué...
Cela commence comme un roman à énigmes policières, cela se teinte de fantastique, dans le monde disparu de la Vienne de 1909 où l'honneur était une maîtresse si terrible que le suicide pouvait sembler une solution élégante. C'est tout un monde enfui qui ressuscite ici : un officier n'irait même pas prendre un tramway pour des questions de décorum! Cependant, les hommes restent les mêmes, société enfuie ou pas, et la culpabilité, la curiosité, l'ambition, sont les ressorts d'un piège fantasmagorique, un piège qui se referme de lignes en lignes...et jamais le lecteur n'arrive à trancher. Se laisse-t-il emporter par l'ambiance? Est-ce que le narrateur lui ment? Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est pur construction de l'esprit ?

Un court roman à recommander!
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« le 26 septembre 1909 m'est resté en mémoire comme une journée sans nuage, agitée seulement par un vent chaud. »

C'est ainsi que débute le récit de Gottfried von Yosch, témoin de la mort brutale d'Eugen Bischoff, mari trompé, comédien en difficulté et dont la banque vient de faire faillite.

L'homme s'est retiré après un concert de chambre dans un pavillon isolé et a pris soin de s'y enfermer. Deux coups de feu retentissent. Ses amis accourent. Bischoff git dans son sang. Dans ses mains, un revolver. Son dernier regard, chargé de haine, est pour le narrateur. Suicide forcé ou meurtre ? Tout accable von Yosch, l'ancien amant de Dina.

« le passé reste muet. Aucune réponse ne sortira jamais de l'obscurité. »

Leo Perutz choisit de s'attacher au personnage central, officier de cavalerie, homme froid et impitoyable mais profondément déstabilisé par cette mort étrange. Accablé par un sentiment de culpabilité lancinant, von Yosch cherche à trouver la clé de l'énigme.

D'autres morts violentes survenues dans les jours précédents pourraient être provoquées par le même prédateur. Signe caractéristique de ses victimes : tous des perdants à la recherche du succès. Quelle sorte de pacte faustien ont-ils tous passé ?

La chasse est alors menée par le petit cercle qui entourait Bischoff.

« Nous sommes tous des créatures ratées, des échecs de la grande volonté du Créateur. Nous portons en nous sans le savoir un ennemi formidable. Il ne bouge pas, il dort, il a l'air mort. Gare s'il se réveille ! Pourvu qu'un humain ne revoie jamais plus ce rouge strident que j'ai vu ! Oui, Dieu me vienne en aide, je l'ai vu. »

Dans ces quelques mots sont concentrés les thèmes que Perutz aborde dans ce court chef d'oeuvre : la grandeur et l'angoisse funeste de notre humanité au sein d'un monde aux couleurs impressionnistes, le poids du péché, Dieu et les démons, le salut et la damnation.

Homme de science, employé des compagnies d'assurance, paradoxalement influencé par Freud et l'alchimie, la petite mécanique de Leo Perutz défait les liens entre la réalité et l'imaginaire et se révèle aussi implacable qu'une tragédie grecque.


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Lorsque une flânerie bienheureuse vous berce les émotions avec une incertitude de plaisir dans cette galaxie constellés de livres posés sur des étals avec une forme de nonchalance, ce paysage littéraire statique du regard des clients, engourdi de leur mots inconnus, s'impatiente d'un lecteur, comme ce livre habillé par un bordereau rouge pour un trompe l'oeil publicitaire, avec ces mots gravés en blancs comme une évidence, « Un Kafka aventureux » Jorge Luis Borges, éclaire ma curiosité d'humeur hédoniste, le titre dans un triangle surmonté de l'auteur, le Maitre du Jugement dernier, Léo Perutz, tout est obscur, je ne connais pas cet auteur, ni son origine, alors je le prends en main pour découvrir sa quatrième de couverture, Roman traduit de l'allemand par Jean-Claude Capèle, une voix tinte mon âme, un auteur de langue allemande comme beaucoup à cette époque, Stefan Zweig, cet autrichien à la mélodie perdue dans les abysses de mes lectures passées, cette Lettre d'une inconnue résonne dans mes souvenirs, le loups des steppes de Hermann Hesse n'oublie pas cette lecture trouble, Kafka dans la rumeur incroyable de l'ombre de Léo Perutz, ses auteurs de langue germanophile ont chacun de leurs romans, frissonnés des moments de plaisirs de leurs mots , de leurs intrigues, mon esprit vagabondant, mon regard continue sa rêverie, les mots jeu diabolique, un roman qui hante, absorbe mon énergie de joie pour la rendre plus incandescence, me voilà imprégné de ce roman se diffusant en moi, je suis en main de ce livre pour une de mes prochaines lectures, le Maitre du Jugement dernier.
Ce petit préambule long, exprime avec beaucoup de justesse l'approche de ce roman lors de ma lecture, sans pour autant me renseigner sur l'auteur, juste s'infuser de l'écriture et de son intrigue, sans artifice, une naturalité juvénile à cette prose s'introduisant au plus lointain de votre humeur, une maladie infectieuse circule au coeur de votre chair, frisonne l'incertitude de mes émotions, une cristallisation intrusive tel un Alien tissant sa toile lentement au fil de la lecture où les personnages s'invitent dans le tumulte de mon cerveau en effervescence, du votre, vous les prochains lecteurs, dans cette dualité que nous sommes. Il y a une confusion entre les lecteurs, et, le lecteur que je suis, une forme d'excroissance se forme, le récit est la narration d'un musicien que l'on découvrira plus tard, relatant une chose étrange, une peur indescriptible survenu lors d'un événement précis, une indécision se créer mais dans la mémoire du maitre, des précision sont fidèles, comme un tatouage au fer rouge, gravé à la vie à la mort, une date précise s'inscrit dans la fièvre tumultueuse de cet homme, l'article d'un journal lui reste en mémoire, les protagonistes de l'histoire sont petit à petit présenté, et cette date du 26 septembre 1909 attire en nous une curiosité croissante, la prose étire notre impatience, l'intrigue s'installe comme une fleur qui au petit matin s'épanouit à la rosée d'un soleil levant, réchauffant les pétales endormies.
Il y a une préface en guise de postface, le narrateur expose les événements de l'automne 1909, sa mémoire est précise, avec une belle vivacité, toute l'intrigue est son arrivé à la villa Bischoff par le Docteur Gorski, le 26 septembre 1909, pour jouer un récital privé. Pour lui cette journée est celle
« D'une journée sans nuages, agitée seulement par un vent chaud. »
Il n'a pas oublié les articles du journal ceux parlant des Balkans, et des jeunes-Turcs, de la vie de Chekket Pacha et de Niazi Bey, des noms oubliés, de l'art, comme la représentation du Danton de Büchner, à l'opéra le crépuscule des dieux, on expose des toiles de Jan Toorop et de Lovis Corinth, grèves des ouvriers à Saint-Pétersbourg et aussi plus important pour cette histoire la faillite de la banque Bergstein, celle ou Eugen Bischoff avait toute sa fortune, ce cauchemar tragique comme le dit ce narrateur encore inconnu se déroula pas plus de cinq jours, du 26 septembre au 30 septembre.
Ce récit au style direct, où le Baron exprime les faits, ses émotions, ses humeurs, ses interprétations, tout se déroule par son seul point de vue.Ce narrateur, le Baron von Yosh, violoniste, lors d'un récital chez un acteur connu, remplaçant un des musiciens, jalouse sans le vouloir un invité, un jeune ingénieur, Waldemar Solgrub, de la complicité naissante avec Dina, la pianiste, celle qui fut sa fiancée maintenant marié avec le maitre de maison Eugen Bischoff, Félix le frère de Dina est présent, et le Docteur Goshi, le violoncelliste complète ce tableau mouvant, ce petit concert privé ondule ce deuxième mouvement du trio en si majeur, bouleversant notre narrateur, épris de ces notes l'emprisonnant dans une forme d'amour passionné.
Le jardinier est le spectre de la mort, celle avec sa faucille, sous le regard sombre du Baron sous l'emprise de ses démons et ses humeurs destructrices, face à l'annonce de la mort d'Eugen, prit par une lassitude, il est terrifié, tombant dans un vertige de noirceur, se noyant d'un spleen Baudelairien. La valse bleue rythme la vie et la mort, ce Souvenir de Moscou comme le son d'un harmonica sont le requiem lugubre d'une atmosphère de mort véhiculant le crâne du Baron. Il n'oublie pas de faire jaillir en lui comme une explosion inattendue des scènes de Dina amoureuse, aimante et de son chien mort Zamor. le Baron est en prise avec sa conscience fluctuante, le doute, cet ectoplasme froid habille son âme, la fuite prend source dans la peur, cette sensation indescriptible aspire notre vagabond dans une errance irrationnelle, partir de Vienne, retrouver la Bohême, dans la région de Chrudim, un domaine hérité d'un de ses cousin maternel, sentir la forêt où il chassait le cerf lors de son enfance. Mais l'ingénieur tel un détective, désire dans son étrangeté, trouver le meurtrier du suicide d'Eugen, le mari de Dina, tout laisse à croire sans ambiguïté à un suicide, l'effroi domine, tous sont dans l'expectative.
Léo Perutz avec beaucoup d'ingénuité sème le trouble, avec l'amalgame d'un suicide, d'un meurtre et des forces surnaturelles noires, cette trinité thématique entourant la mort de cet acteur Eugen. Félix, jeune frère de Dina accuse sans légèreté le Baron de ce meurtre de sa jalousie maladive de son amour pour Dina. L'ingénieur pour sa part, pense qu'il y a une similitude avec la petite histoire racontée par le défunt Eugen, le suicide des deux juments, une intrigue dans l'intrigue, comme un écho à cette mort, une force du mal assène son poison, cet ingénieur pense à un meurtrier tapis dans l'ombre, élabore toute une théorie aux confins du fantastique, et le suicide tout naturellement.
Le trio, le Docteur Goshi, l'ingénieur et le Baron enquête sur la mort de l'acteur Eugen pour suivre l'idée le Maitre du Jugement dernier, dernière phrase prononcée par Eugen. Ce titre le Maitre du Jugement dernier est une énigme épineuse d'un récit fantastique au précipice du surnaturel, avec un soupçon de réalité glacial comme les souvenirs de guerre de chacun, l'ingénieur et la guerre russo-japonaise à Munho, ce cauchemar vivant, d'avoir tué plus de cinq cents soldats électrifiés par une de ses armes, de garnison à Prijepolje avec un officier dans immeuble.
Petit à petit ce récit entre dans une forme d'enquête surnaturelle, le Baron semble perdre petit à petit la notion de la réalité, basculant dans les dédales du surnaturelle. Toute cette petite histoire s'évapore dans le cercle fermé des humeurs du Baron, recevant une lettre de menace, se met en quête de faire une enquête, va demander de l'aide au commissaire Hufnagl sur le petit incident survenu par Eugen avec le taxi , l'endroit , ce lieu, pour découvrir un officier dans l'immeuble ou s'est rendu Eugen, parle de guerre, garnison à Prijepolje, recherche un homme d'origine Italienne, théorie de l'ingénieur, rend visite à un usurier juif Albachary, rencontre l'ingénieur qui lui aussi fait son enquête dans les mêmes endroits, rencontre le cousin, le jeune Karasek de mademoiselle Poldi, et ce cousin raconte un peu , comment sa cousine à reçu par un inconnu un livre « Vitolo-Mangold »une encyclopédie de la langue italienne, en enquêtant, il découvre qui est le Maitre du Jugement dernier, Giovanssimone Chigi, un maitre célèbre élève de Piero di Cosimo. L'ingénieur est mort d'une crise cardiaque en décidant de poursuivre ses recherches et ses expériences sur le Maitre du Jugement dernier, le docteur prévient le Baron et Félix, puis s'en suit l'histoire de Giovanssimone , cette fable entre messire Salimbeni et ce Maire surnommé « la Méchanceté » et selon un rituel maléfique d'un boisson , le maitre fut saisit par les démons de l'enfer, la folie s'empara de lui pour le rendre solitaire et enragé par le fantôme du Maitre du Jugement dernier dans ses toiles , le manuscrit s'arrête sans donner la formule prise par la Maitre devenu fou. Mais celle-ci fut découpée avec un presse-papier par l'ingénieur. Ce trio, le docteur, Félix et le Baron auraient aimé tester cette drogue pour comprendre, le Baron pris conscience comme un éclair de lucidité de pouvoir trouver de la drogue celle utilisé par Eugen, dans la pipe posé sur la table. le baron fuit puis teste la drogue restée dans la pipe, et part dans un délire indescriptible pour finir par vouloir finir à ses jours, sauvé par le Docteur, puis rencontre Dina pour sentir sa main lui échapper dans l'obscurité de la nuit. Cette fabuleuse intrigue échappe au lecteur comme aime le faire l'auteur, Léo Perutz par la note de l'éditeur déstabilise encore plus la fin psychologique de ce roman, une pépite incroyable cette prose si enivrante et reposante.
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J'ai été victime de manipulation. Leo Perutz est définitivement un maître en la matière.

Une soirée dans un salon de musique, un docteur, un Baron, un acteur, de la musique, des hauts de forme... et tout cela dans la Vienne impériale.
Le décor est planté et a tout pour plaire.

Quand soudain, au beau milieu de la soirée, Eugène Bischoff (l'acteur), s'absente dans le pavillon et se suicide, sans raison apparente. Alors même qu'il vient à peine de raconter à ses hôtes l'histoire de deux suicides étranges.

Débute l'enquête et la manipulation du lecteur. On tente de trouver un sens aux événements, on comprend que c'est un vain combat, on se laisse porter. C'est Leo Perutz qui mène la marche. Je n'ose pas en dire plus par peur de trop dévoiler l'intrigue.
C'est un polar fantastique remarquable.
Quel talent !

J'ai lu "Le Cavalier Suédois" du même auteur il y a quelques années et j'avais déjà été séduite par sa plume. C'est en souvenir de ce coup de coeur que j'avais choisi ce livre dans les rayons de ma librairie. Je ne suis pas déçue !
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Je découvre avec ce livre cet auteur, Léo Perutz. Autrichien, contemporain de Kafka, il propose ici un roman à énigme.
Je suis d'emblée embarquée et me laisse gentiment manipuler. Je pense à Maupassant, je savoure une langue fluide, agréable, et l'atmosphère fantastique que Perutz crée à petites touches. L'enquête sur une mort par un suicide inexpliqué me tient suffisamment en haleine pour que je dévore le court roman de 200 pages en une soirée. Et la fin trouble me ravit. Je pense déjà à lire très vite un autre titre de cet auteur que je classe d'ores et déjà parmi mes auteurs préférés.
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