Vallotton Félix (1865-1925) – "
La vie meurtrière" – Libretto, 2021 (ISBN 978-2-36914-585-1) – format 18x12cm, 205p.
– le texte est illustré par sept dessins de l'auteur – roman écrit vers 1907-1908, publié à titre posthume
Un petit roman, de cette catégorie que les critiques nommaient "roman de moeurs", dans la fibre de la "Dame au camélia" : le personnage central est un jeune bohème oisif, qui se met en tête de séduire une bien brave et riche bourgeoise vertueuse, un thème rebattu à la Belle Époque, qui reprend de très loin certains aspects de la biographie de l'auteur. le roman est d'autant plus décevant que ce personnage central est présenté comme un amateur de peinture, fréquentant des peintres, alors que le roman ne contient pratiquement aucune considération d'importance sur cet art.
C'est au cours de la visite de l'exposition "la villa Flora : les temps enchantés" organisée par le musée Marmottan-Monet (sept 2015 - février 2016 – cf recension), que j'avais découvert ce peintre et dessinateur, dont le tableau intitulé "La blanche et la noire" m'avait paru être le plus frappant de toute l'exposition. J'avais alors fait l'acquisition du catalogue d'une exposition organisée fin 2013, début 2014, intitulée "
Félix Vallotton : le feu sous la glace" (cf recension). Il convient de profiter d'expositions thématiques pour voir ses oeuvres, car les quelques tableaux exposés au
Musée d'Orsay ne sont guère mis en valeur.
Pour mémoire, je rappelle les quatre aspects les plus intéressants de son oeuvre.
Tout d'abord, et selon les spécialistes intervenant dans l'un des catalogues, Vallotton est "l'inventeur" de ces gravures sur bois dramatiques, en à-plats de noir et blanc tranchés, aux figures nettement dessinées, se détachant en blanc sur un fond presque uniformément noir.
Deuxièmement, il a produit des tableaux saisissants rendant compte de l'atroce barbarie que fut la Première Guerre Mondiale, la Grande Tuerie de 1914-1918 ("C'est la guerre"), avec tout particulièrement ces tableaux intitulés l'un "Verdun" (1917), l'autre "L'homme poignardé" (1916 – inspiré du retable comprenant "Der tote Christus im Grabe", de
Hans Holbein der Jüngere - 1521), qui pourrait constituer une autre prédelle pour le triptyque de Dresde d'
Otto Dix (intitulé "La Guerre").
Troisièmement, une part importante de son oeuvre est dédiée au nu féminin, un nu sans concession, souvent glacé, avec une prédilection marquée pour la face callipyge de ces dames (dont la célèbre"étude de fesses" qui pourrait être vue comme le complément d'une certaine "Origine du monde" de Courbet ?), parfois mélancolique comme dans "Le chapeau violet" (1907).
Enfin, Vallotton pratique l'humour féroce et la satyre incisive, qu'il s'agisse des moeurs ("La chaste Suzanne", la série "Intimité" etc), de la réinterprétation parodique des grands mythes comme "Persée tuant le dragon", ou Europe sautant sur le taureau qui n'en peut mais, la "femme nue lutinant un silène", ou "Orphée dépecé" par des Ménades assoiffées de sang...
Fazit : mieux vaut contempler les tableaux de Vallotton que perdre du temps à lire ce piètre roman...