La pratique du'dessin et de la peinture pose à l'homme un problème de géométrie descriptive : au moyen clés deux dimensions de la surface plane, représenter les trois dimensions de l'espace. Les Égyptiens et les Assyriens l'ont résolu en rabattant les formes sur le plan : ce qui demande au spectateur un très gros effort d'abstraction. La perspective européenne, constituée au XVe siècle sur les débris de la science géométrique des Grecs, s'est établie sur le type monoculaire déjà pratiqué par ceux-ci. On suppose, dans ce système, que le tableau est vu par un seul oeil. Dès lors, en mettant en rapport la distance de l'oeil au plan du tableau, la hauteur de l'oeil relativement aux objets contenus dans le plan du tableau et la distance comme l'orientation de ces objets par rapport à la surface du tableau, on règle les conditions de déformation des dimensions réelles par l'angle sous lequel elles sont vues.
Quels que soient les aspects sous lesquels elle s'exprime, la pensée humaine garde, dans toutes ses manifestations, quelque chose de constant qui la rend identique à elle-même. Les différences ne sont que des accidents; mais sous les vêtements divers, imposés par des périodes historiques ou des civilisations différentes, le coeur, comme l'esprit de l'homme, ont été travaillés des mêmes désirs. L'art participe de celte unité de nature. Il a quelque chose d'émouvant et de profond, précisément parce qu'il mêle le sentiment et l'intelligence dans les manifestations par lesquelles tous deux s'éternisent.
Il est, parmi les oeuvres humaines, la plus vivante, celle qui est douée d'une éternelle jeunesse parce qu'elle éveille dans l'âme des émotions que, ni le temps ni la culture, n'ont profondément transformées. Dès lors, ce que l'on doit rechercher avant tout lorsqu'on aborde l'étude d'un art, en apparence singulier, c'est précisément l'ensemble complexe d'idées et de sentiments sur lesquels il est construit.
Les livres chinois disent qu'entre le IVe et le VIIe siècle « l'art de peindre les hommes et les choses subit une-première transformation ». Ils font ainsi allusion à l'intervention de l'art bouddhique.
On a souvent dit de la peinture japonaise comme de la peinture chinoise que la perspective y était ignorée. Rien n'est plus faux. Cette erreur provient de ce que l'on a confondu un système perspectif avec la perspective tout entière. Il y a autant de systèmes perspectifs qu'il y a de lois conventionnelles pour la représentation de l'espace.