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Critique de Lamifranz


Après la Première Guerre Mondiale, les Français avaient besoin de se changer les idées, un souffle d'aventure et d'exotisme était nécessaire pour effacer les années atroces qui venaient de s'écouler. Quelques auteurs choisirent ce créneau porteur – et n'eurent pas à s'en plaindre : Pierre Benoit et Joseph Peyré sont les plus connus, mais on peut citer aussi Maurice Dekobra ou Claude Farrère, ou dans des genres voisins Pierre MacOrlan ou Roger Vercel.
Joseph Peyré, comme Pierre Benoit, eut son heure de gloire et peu à peu, comme son confrère et ami, tomba dans un oubli injustifié. Pourtant tous deux ont des qualités littéraires évidentes : excellents prosateurs, ils troussent des romans ou l'exotisme et la romance se mêlent à l'aventure, faciles à lire, et d'une bonne tenue littéraire qui les met largement au-dessus des « romans de gare » ou des « romans féminins » (ce terme aujourd'hui suspect désignait alors les productions – très courues – de Delly et Max du Veuzit, entre autres).
Joseph Peyré, (1892-1968), à la différence de Pierre Benoit, s'est cantonné dans trois domaines d'exploration : le Sahara (« L'Escadron blanc » - 1931, « le Chef à l'étoile d'argent » - 1933, « Sous l'étendard vert » - 1934, « Croix du Sud » - 1942, « La Légende du goumier Saïd » – 1950) ; l'Espagne (« Sang et lumières » - 1935, « L'Homme de Choc » - 1936, « Roc-Gibraltar » - 1937, « Guadalquivir » - 1952, « Une fille de Saragosse » - 1957) et la haute montagne (« Matterhorn » - 1939, « Mont-Everest » - 1942), plus quelques hommages appuyés au Béarn et au Pays basque, terroirs de son enfance (« Jean le Basque » – 1953, « le Puits et la maison » - 1955)
« L'Escadron blanc » (1931) raconte l'épopée héroïque d'une troupe de légionnaires, partis dans le désert à la chasse de pillards. Nous vivons le quotidien de ces hommes à la fois terriblement humains et héros par la force des choses. Parce que c'est bel et bien de l'héroïsme que d'affronter le désert dans ces conditions : par lui-même le Sahara constitue une menace : la chaleur, la soif, les points d'eau éloignés, la maladie, l'épuisement ; l'ennemi invisible, qui peut attaquer à n'importe quel moment (cette attente angoissante rappelle « le Rivage des Syrtes » de Julien Gracq, ou « le Désert des Tartares » de Dino Buzzati) ; il ne faut pas moins que la volonté des chefs et une certaine notion de l'Honneur militaire pour les aider à tenir le coup.
Bien entendu, nous sommes en plein Empire Colonial. le discours se veut patriotique, et c'est assez dans l'air du temps. D'ailleurs, le Sahara et l'armée d'Afrique sont attractifs pour les romanciers (on pense à « L'Atlantide », de Pierre Benoit). Mais chez Joseph Peyré, plus encore que chez Pierre Benoit, la description du quotidien contribue à la sensation d'étouffement et de chaleur : les burnous, les dromadaires au pas chaloupé et aux blatèrements de crécelles, les odeurs corporelles, animales, et ces couleurs criardes où dominent le jaune le blanc et le bleu, l'auteur nous fait physiquement ressentir ce que ressentent ces hommes. du grand art.
Un grand roman à redécouvrir. Un grand auteur à remettre au goût du jour.
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