Joseph Peyré, ici ne nous parle pas de montagne ni de désert. Il nous parle de son troisième sujet de prédilection : l'Espagne ; Mais cette fois ce n'est pas l'Espagne contemporaine. «
Une fille de Saragosse » est ce qu'on peut appeler un roman historique.
Nous sommes en 1809, à Saragosse, capitale de l'
Aragon. L'année précédente, Napoléon avait assiégé une première fois la ville, mais la défaite de Baïlen (19 au 22 juillet 1808) avait obligé les Français à lever le siège. Cette fois, ils reviennent, bien décidés à l'emporter. Mais les Espagnols, sous le commandement de Palafox sont mieux préparés. Ravitaillés par les Anglais en vivres et en munitions, ils sont prêts à soutenir un siège de longue durée.
C'est ce second siège (20 décembre 1808 – 21 février 1809) que
Joseph Peyré se propose de nous fait vivre, à travers la rencontre (et plus si affinités) entre un jeune noble,
Juan Ruiz de la Mata, et une roturière, Pilar Garcia. Au début du roman une rumeur fait état de renforts conduits par le général Reding de Biberegg, un suisse au service de l'Espagne. Mais, les assiégés déchantent vite. Ce n'était qu'une fausse nouvelle (les fake-news de l'époque). le siège commence, avec les travaux de sape des assiégeants et les bombardements incessants. La vie à l'intérieur s'organise, avec ses moments de répits, mais plus souvent ses moments douloureux (maladies – avec en prime une épidémie de typhus-, famines, incendies, problèmes de promiscuité). Palafox essaye d'insuffler à la population un esprit de révolte et de patriotisme. Il y arrive souvent, car les Espagnols ont ancré en eux la défense de leur ville et de leur terre. Et quand les Français pénètrent dans la ville, c'est un autre type de combat qui s'instaure : la guérilla urbaine. Les manuels qui étudient la science des sièges (« poliorcétique » est le terme adéquat), n'avaient pas prévu le cas : dans certains quartiers, les plus pauvres, les murs sont faits d'adobe (argile et paille) et n'offrent guère de résistance, tout dépend des défenseurs, mais ceux-ci sont fins prêts : « Nous sommes des hommes, et qui ont des reins. Et qui tiendront mieux que la pierre ». Il en est ainsi dans tous les quartiers : « Là comme ailleurs dans Saragosse, c'était l'homme qui tenait ». Cette union des défenseurs abolit également les classes sociales : à l'instar de Juan et de Pilar, tous s'unissent contre l'ennemi commun, qu'ils soient nobles ou roturiers, militaires ou civils, prêtres ou laïcs.
Joseph Peyré, n'est pas spécialement historien (pas plus qu'il n'est montagnard ou spécialiste du désert) mais il s'acquitte de son travail, comme d'habitude, d'une merveilleuse façon, sans effort apparent (alors qu'il a dû amasser, compiler et organiser avant de la traiter, une documentation considérable). Il faut dire qu'il est transcendé par cette âme espagnole dont il se sent proche. Pour son personnage principal, il n'a pas dû chercher bien loin : La vraie Pilar s'appelait Agustina Raimunda Maria Saragossa y Domènech, connue comme Agustina de
Aragón ou Augustine d'
Aragon (1786 - 1857). Cette héroïne espagnole de la Guerre d'indépendance, qui s'illustra particulièrement lors des deux sièges de Saragosse, se battit comme civile, et fut ensuite officier de l'armée espagnole. Célébrée comme la «
Jeanne d'Arc espagnole », elle inspira de nombreux artistes (peintres et poètes) et fait partie de la légende, c'est une ancêtre directe de Dolores Ibarurri (la Pasionaria). Comme elle, elle aurait pu dire : « No pasaran ! »
Joseph Peyré à écrit trois autres romans historiques en lien avec l'Espagne : «
Les lanciers de Jerez » (1961), «
Les Remparts de Cadix » (1962) et «
L'Alcalde de San Juan » (1963).