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Joël Pommerat propose une réécriture moderne du célèbre conte de Cendrillon, alias Sandra, alias « la très jeune fille ». Si l'on retrouve les étapes incontournables – le travail de la jeune fille et la méchanceté de la marâtre, la fête, la rencontre avec le prince, les histoires de chaussures… –, j'en ai apprécié certaines différences. À commencer par le fait que le mariage n'est ni le but ni la finalité de cette histoire. À la place, c'est la mort de la mère qui acquiert une importance prépondérante. Cette Cendrillon-là nous parle avant tout du deuil, de la culpabilité, de la peur d'oublier les morts : à cause de quelques mots mal compris, la très jeune fille s'empêche de vivre pour ne pas faire mourir sa mère. S'ensuit un comportement quelque peu masochiste qui mettra parfois mal à l'aise, Sandra recherchant ainsi l'inconfort de sa chambre-cave, les tâches ingrates et répugnantes, les insultes et la mise à l'écart, percevant ces abus comme une punition bien méritée.
Cette pièce parle également des enfants, de leur place, de la façon dont les adultes les traitent : on leur ment, on leur dissimule la vérité (parfois pour les protéger), on leur demande de se taire, on ignore ou on minimise leurs peines… Et puis, il y a la jalousie de la belle-mère, envers l'absente trop présente à travers sa fille, envers ses propres descendantes, potentielles rivales à sa beauté. Elle devient insupportable, détestable – comme toute marâtre de conte qui se respecte – mais en même temps, on devine aussi ses fêlures, nées d'un rêve d'une autre vie – un rêve qu'elle refuse d'appeler ainsi pour le faire réalité –, d'une ambition inassouvie, d'une peur de vieillir. Tous les personnages, au-delà des archétypes, sont en même temps très humains. Très imparfaits. Ce qui permet, peut-être, de comprendre la passivité du père face aux maltraitances subies par sa fille. On dépasse la simple dualité entre les méchantes et la douce et bonne jeune fille.
Certaines scènes sont dérangeantes, d'autres absurdes et cocasses, apportant une touche de légèreté, à travers le ridicule fréquent des personnages ou cette fée qui, par ses talents discutables et sa passion pour la fausse magie qui « peut rater », ne ferait pas tache entre le Merlin et la Dame du lac de Kaamelott.

J'ai pu voir une captation et, outre l'excellence des comédiennes et comédien, le rendu était d'autant plus intéressant avec le jeu entre ce que l'on entend et ce que l'on voit (la voix de la narratrice couplée avec la gestuelle d'un homme, la tristesse du texte avec le grotesque de certaines scènes…).
Je dois avouer que je regrette certaines expressions vulgaires qui, certes, modernise le texte, mais ne sont pas forcément celle que j'aime trouver dans une histoire.

Intelligente, décalée, parfois pesante parfois drôle, cette pièce résolument moderne donne un bon coup de plumeau à ce conte. La morale n'est point « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants », mais parle de la nécessité – tout en en reconnaissant la difficulté – de faire son deuil pour avoir des souvenirs plus apaisés de la personne disparue et continuer sa propre vie.
Je pensais avoir aimé sans plus, mais je m'aperçois en écrivant cette chronique que j'ai en réalité passé un bon moment – plus encore en regardant la pièce – et qu'elle a suscité quelques réflexions.
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J'ai bien aimé la réécriture de Pommerat qui inclue de nouvelles scènes, modifie et change même l'intrigue du conte !
La pièce est vraiment facile à lire puisque ce n'est que de l'oral (dialogues) retranscrit mot pour mot. Pommerat garde des éléments du merveilleux malgré la modernisation du conte.
Cela fera peut-être aimer les contes à certains.

Bonne lecture !
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Souvent revisité, le conte "Cendrillon" fait ici l'objet d'une adaptation théâtrale moderne mêlant habilement drame et comédie. Adressée prioritairement à un jeune public, plutôt adolescent, elle est destinée à toucher également les adultes. Les rapports entre les personnages sont assez violents car Pommerat réécrit l'histoire de Cendrillon sous l'angle du deuil et de la culpabilité : "C'est la question de la mort qui m'a donné envie de parler de cette histoire, non pas pour effaroucher les enfants, mais parce que je trouvais que cet angle de vue éclairait les choses d'une nouvelle lumière. Pas seulement une histoire d'ascension sociale conditionnée par une bonne moralité qui fait triompher de toutes les épreuves ou une histoire d'amour idéalisée. Mais plutôt une histoire qui parle du désir au sens large : le désir de vie, opposé à son absence. C'est peut-être aussi parce que comme enfant j'aurais aimé qu'on me parle de la mort qu'aujourd'hui je trouve intéressant d'essayer d'en parler aux enfants."

Sous des apparences simples, la pièce de Pommerat a l'art soulever des questions existentielles complexes et universelles. Sandra, l'héroïne, n'arrive pas à surmonter la perte de sa mère. Elle s'interdit de vivre et d'être heureuse : elle fait sonner sa montre toutes les cinq minutes pour s'obliger à penser à sa mère. le prince aussi vit dans le souvenir de sa mère disparue et pense sans cesse à elle : il croit qu'elle ne rentre pas à la maison (depuis dix ans) parce qu'elle est coincée dans les embouteillages. Mensonge des adultes, évidemment. Prince et princesse s'aideront mutuellement à avancer dans la vie.

Car rassurez-vous, l'histoire n'est pas si noire qu'elle en a l'air : c'est un conte, et l'on sait comment finissent les contes de fées. Et puis on rit beaucoup. Jeux de mots et décalages parodiques sont incessants. La fée contribue grandement à détendre l'atmosphère par son franc-parler et son refus d'utiliser ses pouvoirs pour faire de la magie. Alors elle s'entraîne à faire des tours comme une vraie magicienne. le problème est qu'elle les rate systématiquement... Drôle de fée ! Mais elle a plus d'un tour dans son sac. Fée ratée mais un peu psy sur les bords, elle guidera Sandra vers l'acceptation de la mort de sa mère. Et je passe sous silence le père de Sandra, complètement soumis à son acariâtre épouse, ainsi que la belle-famille tortionnaire, dans la plus pure tradition du conte merveilleux. On assiste à des scènes de conflits familiaux aux accents ultra-contemporains.

Si la pièce est savoureuse à lire, c'est qu'elle est rédigée de façon un peu particulière, au fil des répétitions. Joël Pommerat a pour habitude de monter ses propres pièces et de les écrire en compagnie des acteurs, au fur et à mesure qu'ils jouent et que le travail de mise en scène avance. Il en résulte une langue oralisée, à la fois spontanée et moderne. C'est agréable à lire, encore plus à voir, évidemment ! Si jamais vous avez l'occasion de vous procurer la mise en scène de Pommerat lui-même, n'hésitez pas.
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Une pièce de théâtre que j'avais envie de lire car elle est parfois étudiée (au collège ? au lycée?). Une relecture du conte décapante et assez déroutante, dont je pense qu'il faudrait la voir sur scène, car l'auteur / metteur en scène l'a pensée comme un spectacle assez visuel apparemment. le texte brut demeure intéressant, centré sur le deuil de Cendrillon et la difficulté de s'en émanciper, sur la culpabilité des orphelins, leur lente reconstruction. Des éléments comiques, un contexte actuel (la montre qui sonne), des clins d'oeil à Perrault, (notamment liés aux chaussures), un personnage de fée pas piqué des vers et un prince falot. Amusant, mais sans plus…
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Une réinterprétation de Cendrillon quelque peu déroutante.

On y retrouve certes la marâtre avec les deux soeurs méchantes et le père dépassé entre sa fille et sa nouvelle épouse, mais la plus oubliée (selon moi) c'est Sandra, l'héroïne.

En soi, l'histoire ressemble beaucoup au conte originel, mais la fin n'a rien à voir. Personellement, je suis restée sur ma faim, je m'attendais à plus.
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Joël Pommerat, dont j'ai tenu à comprendre la démarche dans l'apparat-critique abondant de cette édition, revisite le conte indo-européen de Cendrillon et l'adapte pour le théâtre. Dans une version contemporaine qui fait toutefois des clins d'oeil au siècle de Perrault, tout en se fondant essentiellement sur la version des frères Grimm, le dramaturge (qui n'a pas séparé le temps d'écriture de celui de la scénographie) s'attache à répondre aux questions que je me suis toujours posé sur ce qui me paraissait être des incohérentes narratives... Et il y répond bien ! En inscrivant Sandra-Cendrier-Cendrillon dans une démarche de deuil mal fondé, il parvient à expliquer que la fille du maître de maison puisse se retrouver à être la souillon du lieu. le merveilleux du conte va également être évacué en douceur (la marraine fée est toujours là), de même que la fin traditionnelle du conte, qui sacrifie à la fois à la société d'aujourd'hui et à sa conception d'une fin heureuse.
Difficile de classer cette pièce ailleurs que dans le fourre-tout du drame, bien que tragi-comédie lui irait mieux, en effet, malgré les passages tragiques et les manifestations dérangeantes de cruauté, on sourit, on trouve un quiproquo assez savoureux (mais cruel également et que le personnage le plus odieux de la pièce en soit victime ne le rend pas forcément très très gai).
C'est une découverte très intéressante ! J'ai hâte de voir la mise en scène de Pommerat car le décor est tout à fait exceptionnel !
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Une pièce agréable à lire, amusante à certains moments et qui dépoussière (décape ?) bien le Cendrillon d'origine. C'est divertissant mais je trouve l'ensemble très terre-à-terre et l'on est loin d'une oeuvre à portée universelle, à contrario du conte.
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Joël Pommerat offre dans cette pièce une interprétation originale et très moderne de la personnalité de Cendrillon. Je l'ai trouvée passionnante et bien plus réaliste que l'image donnée habituellement par les contes et leurs diverses adaptations. le père, dépassé à l'idée de vivre et d'élever sa fille seul, une autre famille (royale celle-ci) sous le coup d'un énorme tabou qui l'empêche de vivre normalement… Autant de personnages déboussolés et écrasés sous le poids des incompréhensions et des secrets, faisant d'eux des victimes idéales pour les égocentriques et les tyrans. J'ai adoré ce texte dans lequel j'ai retrouvé ce qui m'a tant plu dans la pièce « Contes et légendes » : une langue directe qui ne cherche pas les effets de style et qui bouscule, des situations bouleversantes désamorcées par un élément comique ou incongru (la fée est assez déjantée et pathétique), une humanité déchirante des personnages et une énergie communicative : tout ça est conciliable chez Pommerat.
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La très belle histoire de la très jeune fille
Il y a les contes pour enfants et les histoires que (se) racontent les grands. Il y a les paroles qu'on dit et celles qu'on entend. Il y a la magie des fées et les mots - les maux - de l'enfance.
Pour sa Cendrillon, Pommerat joue la carte de la figure manquante et place la mère de la très jeune fille, sa vraie mère, au début et à la fin du conte. Au coeur et dans la tête des acteurs de la fable. Imprégnée des dernières paroles captées au chevet de sa mère mourante, Cendrillon se tisse une ligne de conduite où la pensée tient le fil qui évite le gouffre aux défunts. Pour les vivants, Pommerat s'attaque aux préjugés et aux apparences : tendre, humaine et imagée, sa vision enchante et actualise, couve et étire le conte, entre quotidien et poésie, courage et docilité. Enfance et modernité.
Sur scène tous les arts réunis le sont avec brio, sens et sans effet gratuit : la voix off nous dit l'enfant étranger au monde appelé à être l'artisan de celui de demain, avec ses erreurs et ses tatonnements. le mime avec ses mains pose des mots dans le ciel, interroge ce qui est vrai, ce qui est faux. le décor, né de rien, du noir et de l'obscurité après chaque scène, ouvre et plante les lieux du conte comme dans un livre ouvert, un écran souple, jusqu'à cette maison de verre qui piège les oiseaux... Les acteurs - la plupart avec deux rôles et tous parfaits - jonglent et se faufilent entre avers et revers, rêve et réalité, vérité et faux-semblant : et si le bal du roi sortait de l'esprit de la famille recomposée ? La musique - celle des mots de Pommerat à elle seule est un délice - porte celle du conte et du vrai monde où l'écho du récit demeurera toujours. le chant, la danse...
Spectacle total et captivant, à la scénographie magique et au plateau royal, Cendrillon triomphe chaque soir avec une salle comble et c'est justice. Comme la rencontre de la très jeune fille et du prince qui vécurent... heureux comme on l'est après ce spectacle éblouissant pour les petits comme pour les grands.

CENDRILLON

Une création théâtrale de Joël Pommerat

Avec la collaboration de la @Compagnie Louis Brouillard

Avec Alfredo Cañavate (en alternance avec Jean Ruimi ; le père de la très jeune fille
Noémie Carcaud ; la fée, la soeur
Caroline Donnelly ; la seconde soeur, le prince
Catherine Mestoussis ; la belle-mère
Léa Millet (et Déborah Rouach les 5, 6 et 7 juillet) ; la très jeune fille
Damien Ricau ; le narrateur et Marcella Carrara, la voix du narrateur
Julien Desmet
Le rôle de la très jeune fille a été créé par Déborah Rouach
Scénographie et lumière Eric Soyer
Costumes Isabelle Deffin
Son François Leymarie
Vidéo Renaud Rubiano
Musique originale Antonin Leymarie
Collaborateur artistique Philippe Carbonneaux
Assistant mise en scène à la création Pierre-Yves le Borgne

A la mort de sa mère, une très jeune fille se fait la promesse de ne jamais cesser de penser à elle plus de cinq minutes... Elle suit son père dans une maison de verre où les attend une nouvelle famille. Cette Cendrillon nous parle du deuil, du désir de vivre, du pouvoir de l'imagination et des mensonges des adultes. Avec une délicatesse qui n'exclut pas l'humour, Joël Pommerat aborde encore une fois les questions graves et vitales de toute enfance.

Paris, Théâtre de la Porte Saint-Martin / Petit Saint-Martin, soirée du 24 juin 2022
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C'est une poignée de collégiens qui m'a donné envie de replonger dans le texte de Pommerat, dont j'avais vu représentation sur une scène nationale deux ans auparavant, et qui m'avait beaucoup marquée...

Sandra est une Cendrillon des temps modernes. En effet, notre protagoniste et son père déménagent dans la prison de verre de la méchante belle-mère accompagnée de ses deux filles "sottes". On y découvre également des personnages et un bal royal bien éloigné des codes traditionnels propres aux contes de fées.

Beaucoup de décalages dont découle de l'humour à souhait. Encore mieux que le texte, si vous le pouvez, rendez-vous au théâtre !
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Cendrillon (pièce de théâtre de Joël Pommerat)

Dans quel type de maison habitent la belle-mère de Sandra et ses deux filles ?

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Thème : Cendrillon de Joël PommeratCréer un quiz sur ce livre

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