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Thérèse de Chérisey (Traducteur)Michel Rocard (Préfacier, etc.)
EAN : 9782360150144
254 pages
NOVA Editions (15/09/2010)
3.87/5   39 notes
Résumé :

L'esprit d'une culture peut se flétrir de deux manières. Dans la première - celle d'Orwell -, la culture devient une prison. Dans la seconde, celle de Huxley la culture devient une caricature. (...) Huxley nous enseigne qu'à une époque de technologie avancée, la dévastation spirituelle risque davantage de venir d'un ennemi au visage souriant que d'un ennemi qui inspire les soupçons et la haine. C'est nous qui avons ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un des constats que l'on peut établir à la lecture de cet ouvrage, c'est la grande modernité de son propos. Bien que publié en 1985, presque tous les points qu'aborde l'auteur sont intéressants à confronter à notre société actuelle. On mesure pourtant le fossé immense que représentent ces trente dernières années en matière de communication et de médias: l'apparition d'internet a tout changé, et la télévision elle-même s'est vautrée allégrement dans un vide bêtifiant qui aurait sans doute dépassé l'imagination des producteurs les plus cyniques des années 80.

Disons ensuite que cet ouvrage n'appartient pas à la catégorie des chefs d'oeuvres littéraires (malgré une écriture fluide et précise), ni des pavés universitaires destinés à un public de quelques dizaines d'individus, mais bel et bien à celle des livres de salubrité publique.
Une personne normalement éduquée peut suivre l'ensemble des analyses qui y sont fournies, et ce en dépit du fait que l'auteur ne prétend s'attaquer qu'à la télévision telle qu'elle est (était) aux États-Unis.
On s'aperçoit pourtant que les rouages qu'elle utilise sont les mêmes partout; et surtout que le monde que Postman annonce comme la réalisation de la prophétie d'Aldous Huxley est bel et bien arrivé: il soulignait que le danger n'était pas que le pouvoir ne force les gens à entrer dans un univers contrôlé et censuré comme Orwell le dépeignait dans "1984", mais que les gens créeraient de leur plein gré cet univers en étant aveuglés par le divertissement.

Ce livre intellectuellement honnête est le socle d'un raisonnement d'une réelle finesse, et son ampleur est abondamment soulignée par un souci constant de confronter son analyse à l'histoire.

Ajoutons enfin qu'il est extrêmement regrettable que Postman n'ait pas vécu jusqu'à l'âge d'internet (il est mort au début des années 2000), qui lui aurait fourni un matériau d'étude aussi passionnant qu'effrayant, à n'en pas douter.
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Cet essai, écrit en 1985, montre de quelle manière la culture d'une nation peut péricliter. L'auteur considère deux hypothèses : celle d'Orwell qui, dans "1984", prédisait une manipulation, voire une suppression, de la culture via l'entité extérieure Big Brother. Et celle d'Huxley dans "Le meilleur des mondes" qui voyait que nous croulerions sous une telle masse d'informations que celles-ci perdraient leur valeur au point de devenir simple divertissement. Et c'est cette piste qu'explore Postman. Aux débuts des Etats-Unis, la population était alphabétisée à presque 100% (les pionniers étaient protestants et savaient lire la Bible et par conséquent, d'autres textes). Postman date le début du déclin avec l'apparition du télégraphe, qui, de par la vitesse de transmission de l'information, a fait perdre à celle-ci son importance et gagner en trivialité. Et rien ne s'est arrangé avec l'avénement de la télévision qui envisage toute information et toute forme de culture sous l'angle de la distraction (rentabilité oblige) : politique (le physique et la vie publique des politiciens sont plus importants que leurs idées), éducation (les programmes éducatifs doivent apprendre en amusant), religion (voir les télévangélistes), connaissances (sous forme de jeux, quiz...).

Passionnant car écrit de manière concise avec de nombreux exemples, cet essai fait aussi froid dans le dos. Car s'il concerne la culture américaine, force est de constater que ses théories se sont étendues à notre société. Et ayant été écrit en 1985, ce livre ne peut donc prendre en compte le bouleversement des nouvelles technologies (SMS, mails, Internet, réseaux sociaux) qui ont encore accéléré la vitesse de transmission des informations et qui déprécient leur valeur. Pas étonnant que certains mouvements actuels prônent un retour à la lenteur...
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L'auteur reprend à son compte la pensée de McLuhan de 1967 "le media esr un message" c'est-à-dire que le mode de transmission (oral, écrit ou technologique) influe sur le message lui-même, son contenu et même sur la civilisation. Ainsi, la télévision qui s'est substituée à l'écrit rend passif, empêche de penser car elle privilégie la distraction au lieu de la pensée construite. Elle érode notre capacité à penser, elle noie la pensée sous des distractions. A noter que cet essai date de 1985, avant Internet, les réseaux sociaux mais au début des chaînes d'information continue aux Etats-Unis.
Orwell pensait que nos oppresseurs seraient extérieurs, qu'ils censureraient les livres, qu'ils limiteraient l'accès à l'information. Huxley lui dès 1935 avait vu plus juste dans le Meilleur des mondes. L'oppresseur n'est pas extérieur, il ne nous interdit pas les livres, il ne nous donne plus envie de les lire, il nous noie sous trop d'informations. La pensée véritable est noyée par les futilités qui empêchent l'homme de faire des efforts. Qui plus est, nous aimons notre oppresseur ! La distraction a pris le pouvoir et détruit l'humanité, ce qui en fait son essence.
Un peu redondant, des exemples pris dans des émissions américaines que nous connaissons peu.
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Après une première partie historique -un peu laborieuse à mon goût, même si elle permet de mettre certaines choses en perspective-, on en arrive à la présentation des évolutions actuelles, qui présente l'intérêt, non seulement d'analyser les travers structurellement liés aux media audiovisuels, mais aussi de montrer comment la pratique dérivée de cette structure tend à contaminer l'ensemble de la société, y compris l'enseignement, qui devrait pourtant être l'un des principaux instruments de lutte contre ces dérives.
Au total un ouvrage intéressant, même si la première partie aurait sans doute pu être un peu condensée et si à l'inverse les "contrefeux" proposés mériteraient au contraire de plus longs développements.
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Ouvrage datant de 1985 et donc assez vieux ne pouvant retracer toute l'évolution de la télévision jusqu'à aujourd'hui. Redondant. Superficiel. J'aurais aimé un ouvrage beaucoup plus complet avec tous les effets discutés de la télévision. Auteur qui soit va trop loin ou pas assez dans ses propos.
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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
[...] contrairement à une opinion répandue même chez les gens cultivés, les prophéties de Huxley et Orwell sont très différentes l'une de l'autre. Orwell nous avertit du risque que nous courons d'être écrasés par une force oppressive externe. Huxley, dans sa vision, n'a nul besoin de faire intervenir un Big Brother pour expliquer que les gens seront dépossédés de leur autonomie, de leur maturité, de leur histoire. Il sait que les gens en viendront à aimer leur oppression, à adorer les technologies qui détruisent leur capacité de penser.
Orwell craignait ceux qui interdiraient les livres. Huxley redoutait qu'il n'y ait même plus besoin d'interdire les livres car plus personne n'aurait envie d'en lire. Orwell craignait ceux qui nous priveraient de l'information. Huxley redoutait qu'on ne nous en abreuve au point que nous en soyons réduits à la passivité et à l'égoïsme. Orwell craignait qu'on ne nous cache la vérité. Huxley redoutait que la vérité ne soit noyée dans un océan d'insignifiances. Orwell craignait que notre culture ne soit prisonnière. Huxley redoutait que notre culture ne devienne triviale, seulement préoccupée de fadaises. Car, comme le faisait remarquer Huxley dans "Brave new world revisited", les défenseurs des libertés et de la raison, qui sont toujours en alerte pour s'opposer à la tyrannie, "ne tiennent pas compte de cet appétit quasi insatiable de l'homme pour les distractions". Dans "1984", ajoutait Huxley, le contrôle sur les gens s'exerce en leur infligeant des punitions ; dans "Le meilleur des mondes", il s'exerce en leur infligeant du plaisir. En bref, Orwell craignait que ce que nous haïssons ne nous detruise ; Huxley redoutait que cette destruction ne nous vienne plutôt de ce que nous aimons.
Le thème de cet ouvrage [i.e. "Se distraire à en mourir"] repose sur l'idée que Huxley avait vu plus juste qu'Orwell.
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En Amérique chacun a le droit d'avoir son opinion, ce qui est bien utile pour les enquêteurs. Mais ce sont là des opinions d'une toute autre nature que celles que l'on pouvait avoir au XVIIIe ou au XIXe siècle. Il serait plus exact de parler d'émotions plutôt que d'opinions, ce qui tiendrait compte du fait qu'elles changent d'une semaine à l'autre, comme nous le montrent les sondages. La télévision modifie le sens « d'être informé » en créant un type d'information qu'il serait plus correct d'appeler la désinformation. J'emploie ce mot dans le sens bien précis que lui donnent les espions ) la CIA ou au KGB. Désinformation ne signifie pas fausse information. Cela signifie information trompeuse – information déplacée, hors de propos, fragmentaire ou superficielle – une information qui donne l'illusion de savoir quelque chose mais qui, en fait, vous éloigne de la véritable connaissance. Je ne veux pas dire que les nouvelles télévisées ont pour objectif délibéré de priver les Américains d'une compréhension cohérente, et intégrée dans son contexte, de leur monde. Je veux dire que, quand les nouvelles sont ainsi présentées sous forme de divertissement, c'est un résultat inévitable. En disant que la télévision divertit mais n'informe pas, j'exprime une chose beaucoup plus grave que si je disais que nous étions privés d'information vraie. Nous sommes en train de perdre la notion de ce que signifie être bien informé. L'ignorance est toujours corrigible. Mais qu'adviendra-t-il si nous prenons l'ignorance pour de la connaissance ?
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Tant que la musique fournit un cadre à l'émission, le téléspectateur est rassuré, cela le conforte dans l'idée qu'il n'y a pas vraiment matière à s'inquiéter, qu'en fait les évènements dont on l'informe ont aussi peu de relation avec la réalité que ce qui se passe sur une scène de théâtre.
Ce sentiment que nous donnent les informations télévisées d'être un spectacle dramatique mis en scène pour nous divertir est renforcé, entre autres, par le fait que la durée moyenne de chaque sujet est de 45 secondes.
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Telegraphy gave a form of legitimacy to the idea of context-free information; that is, to the idea that the value of information need not be tied to any function it might serve in social and political decision-making and action, but may attach merely to its novelty, interest, and curiosity. The telegraph made information into a commodity, a “thing” that could be bought and sold irrespective of its uses or meaning. But it did not do so alone. The potential of the telegraph to transform information into a commodity might never have been realized, except for the partnership between the telegraph and the press. The penny newspaper[...] in the 1830’s, had already begun the process of elevating irrelevance to the status of news. Such papers as Benjamin Day’s New York Sun [...] turned away from the tradition of news as reasoned [...] political opinion and urgent commercial information and filled their pages with accounts of sensational events, mostly concerning crime and sex.
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Le problème n'est pas que la télévision nous offre des divertissements, mais que tous les sujets soient traités sous forme de divertissement, ce qui est une autre affaire.
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