Ça bouillonne, ça tempête et ça foisonne dans la baie de Douarnenez !
De partout.
Sous la mer, où les innombrables poissons nommés se la jouent par bancs entiers.
Sur l'eau où les couleurs, textures et lumières offrent des palettes toujours changeantes.
Dans les airs, où les mouettes et goélands rient et s'amusent avec les vents.
Sur la terre, dans les ruelles et cafés du port qui offrent des scènes pleine de verve et d'humour, arrosées de vins qui emplissent les gosiers et donnent le ton.
Que de force il leur aura fallu à ces hommes pour dompter la mer et en retirer de quoi nourrir leur famille, à ces femmes travaillant à l'usine de conserveries pour combler les manques.
Et quand une tempête s'abat sur les côtes, combien de bateaux reviennent ? Tous, dans l'attente. Espoir ou déchirement.
Dans ce tourbillon de travail harassant et de fatigue, de violences et de solidarité, de rudesse et de pauvreté, un amour est-il possible ?
Louis, pêcheur né, la quarantaine, communiste plein d'espoir, tombeur de ces dames, un homme viril et macho tombe lui-même amoureux de la toute jeune Marie, fervente catholique, ayant quitté la ferme et la famille pour vivre chez sa tante et trouver du travail au port. le coup de foudre mutuel ouvrira une faille chez l'homme rude, incapable de parler sentiments, une pudeur d'homme n'entraînant que silences stupides.
Un livre que l'on peut lire rapidement tant l'on est emporté par son rythme, ou plus lentement avec un dictionnaire à ses côtés pour mesurer l'ampleur de cette écriture foisonnante.
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Ce roman ne vaut pas par l'histoire de la rencontre entre une oie blanche venue de la campagne et un marin pêcheur mûri par les expériences, de mer bien sûr mais aussi de vie. A terre, il use sa vie de femme en femme, et de bistro en bistro; sur mer, il la risque, et, en attendant d'éventuellement la perdre, il voit parfois disparaître ses camarades dont le bateau a été moins fort que la tempête: ainsi va la vie à Douarnenez. L'historiette d'amour ne serait que bien banale. Mais nous sommes en présence d'un auteur qui, d'une part, sait écrire, et d'autre part nous immerge dans cette ville, dans ce port, dans ses bistros, sur cette mer, avec un talent peu commun. Avec lui, nous y sommes, à Douarnenez, sur ses bâteaux ou dans ses bars. Nous sommes mêmes, parfois, le poisson qui file sous les vagues.... Quelles merveilles que ces descriptions poignantes, tellement vraies, tellement humaines. Notre héros a presque tous les défauts de la terre, mais nous l'aimons: c'est un homme, imparfait, mais si réel. Là est le talent du romancier: l'intérêt d'un roman ne vaut pas par l'histoire qu'il raconte, mais par la façon dont elle est racontée. Et là, à Douarnenez, Henri Queffelec nous prend par la main. Comme Louis Marzin, nous sommes un pêcheur, un buveur, un coureur, et, à la fin du livre, nous avons l'impression que nous savons tout de la mer et de la pêche. Ce livre, publié en 1951, n'est pas le plus fameux de H.Queffelec, mais c'est un ouvrage vraiment très beau, et dont on se souviendra.
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Oh quelle rudesse, quelle âpreté dans ces vies de marins -pêcheurs bretons au début du XXe siècle ! Les joies tout aussi bien que les désillusions de ces hommes que bouscule la houle sont diablement décrites par Henri Queffellec.
Douarnenez est ici le théâtre d'une rencontre : Louis, ouvrier de la pêche, aperçoit Maria, celle qui vient d'ailleurs. Plomodierne, à quelques kilomètres dans les terres. Homme, femme, terre, mer.
Lire ce roman aujourd'hui a presque une valeur de voyage anthropologique dans un coin de terre du bout du monde, où l'on vit entre soi soudé par le malheur, l'alcool, les sardines, le thon, l'Église et le parti et enfin uni par la haine envers les Camaretois.
Le parler français sonne parfaitement juste : la construction de la phrase en breton exprimée en français.
L'exactitude des termes prononcés par les pêcheurs fait contrepoint à leur incapacité à dire ses sentiments. Tout ça, c'est des affaires de bonnes femmes, "nom dé chien" !
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Qu'est-ce que peut vouloir comme cadeau, par exemple, une veuve Abaléa ? Un beau peigne d'écaille à la manière espagnole ? Mais de quoi elle aurait l'air avec ? Un bouquet de fleurs ? Quelles fleurs ? Des grandes comme dans les églises ou des petites comme dans les champs ? Non, pas de fleurs, une langouste, une grosse, une monstrueuse, dans les cinq six kilos. Oui c'est ça, une fraîche, une vivante, une qui cause quand on la remue, grrriiii, grrriiii, on trouvera bien un camarade pour vous dénicher la bête.
Au-delà des digues, l’eau, le ciel et la pluie se confondent en une sublime muraille de brume qui repousse dans un autre monde les rivages disparus. L’univers daourneniste se réduit à une grande flaque chargée de barques vaines et où un goéland fané par la pluie dérive lentement.
Après la dictée où il est questions de vaches "magnifiques, orgueil du maître, avec leurs larges flancs bruns, beaux et pleins de reflets comme des tapisseries", vient la traite du soir, assurée par Maria, de petites bêtes maigrichonnes et sales.
Le ciel avait viré en une coulée de suie boueuse qui rendait le paysage fantomatique - un cauchemar de bruits et de formes dans une âme souffrante.
Émission complète : http://www.web-tv-culture.com/naissance-d-un-goncourt-de-yann-queffelec-1317.html
Il est né à Paris mais ses racines sont belles et bien bretonnes. Yann Queffelec a toujours revendiqué cet attachement, il l?a prouvé dans plusieurs de ses ouvrages comme son « Dictionnaire amoureux de la Bretagne ». Plus jeune, il se rêvait aventurier sur les mers, prenant la plume au gré de ses escales. Car si la voile était sa passion, l?envie d?écriture était déjà présente, encouragée par une mère aimante et affectueuse. En revanche, côté paternel, ces velléités n?étaient pas bien vues. Pas facile pour le grand romancier de la mer que fut Henri Queffelec, grand prix de l?académie française en 1958 avec son « Royaume sous la mer » d?imaginer son fils marcher dans son sillon. Ce conflit père-fils qui perdura jusqu?à la mort d?Henri Queffelec a profondément marqué son fils Yann qui en a fait un livre « L?homme de ma vie ». Au-delà de ces souvenirs personnels, Yann Queffelec a aussi bien sûr écrit de nombreuses fictions mais toujours les relations familiales et le mal-amour se répondent en écho. Avec près d?une quarantaine d?ouvrages alternant romans, récits, essais ou poésie, le parcours d?auteur de Yann Queffelec est bien sûr marqué par le prix Goncourt, en 1985, avec « Les noces barbares ». Ce titre reste associé à la rencontre entre Yann Queffelec et l?éditrice parisienne Françoise Verny, une rencontre improbable, un soir d?hiver sur le quai d?un port de Bretagne, quand Françoise Verny eut cette phrase à destination du futur romancier « Toi, chéri, t?as une gueule d?écrivain ». On imagine la scène? Avec humour, tendresse et émotion, Yann Queffelec nous raconte les mois qui vont de cette rencontre portuaire inattendue à l?obtention du Goncourt, cette relation quasi filiale entre ce jeune auteur en devenir et cette éditrice, faiseuse de talents, à la personnalité bien trempée. Dans ce livre où le lecteur est pris à témoin par l?auteur, Yann Queffelec se dévoile, avec ses bons et ses mauvais côtés, il nous parle d?une époque peut-être révolue ou auteur et éditeur ne faisaient qu?un et il lève le voile sur le monde secret de l?édition parisienne. Tout cela avec une écriture pleine d?originalité, de sonorité et de poésie. « Naissance d?un Goncourt » de Yann Queffelec est publié chez Calmann-Lévy.
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