Il me semblait que, pour toute mon existence, désormais, je serais pareil aux bêtes rampantes, que je verrais de bas en haut les choses, les gens, le ciel ! Toute la vie à traîner mon regard désolé dans les ordures ! Toute la vie à découvrir les saletés sur lesquelles on marche, d'ordinaire, d'un pas alerte et joyeux ! Toute ma vie à constater les pieds sales du voisins, le crachat des uns, les loques pourries des autres, les trognons de choux s'égarant dans la belle nature !... Toute la vie à souffrir, en ruant, du vilain, du détail obscène ou grotesque. Mes pupilles se dilataient, s'emparaient de tous mes traits, je voyais par le front, par le nez, par la bouche, par la gorge. Et je ne définissais pas mes sensations, j'étais des yeux épouvantablement ouverts sur le rut de ces deux créatures si répugnantes, je n'étais plus que des yeux s'aiguisant comme des poignards, allant jusqu'à toutes ces chairs nues pantelant devant moi, car, spectacle inoubliable et atroce, ils s'installèrent en travers de la table, cette longue table de chêne qui réunissait les énousilleurs des veillées laborieuses.
J’ajouterai mélancoliquement : Voyez les lis de France, alors qu'il existait une France au lieu dit des vieilles Gaules, et non une petite province de l'Amérique, ces merveilleuses fleurs à l'ombre desquelles touffes solennelles on mit tant de bravoure et tant d'esprit. N'était-ce point parce qu'ils sortaient d'un fumier pourpre qu'ils resplendissaient d'une blancheur si éblouissante ? A leur époque, temps béni de généreux massacres, notre pays était plus pittoresque, moins névrosé, enfin mieux portant. Le sang habilement répandu fait la santé des corps, et trop de sang conservé mène à la pourriture. Dans quelques siècles, nous serons tellement civilisés que l'on défendra toute opération chirurgicale pour nous éviter la vue d'une goutte de sang. Mais dans quelques siècles l'Europe ne sera-t-elle pas pourrie tout à fait !
Un jour terne, renvoyé par le grand mur d'en face, entrait sur la pointe de ses rayons comme dans un cabanon de fou ; j'apercevais des objets vulgaires : un lavabo à dessus de marbre gris, fendu, taché de ronds visqueux, une cuvette ébréchée, une serviette sale, d'autres taches le long du papier, une tenture à fleurs grises s'évanouissant dans un gris plus jaune ressemblant au badigeon de la muraille voisine ; puis des rideaux à plis pauvres, des vitres poussiéreuses où les doigts des précédents locataires avaient fait des marques transparentes imitant des trous ; et enfin la fameuse muraille, un horizon de lèpres et de gales variées, tout le ciel des maladies de peau, avec, en plus, quelques affectations du plâtre inventées pour mon particulier désespoir.
Grangille nommait cet endroit : "un joli appartement par cher".
Pourquoi employer de vaines formules ? Pourquoi s'efforcer à prouver que le tueur est plus redoutable qu'un banqueroutier ou qu'un libertin ? Celui qui diminue le nombre de ses semblables, surtout aujourd'hui où des complications de lâcheté attiédissent la guerre et finiront par supprimer cette si nécessaire périodique saignée des peuples, celui-là, bon gré, malgré, améliore la situation de ses voisins, il prépare une place à qui n'en a pas, et ce qu'on peut lui reprocher c'est de se laisser aveugler par la fureur, car la fureur l'empêche de frapper juste.
Je rêve de mourir sans phrase et sans apparats grotesques, un matin du mois de mai, à la suite d'une vision douce traînant dans mon obscurité.
Attention !!! Nouvel horaire pour l'émission "Le coup de coeur des libraires" sur les Ondes de Sud Radio. Valérie Expert et Gérard Collard vous donnent rendez-vous chaque samedi à 14h00 pour vous faire découvrir leurs passions du moment !
•
Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici !
•
•
•
le Dipoilocus et autres dinosaures méconnus: et autres découvertes saugrenues de Lise Beninca aux éditions Hélium
https://www.lagriffenoire.com/encore-plus-de-dipoilocus.html
•
Encore plus de Dipoilocus de Lise Beninca et Clémence Lallemand aux éditions Hélium
https://www.lagriffenoire.com/encore-plus-de-dipoilocus.html
•
Prout ! Prout ! de Sandrine Lamour et Marianne Barcilon aux éditions Lito
https://www.lagriffenoire.com/prout-prout.html
•
C'est super d'être petit ! de Hervé Eparvier et Soledad Bravi aux éditions EDL
https://www.lagriffenoire.com/c-est-super-d-etre-petit.html
•
Moi, Mouth ! de Grégoire Solotareff et Soledad Bravi aux éditions EDL
https://www.lagriffenoire.com/moi-mouth.html
•
Les discours les plus éloquents - Décryptage en BD par Soledad Bravi de Soledad Bravi, Romain Boulet aux éditions le Robert
https://www.lagriffenoire.com/les-discours-les-plus-eloquents.html
•
Les Mauvaises Epouses de Zoe Brisby aux éditions Livre de Poche
https://www.lagriffenoire.com/les-mauvaises-epouses-1.html
•
La Double Vie de Dina Miller de Zoé Brisby aux éditions Albin Michel
https://www.lagriffenoire.com/la-double-vie-de-dina-miller.html
•
le Lâche de Jarred McGinnis aux éditions Points
https://www.lagriffenoire.com/le-lache-1.html
•
Monsieur Vénus/Madame Adonis de Rachilde et Martine Reid aux éditions Folio Classique
https://www.lagriffenoire.com/monsieur-venus-madame-adonis.html
•
Rachilde, homme de lettres de Cécile Chabaud aux éditions Écriture
https://www.lagriffenoire.com/rachilde-homme-de-lettres-1.html
•
Pour que chantent les montagnes de Phan Que Mai Nguyen aux éditions Points
https://www.lagriffenoire.com/pour-que-chantent-les-montagnes-1.html
•
Là où fleurissent les cendres de Nguyen Phan Que Mai et Sarah Tardy aux éditions Charleston
https://www.lagriffenoire.com/
+ Lire la suite