Iphigénie /
Jean Racine (1639-1699)
Petit rappel historico-mythologique.
L'histoire se déroule sur les rivages d'Aulis ville
De Grèce, où les Grecs coalisés se préparent à aller attaquer Troie. Mais ils ne peuvent atteindre Troie, car les dieux retiennent les vents nécessaires au départ de l'expédition.
Agamemnon, leur chef, roi de Mycènes et d'Argos, est donc contraint de consulter l'oracle Calchas, qui lui ordonne de sacrifier sa fille,
Iphigénie, afin d'apaiser la déesse Artémis.
Dans le chaos provoqué par les indécisions d'Agamemnon,
Iphigénie se soumet aux volontés de son père.
Ambition d'Agamemnon, désir de gloire d'Achille le fiancé d'
Iphigénie, orgueil de Clytemnestre la femme d'Agamemnon et soeur d'Hélène femme de Ménélas le frère d'Agamemnon, dont l'enlèvement par Hector est la cause de la guerre de Troie, jalousie d'Ériphile, une princesse qui a été faite prisonnière par Achille dont elle est éprise, ainsi la rivale d'
Iphigénie : la pièce montre des passions déchaînées qui, toutes, font d'
Iphigénie leur victime préférée.
Représentée pour la première fois à Versailles le 18 août 1674,
Iphigénie marque le retour de Racine à des thèmes mythologiques après une série de sujets historiques (
Britannicus,
Bérénice,
Bajazet,
Mithridate).
le personnage le plus fort moralement n'est pas Agamemnon, chef pusillanime, mais
Iphigénie, qui pousse le respect filial et le patriotisme jusqu'à accepter la mort.
Extraits :
Les vents contraires empêchent la flotte d'appareiller et Arcas, domestique du roi s'exprime : Acte I Scène I
Tous ces mille vaisseaux , qui chargés de vingt Rois,
N'attendent que les vents pour partir sous vos lois ?
Ce long calme , il est vrai , retarde vos conquêtes,
Ces vents depuis trois mois enchaînés sur nos têtes
D'Ilion trop longtemps vous ferment le chemin .
Calchas, l'oracle, consulté :
Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie,
Sacrifiez
Iphigénie.
Réponse d'Agamemnon :
Non, je ne croirai point, ô Ciel, que ta justice
Approuve la fureur de ce noir sacrifice.
Tes oracles sans doute ont voulu m'éprouver,
Et tu me punirais si j'osais l'achever.
Iphigénie à son père : Acte II Scène II
Quel plaisir de vous voir et de vous contempler
Dans ce nouvel éclat dont je vous vois briller
Dieux ! avec quel amour la Grèce vous révère !
Quel bonheur de me voir la fille d'un tel père !
Ériphile à
Iphigénie : Acte II Scène VIII
Orgueilleuse rivale, on t'aime, et tu murmures ?
Souffrirai-je à la fois ta gloire et tes injures ?
Agamemnon gémit. Ne désespérons point ;
Et si le sort contre elle à ma haine se joint,
Je saurai profiter de cette intelligence
Pour ne pas pleurer seule et mourir sans
vengeance.
Iphigénie à Achille : Acte III Scène VI
Cet ennemi barbare, injuste, sanguinaire,
Songez, quoi qu'il ait fait, songez qu'il est mon père
Achille à
Iphigénie :
Lui, votre père ? Après son horrible dessein,
Je ne le connais plus que pour votre assassin.
Iphigénie à Achille :
C'est mon père, Seigneur, je vous le dis encore,
Mais un père que j'aime, un père que j'adore,
Qui me chérit lui-même, et dont, jusqu'à ce jour,
Je n'ai jamais reçu que des marques d'amour.
Iphigénie à son père : Acte IV Scène IV
Je saurai, s'il le faut, victime obéissante,
Tendre au fer de Calchas une tête innocente,
Et respectant le coup par vous-même ordonné,
Vous rendre tout le sang que vous m'avez
donné.
Achille à Agamemnon : Acte IV Scène VI
On dit, et sans horreur je ne puis le redire,
Qu'aujourd'hui par votre ordre
Iphigénie expire,
Que vous-même, étouffant tout sentiment humain,
Vous l'allez à Calchas livrer de votre main.
Agamemnon à Clytemnestre : Acte IV Scène X
Allez Madame, allez, prenez soin de sa vie.
Je vous rends votre fille, et je vous la confie.
Cachez bien votre fille, et que tout le camp croie
Que je la retiens seule, et que je vous renvoie.
Achille à
Iphigénie : Acte V Scène II
Vous, mourir ? Ah ! cessez de tenir ce langage.
Songez-vous quel serment vous et moi nous engage ?
Songez-vous (pour trancher d'inutiles discours)
Que le bonheur d'Achille est fondé sur vos jours ?
Ma gloire, mon amour vous ordonnent de vivre.
Venez, Madame, il faut les en croire, et me suivre.
Arcas à Clytemnestre : Acte V Scène V
Achille en ce moment exauce vos prières.
Il a brisé des Grecs les trop faibles barrières.
Achille est à l'autel. Calchas est éperdu.
le fatal sacrifice est encor suspendu.
Clytemnestre à Ulysse :
Ma fille ! Ah, Prince ! O ciel ! Je demeure éperdue.
Quel miracle, Seigneur, quel Dieu me l'a rendue ?
Iphigénie est avec
Bérénice la pièce de Racine que je préfère. le tragique de la raison d'État face au tragique de la passion amoureuse, elle-même face au tragique de la fatalité divine fait de cette pièce une réussite totale. L'héroïne
Iphigénie est au coeur de l'intrigue, innocente naïve au début, amoureuse d'Achille, puis offre un comportement sublime et noble, faisant de sa mort annoncée un sacrifice mis au service de la gloire de son fiancé. Acceptant le sacrifice de sa vie elle donne à son amour pour Achille une dimension éternelle.