Syngué Sabour : Pierre de patience

Sublime roman qui m'a beaucoup plu.

une femme afghane au chevet de son mari
agonisant, grandiose

Dans une pièce nue, occultée par des rideaux, un homme allongé sur un matelas à même le sol agonise. A ses côtés une femme est assise et égrène un chapelet, au-dehors on entend les pleurs d'une petite fille. Comme dans une pièce de théâtre, la scène est posée. Tout au long du récit, le long monologue de la femme va dérouler une histoire.

Ce livre est passionnant, émouvant, très fort. L'écriture est simple, efficace, ciselée en phrases courtes, passant de la prose à la poésie, ordonnée de façon originale autour de paragraphes très brefs, elle est par moments incantatoire allant de la confidence au cri, marquée par une scansion permanente du temps avec des rythmes qui se superposent : le goutte à goutte de la perfusion, la respiration de l'homme, les tours de chapelet, ou celui plus espacé de la prière du mollah...
On peut s'interroger sur la forme du récit : est-ce un roman, une fable, un conte? Les personnages n'ont pas de nom défini, ils sont désignés par l'homme, la femme, la petite fille, le mollah, un homme armé...L'époque n'est pas précisée, l'histoire se passe sur un fond de guerre et de pratiques religieuses sans éléments pouvant nous informer de quelle guerre il s'agit. de même le texte ne porte aucune mention géographique pouvant nous signaler un pays, une région. C'est une histoire intemporelle avec des personnages présentés comme des archétypes.Tous ces éléments nous orientent plutôt vers la forme du conte mais la question reste en suspens.
Le texte est aussi écrit aussi comme une pièce de théâtre, composée selon le théâtre classique avec la règle des trois unités : temps, lieu, action. L'action surtout est un huis clos qui se déroule sur un seul espace décrit comme un décor : une chambre à l'ameublement sommaire avec une fenêtre occultée par des rideaux, derrière lesquels, on entend se dérouler la vie du dehors.
Cette forme tenant à la fois du conte et de la pièce théâtre permet une mise à distance qui amplifie le caractère universel de l'histoire.
Tout au long du récit, les événements extérieurs sont exprimées par des bruits très variés : des pas rapides ou trainants, des pleurs, des voix qui crient, parlent ou chantent, la prière du muezzin, des tir d'armes, des déflagrations... Ils ponctuent la narration et contribuent fortement à créer de manière sensorielle une atmosphère angoissante et dramatique.
L'histoire est forte, le personnage de la femme suscite beaucoup d'émotions. On peut remarquer deux grandes parties dans le texte, correspondant à l'évolution des sentiments de la femme au fur et à mesure qu'elle se dévoile. Dans la première partie, elle est soucieuse de bien s'occuper de son mari, elle observe scrupuleusement le rituel religieux, surveille la perfusion, le veille. On sent qu'elle l'aime, elle est dans la soumission, l'obéissance aux lois sociales et religieuses. Dans la deuxième partie, au fur à mesure qu'elle évoque ses humiliations, la violence de sa situation, le mépris de son mari et des hommes en général, elle se révolte. Son mari inerte devient la "pierre de patience" qui lui permet de dire tout ce qui, auparavant, était indicible pour elle. Petit à petit elle est emporté par ses confidences, elle bascule dans l'hystérie et perd le sens du réel.
La fin, pour autant, apparaît assez paradoxale et laisse le lecteur dubitatif. C'est une fin en point d'interrogation, les questions restent ouvertes.

C'est un roman qui raconte l'histoire d'une femme qui ressemble à tellement d'autres histoires mais vu d'un autre angle ce qui donne une toute autre dimension de ce quotidien de tant de femmes dans le monde. Au file des pages, on découvre la vie et les secrets de cette femme, les secrets qu'elle va payer de sa vie.

Je viens de lire ce livre. Je ne le connaissait pas.
J'ai voulu le lire avant d'aller voir le film qui sera projeté chez nous dans une semaine.
Je comprend que des personnes puissent ne pas aimer. A mon avis, c'est soit tout blanc, soit tout noir. Personnellement j'ai beaucoup apprécié, voire même adoré. Je recomande de le lire d'une seule traite.
Le fait que ce soit bref ne m'a pas laissé sur ma faim. L'écriture est très simple et facile à lire. Il n'y a pas de "fanfreluches" : peu de descriptions et le moins que l'on puisse dire c'est que ça ne traine pas en longueur.
Un livre qui à mon avis mérite vraiment d'être lu et d'être apprécié.

magnifique