L’autrice analyse la construction et la finalité de cette légende d’une courtisane, fille publique donc, jouant avec l’ambivalence de l’adjectif. La conclusion est sans appel : la mémoire collective n’a retenu que cette figure négative, jusqu’à la réhabilitation récente de la créatrice, à laquelle cette brillante démonstration met un point final.
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Élargissant le cercle de ses destinataires, elle appelle ainsi la communauté des dames à " élever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenouilles et fuseaux", à délaisser les futilités matérielles qui ne constituent que des biens d'usage afin d'acquérir des biens propres, que nul ne peut leur ôter, "la gloire et l'honneur" que confère l'exercice de l'esprit, ainsi que " le plaisir que l'étude des lettres a accoutumé donner".
L'histoire de Louise Labé,c'est aussi celle d'un écart entre ce qu'on a retenu, ce qu'on a cru en savoir, ce qu'on a voulu y lire et ce qu'un travail patient, précis, conscient des impasses, des ignorances et du silence des archives a pu fixer.
Baise m'encor, rebaise-moi et baise:
Donne-m'en u de tes plus savoureux,
Donne-m'en un de tes amoureux :
Je t'en rendrai quatre plus hauts que braise.
De même, durant le XVIe siècle, la majorité des femmes du milieu artisanal dont est issue Labé n'avaient guère accès à l'écriture comme à la culture, et il semble que le frère de Louise, François, dont les archives permettent de suivre partiellement la carrière, n'ait guère instruit. On ne sait donc pas ce qui a porté Labé vers des lectures nombreuses dont l'empreinte marque profondément ses œuvres.
Femme - et même femme du peuple- , autrice d'un unique ouvrage, porteuse d'une mauvaise réputation, Louise Labé aurait pu s'effacer avec ses Œuvres de la mémoire collective, ou, du moins, seule sa réputation sulfureuse aurait pu subsister, celle de la "Belle Cordière" .