Comme la mauvaise herbe l'espoir viendra-t-il toujours à bout du béton
Ce roman c'est un regard, celui de celui qui sait car il est prof. Il a étudié, il donne, il connait les rouages de cette machine qui n'a plus de pilote depuis longtemps.
Une journée hors et dans un lycée de banlieue.
Nous faisons connaissance avec Mo un ado mal dans sa peau, il n'a pas les codes mais il a autre chose, le goût des mots. Il lit ! En ce début de journée ordinaire il traverse le pont de Bondy, au-dessus du canal. L'autoroute A3 tentaculaire vit sa vie. La mère de Mo vit dans la peur, elle fait partir son fils tôt, très tôt, peur du trafic de drogue et des balles perdues.
D'ailleurs ce jour-là, il rixe est déclenchée, c'est un bruit sourd, une vidéo qui circule…
« C'est un drôle de territoire cette banlieue. C'est la frontière d'un monde. Derrière un petit bois il y a le campement de bagnoles défoncées où ils habitent. La casse sous l'autoroute gardée par de gros chiens. le fil du canal qui s'étire et le ciel qui s'éclaire à l'est. »
Candice professeur de français et animatrice du club de théâtre, elle a invité Paul écrivain, poète.
A l'heure où le soleil se lève la pression monte, inexorable comme un tsunami.
Cette journée de cours a ses codes, chacun y va de son savoir-être, de son savoir-être et de son savoir.
Malgré la fatigue, le découragement et l'immense solitude que chacun ressent dans l'exercice de ses fonctions, ils sont là et ont un regard bienveillant sur ses hommes et femmes en devenir.
« Il y a tout de même des gamins qui donnent envie de continuer à se battre. Dans la même classe il y en a qui s'en sortent. Mohamed, elle l'a aperçu tout à l'heure levant la tête lorsqu'elle arrivait sous le pont de Bondy. Un élève discret, fin. Il a de l'humour. Il lit. Il lui demande des conseils, il va au CDI. Elle a même commencé à lui prêter des bouquins à elle quand elle a compris qu'il ne pouvait pas en acheter. le gamin est un peu fluet, là où il vit c'est le genre que les autres emmerdent depuis qu'il est petit, alors soit il se mettait à la boxe, soit il se mettait à lire. »
Voilà, le décor est planté pour réaliser un excellent film. L'unité de temps de 7 h à 17 h
Thomas B. Reverdy nous donne à voir et entendre, nos sens sont en alerte, c'est une lecture active.
C'est un constat qui est posé avec une colère qui fait vibrer le tout.
Cet état de lieux sans concession est servi par une langue riche qui évolue avec les protagonistes, c'est aussi un regard bienveillant sur la jeunesse.
C'est intelligent, il nous montre l'urgence à agir et pour cela d'intégrer dans les actions ceux qui sont au coeur de ce microcosme qui est le chaudron d'une société qui va mal.
Un lycée comme une poudrière.
Il nous dit aussi que notre jeunesse n'est pas hermétique à la culture, aux mots.
Nos enseignants sont courageux mais doit-on mourir de ce courage ?
Que dit cette barbarie ?
Enseigner c'est une vie de solitude, un sentiment qui colle à la peau.
Quand nos dirigeants prendront-ils la mesure de ce phénomène ?
Un lycée de banlieue fait penser au carcinome, petite excroissance sur la peau qui en sourdine étend sa malfaisance, esprit malin jusqu'à la mort.
La littérature apporte beaucoup lorsque le talent est vibrant, lorsque les mots sont là justes et forts comme un cri.
Un prix Landerneau de haut niveau qui m'a ravie, car j'aime trouver dans les livres cette force de réflexion.
©Chantal Lafon
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