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Alors, normalement, je devrais faire la fine bouche devant ce roman. Parce qu'on n'y apprend rien qu'on ne sache déjà: la banlieue, les violences policières, le manque de moyens dans les lycées, les trafics, les émeutes... Entre la photocopieuse qui tombe en panne, le café au goût d'endive et les deux histoires d'amour naissantes, il y aurait de quoi être découragé: passages obligés d'un côté, façon chronique au plus près du réel écrite par la plume talentueuse d'un quotidien du soir, bluettes assez niaises de l'autre, où chacun ne pense bien entendu qu'à la courbe d'une nuque et où le mot "cul" n'apparaît que pour affirmer qu'on se le pèle grave assis sur un banc...
Et pourtant! Il y a là un regard étonnamment juste et sans esbroufe , une plume qui ne cherche pas à dire plus ou mieux mais qui saisit une réalité à peine idéalisée en ce sens où la catastrophe qui survient ne vire pas à la tragédie, où la plupart des personnages font juste ce qu'ils peuvent et qu'il ne s'en faudrait pas de beaucoup pour que cette humanité suffise à tenir les murs. La réussite du roman tient sans doute à cette modestie commune aux personnages et à l'auteur qui ne se prennent ni pour des héros ni pour un révolutionnaire des lettres mais qui font drôlement bien leur job.
Et puis j'ai adoré la métaphore du titre et sa morale plurielle: il faut ouvrir les vannes! Plus d'eau, plus d'air, plus de liberté, et plus de fric aussi, parce que, qu'on se le dise, tout n'est pas perdu!
(Et j'espère que M. Reverdy a envoyé un exemplaire de son livre à M. Sarkozy pour l'explication de texte gonflée qui analyse impeccablement un extrait de "La Princesse de Clèves...)
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L'auteur, on le sent, est lui-même professeur de lettres au lycée de Bondy. Un roman sur un quartier sensible qui se déroule dans un lycée, c'est un peu casse-gueule et peu attirant. D'autant qu'on pourrait croire que sur un tel sujet tout a été dit. Mais le choix de dérouler la journée dans l'ordre chronologique en plaçant le focus sur un acteur de l'événement ou l'autre est malin. le lecteur a tous les points de vue, chaque personnage parlant avec ses mots, son point de vue du moment. Tout sonne juste ! Autre écueil évité : aucun cliche, aucun manichéisme ni parti pris dans l'état des lieux, et même les pointes d'humour qui aident à supporter les sempiternels tracas du quotidien.
Par contre, on comprend très vite comment ça va tourner, et en même temps qu'il ne va pas se passer grand-chose (parce que sinon, si c'était un vrai drame, 320 pages, ça serait vraiment trop court !), on a l'impression qu'un tel déroulé, digne d'une tragédie, est un peu longuet. En même temps cette accentuation du côté théâtral, avec unité d'action, de temps et de lieu, correspond finalement à ce que ressent le principal protagoniste, Mo. Cela souligne qu'entre petit drame (gros dégâts matériels tout de même) et grand drame (mort d'homme), cela tient à peu de choses. Et aussi que, franchement, il en faudrait si peu pour qu'il n'y ait pas de fissure et pas de drame du tout.
Une grande qualité de ce roman est qu'au-delà de la peinture sociétale, très réussie, c'est une véritable oeuvre littéraire : déjà le côté théâtral et le découpage scénaristique de la journée. Mais aussi les nombreuses références littéraires ou musicales, et surtout la poésie qui émane malgré tout de cet univers de grisaille, à commencer par le lever de soleil sur le pont. Sans compter la poésie urbaine de Mo et les vols des pigeons du Chinois dans le ciel de Bondy. Au passage, c'est étonnant, c'est le deuxième roman de la Rentrée que je lis dans lequel les arabesques d'une nuée d'oiseaux ont une place importante (le premier était La mémoire délavée de Nathacha Appanah avec les ballets d'étourneaux du premier chapitre). Coïncidence, air du temps ?
Seul gros point faible à mon goût : les deux histoires d'amour, d'une part entre Mo et Sara, et d'autre part entre Candice et Paul, m'ont semblé assez maladroites, et pour celle des adultes, trop téléphonée.
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Chronique d'une journée ordinaire
A nouveau la magie de Babelio : un livre de la rentrée littéraire 2023 que je n'aurais sans doute pas lu sans les billets de certains « Babeliopotes » (ils se reconnaitront !) et j'aurais raté un excellent bouquin qui m'a happée de la première à la dernière ligne.
Tout se déroule au cours d'une journée à Bondy, dans le « 9.3 », le département le plus pauvre de l'hexagone. Un matin d'hiver, blafard, encore plus peut-être dans le décor improbable d'un carrefour tentaculaire sous l'autoroute A3… le tram déverse des dizaines de personnes qui convergent vers le lycée voisin : élèves, prof… Avant l'heure de la rentrée, une banale altercation éclate entre un jeune, Mahdy, et un homme… le pourquoi du comment n'est pas le sujet, mais la scène est filmée (évidemment) et l'homme bientôt identifié comme étant un flic, un membre de la BAC. Très vite, les images font le tour des réseaux : une étincelle, juste une petite étincelle…
Ce roman pouvait facilement tomber dans la facilité et s'arrêter à la seule intrigue de cet événement somme toute assez courant, dégénérant au fil des heures en une véritable émeute. Mais ce n'était pas le but de Thomas B. Reverdy, lui-même professeur dans un lycée de Seine St Denis : non, le coeur de son roman c'est de raconter une journée ordinaire (ou pas) dans un lycée. Ce lycée de banlieue parisienne, ce lycée des « quartiers » , c'est là que tout va se jouer, un peu à la manière d'une tragédie classique.
J'ai eu un gros coup de coeur pour ce roman choral où tout sonne juste. L'univers scolaire est parfaitement décrit, sans outrance : pas de manichéisme, pas d'angélisme. Elles sont loin mes années lycée mais par la magie des mots de Thomas B. Reverdy, en un instant, je m'y suis retrouvée propulsée (et pourtant, rien, ou presque, de commun entre « mon » établissement et celui du grand secours). Les profs, les élèves, les cours, la proviseure, la CPE, les surveillants, la salle des profs, la cantine... L'auteur n'épargne pas l'Education Nationale (quand je vois le nombre de ministres qui se sont succédés à ce poste depuis l'élection présidentielle…), le manque flagrant de moyens, de considération aussi mais ses critiques ne sont pas gratuites.
L'auteur installe patiemment sa dramaturgie à travers de beaux personnages : Candice la professeur de français qui vient au lycée à vélo et qui tente d'intéresser ses élèves au théâtre de Molière, Paul l'écrivain poète qu'elle a invité justement dans le cadre des ateliers théâtre, Denis le syndicaliste (le chapitre de l'AG !!) les jeunes, Sara et ses copines, et Mo, Mo qui tient toute la place dans ce roman, sans oublier tous ceux qui gravitent autour comme les pigeons du chinois....
C'est fort, c'est beau (les poèmes de Mo…, les pages magnifiques sur l'atelier de création de Paul…), c'est triste et poignant mais jamais misérabiliste, c'est plein de fureur, de bruit, de poésie, et d'amour et d'espoir.
Lisez-le.
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Quand il presse la poignée du grand secours, Paul met fin à une journée de tensions dans un établissement de Bondy. Pour une première intervention, il a eu un panel assez complet de ce qui l'attend : des collègues, des machines à café, des élèves enthousiastes et d'autres un peu moins, des mots qui claquent, qui cognent, qui bousculent et qui emportent tout sur leur passage…

En général, je ne suis pas spécialement attirée par des romans qui se passent en banlieue. Pas parce que le sujet ne m'intéresse pas, mais plutôt parce qu'on se sent toujours obligé de choisir un camp. Ici, au contraire, tout semble à sa place, sans qu'il n'y ait de bons et de mauvais, sans qu'il y ait de gentils et de méchants. C'est juste une situation qui dégénère, des profs et des élèves qui gèrent cette colère, cette lassitude, cet isolement, avec les moyens du bord, avec leurs tripes, avec les espoirs et les regrets qui font courber l'échine ou relever la tête.

La construction du roman contribue grandement à cette justesse, à l'humanité qui s'en dégage. Sur une journée, par tranche d'heure, chacun des personnages livre sa version. La tension monte, les cris enflent et les esprits s'enflamment. Il s'agissait pourtant, au départ, d'un simple mégot écrasé…

Thomas B. Reverdy signe un roman au souffle puissant, une réflexion sans jugement ni parti pris, un élan du coeur vers cette jeunesse perdue, qui a pourtant tant à offrir…
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En respectant les trois unités théâtrales et en parsemant son roman de références discrètes, Thomas B. Reverdy rend hommage à l'art et aux mots, mais aussi à nos profs. Il se faufile dans un lycée de Bondy pour une journée, une seule, où tout peut imploser, mêle poésie urbaine et rythme des cités pour parfaire l'immersion (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/10/20/le-grand-secours-thomas-b-reverdy/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Reportage de guerre en zone de non-droit ou immersion dans le quotidien de français que la République a oublié, Thomas B Reverdy situe son dernier roman dans le 9.3, à Bondy plus précisément, où la pauvreté côtoie la décrépitude et la désespérance de lieux de vie rattrapés par l'oubli et livrés à eux-mêmes.
Une journée dans un lycée de banlieue et trois narrateurs.
Mo, petit gars qui se rêve poète, Candice, prof de théâtre, et Paul, écrivain en résidence. Trois points de vue respectueux où celui de Paul joue volontiers le rôle d'ingenu et de Candide, parachuté qu'il est pour la première fois sur des territoires qu'il ne soupçonnait pas.
La journée démarre tôt, à 7h30, par une algarade entre un jeune et un quidam type facho hyperbuildé. L'incident dégénère et les deux hommes en viennent aux poings. le jeune Mo prend une photo, et il s'avère que le quidam est un policier de la BAC de Bondy.
Personne ne le sait encore, mais, sous l'échangeur routier qui jouxte le lycée, une mèche vient de s'allumer.
Tandis que la journée égrène ses cours, l'auteur nous immerge dans ces salles de classe dégradées, surpeuplées, où des hommes et des femmes parfois héroïques, parfois pleutres, parfois aigris encaissent jour après jour le mal de vivre et l'errance d'une trentaine de gueules d'ange cassées.
Le mammouth se meurt, s'épuise, s'échoue sur des plaines arides où aucun subside ni secours ne vient tenter de relever une situation moribonde. le propos n'est plus à l'amélioration, mais à la survie. Comme à l'hôpital, le service public agonise mais est prié de le faire sans remous.
Il y a infiniment de tendresse et de respect sous la plume de Reverdy. de l'amour aussi, pour ces gosses en mal d'avenir et ces adultes sous payés qui tentent de les hisser hors du marigot et de débusquer où qu'elle soit une parcelle de beauté.
Le final est à la fois tragique et tristement banal.
Sur l'échangeur routier, des milliers de voitures s'écoulent sans s'arrêter. Dans le 9.3, on y vit, on y meurt souvent, mais on ne passe pas.
C'est une journée difficile et terrifiante. L'auteur nous laisse au soir avec ce fatras d'émotions et de colères, cette poésie aussi, et cet espoir que les choses puissent changer.
Il y a urgence à sauver nos services publics, et la beauté ou la puissance de livres n'y suffira pas. Il nous faut un "grand secours", un grand sursaut. Et, si le théâtre est foutu, tant mieux. La pièce peut se jouer partout ailleurs...
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Récit d'une journée, une journée forcément particulière, à Bondy en Seine-Saint-Denis, dans un périmètre restreint entre un immense croisement de routes, d'autoroute et de voies de tramway, un pont qui surplombe le tout, une barre de dix étages avec vue sur la circulation, et une cité scolaire réunissant un collège et un lycée.
Mo, lycéen plutôt tranquille, est témoin d'une violente empoignade entre un de ses camarades de classe et un homme qui attendait le bus. le jeune partage ce qu'il a filmé sur les réseaux sociaux, et cela va faire monter la tension au fil de la journée. C'est aussi le jour où Paul, écrivain, vient animer des ateliers d'écriture à la demande de Candice, une professeure de français. Il prend conscience d'un univers aux portes de la capitale, bien éloigné de ce qu'il connaît, et pourtant, si proche.

Comme dans Il était une ville, Thomas Reverdy s'y entend pour faire vivre des paysages urbains, et ses descriptions de Bondy Nord, de son animation, de son multiculturalisme, sont parfaites de réalisme. Sa connaissance du monde lycéen est aussi évidente pour s'imaginer la cour ou les couloirs, tout autant que les salles de classe aux ambiances bien différentes selon les enseignants. L'agitation de ce jour-là commence sans doute comme celle d'un jour de janvier habituel, et l'auteur montre bien ce qu'elle a d'ordinaire, puis la pression qui s'installe et monte de plus en plus, au grand dam de la proviseure qui souhaite avant tout « ne pas faire de vagues ».
A part peut-être une romance entre des protagonistes qui naît précisément ce jour-là, mais pourquoi pas, après tout, le roman tient bien la route, rend un bel hommage aux enseignants enthousiastes comme aux autres, et frappe par sa puissance d'évocation, loin de toute caricature.
Et tiens, détail amusant, l'auteur a repris, pour la professeure de français le prénom, et même le rouge à lèvres, d'un personnage de Il était une ville !

Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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L'école devrait être la mère de nos batailles, dixit notre Président de la République.
Et pourtant, le constat que dresse Thomas B. Reverdy dans ce roman fait plutôt état d'une école laissée à l'abandon : photocopieuses dysfonctionnelles, fuite dans les toits, préfabriqués temporaires qui s'installent durablement, absentéisme et démissions galopants dans les rangs professoraux... Tout cela dans un monde tellement envahi par les Réseaux sociaux qu'il semble nous échapper.

Dans ce décor bien triste d'un lycée de Bondy en Seine Saint Denis, l'auteur installe une tension qui crescendo s'intensifie au rythme de la journée, des recrés et des heures de cours. Malgré les efforts des enseignants pour créer un environnement et une ambiances profitables à l'envie d'apprendre, de s'élever. Comme les efforts de Candice qui parvient à faire le lien entre La Princesse de Clèves ou le bourgeois gentilhomme et la réalité de la banlieue au XXIè siècle ou à faire entrer la poésie entre les murs de sa salle de classe.

Un roman en équilibre entre le constat glaçant du peu de moyens donnés à l'école et l'espoir que font naître quelques personnage engagés pour mener à bien leur mission supérieure.
J'en retiendrai notamment cette scène magnifique dans laquelle des élèves de seconde (re) découvrent, auprès d'un écrivain, le plaisir d'écrire.
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7h30 un lundi matin de janvier. Banlieue, Bondy Seine saint Denis. Laideur du lieu. Sous l'autoroute A3 "un carrefour monstrueux, tentaculaire" On imagine le bruit infernal, les odeurs nauséabondes. C'est par là que nos protagonistes arrivent pour aller au lycée.

D'abord il y a Mo jeune lycéen réservé, amoureux de Sara une fille de sa classe. Il part tôt de chez lui et, accoudé à la balustrade du pont de bondy, regarde le soleil se lever:
"Il ya toujours un moment un peu miraculeux quand ça arrive, quand on est là pour le voir. le canal est blanc comme un linceul, ciel voilé, deuil qui se traîne, de plus en plus clair, embrumé, laiteux, un ciel à croire qu'il va neiger, et puis le soleil apparaît. Il déchire les nuages, ceux de l'horizon, il les disperse, il les brûle comme une flamme brillante de soudeur qui transpercerait du coton, et le ciel autour s'enflamme, ça ne dure peut-être que dix ou quinze minutes, le vent se lève avec le jour et le ciel devient rose et jaune comme une carte postale, comme s'il n'y avait jamais eu de nuages. le soleil ouvre le ciel comme un voile. Laisse passer les anges. On voit aussi ça ici."
Ici aussi rêver est possible.
Pendant ce temps Paul se lève. Chemise blanche, boots en cuir bleu et "cheveux éparpillés" Paul part pour Bondy. Il est écrivain poète et a décroché une bourse pour animer un atelier d'écriture dans ce lycée de banlieue. Un bon plan financier qui lui permettra de tenir quelques mois.
Il va travailler avec Candice qui arrive à vélo. Candice a 35 ans, elle est célibataire et est la prof de français de Mo. Pleine d'énergie, persévérante elle croit encore et toujours à son métier. Avant les cours, entre le café et les photocopies, elle se "fait les lèvres au rouge Chanel, un rouge de toréador comme les élèves n'en ont jamais vu, un rouge de corrida". Cela accroche le regard des lycéens à sa bouche et cela l'aide à se faire entendre lorsqu'elle parle de la Princesse de Clèves ou du Bourgeois gentilhomme!
Voilà.
Unité de temps, de 7h30 à 17h scandé par les réveils, la sonnerie de fin d'un cours, le déjeuner à la cantine et l'AG;
Unité de lieu, Bondy et son lycée;
Nos trois principaux protagonistes, mais aussi de nombreux magnifiques personnages secondaires (de la CPE au prof syndicaliste).

La possible tragédie peut commencer.

Thomas Reverdy nous embarque avec un réalisme saisissant et des moments de grâce percutants dans cette folle journée.

Car tout va basculer suite à une petite étincelle, un accrochage entre un élève du lycée et un homme qui s'avèrera être un policier en civil. Une bagarre filmée et postée sur les réseaux sociaux. Au fil de la journée tout va s'accélérer pour arriver à l'émeute et au drame. Les chapitres s'enchaînent, on est happé.
Thomas Reverdy démonte cet enchaînement de faits, cette défraglation qui enfle jusqu'à l'incendie. Il montre la frustation et la violence qui couve sous la colère et le désespoir de ces jeunes.
Il nous parle aussi de ces professeurs qui croient encore que l'engagement, le savoir et la transmission de la culture sont une des réponses. Eveiller les esprits par la rencontre avec des textes. Echanger, faire confiance, confronter ses interprétations et puis s'essayer au jeu théatral, à l'écriture. Il y a de très beaux moments, par exemple lorsque les élèves et leur professeure confrontent leur analyse du Bourgeois genthilhomme ou lorsque Paul parle de l'écriture, la démystifie sous l'oeil un brin inquiet d'une autre professeure. L'école, un lieu où la parole et le débat ont leur place, où les gens s'écoutent et se respectent, où l'on peut tenter, oser.

Mais ici, ce jour là tout vacille. La violence est aussi entre les murs.

L'écriture de Thomas reverdy alterne le réalisme cru, la description précise des faits et des sentiments avec des passages à l'écriture très rythmique et musicale de textes , poétiques . Tout est profondément touchant. Un roman en équilbre sur une crête, celle d'un monde qui n'a pas encore basculé dans la noirceur totale, où l'espoir et la beauté ont encore une place grâce notamment, aux profs qui travaillent à Bondy où dans ces quartiers que la République abandonne petit à petit.

"...Des rues gardées surveillées par les nouveaux rois du quartier
Des terrains vagues où l'on ne va plus jouer
Mais c'est chez nous
Au pied des murs
Ce labyrinthe
Chez nous.
Et moi je marche seul le long des allées
Je longe les murs les trottoirs
Je remonte ma capuche et je monte le son
Je prends des rues des chemins des ponts
Le soleil se lève enfin et j'arrive
Pour venir te rejoindre..."

Un coup de coeur que je vous invite à découvrir.
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« L'embrasement des banlieues » : terrible actualité au moment où je découvre ce roman.

Dans ce texte « coup de poing », la banlieue c'est Bondy en Seine-saint-Denis (93), dans la banlieue nord-est de Paris.
Bondy et son pont, duquel l'autoroute A3 surplombe « un entrecroisement gigantesque et confus de rues (…) au milieu d'une mosaïque de terrains vagues »

Candice qui « n'a jamais voulu être prof », se rend tous les matins à vélo au lycée de Bondy. « La prof de français, elle ne s'énerve jamais pour rien, mais elle ne laisse rien passer, elle ne lâche rien » et « ils ont fini par la respecter »

Le quotidien des enseignants, c'est « l'éducation à deux vitesses, les programmes de plus en plus contraints, le baccalauréat qui n'est plus le baccalauréat, les heures supplémentaires imposées, les classes surchargées, les salaires trop bas, le blues social »

À Bondy encore plus qu'ailleurs. Mais « il y a tout de même des gamins qui donnent envie de continuer à se battre ». Par exemple Sara, qui comprend et apprend avec facilité. Ou par exemple Mo, ce gamin timide et solitaire, poète à ses heures.
Peut-être que ceux-là, à la différence des pigeons du Chinois, ne passeront pas leur vie à Bondy.

Les profs comme Candice « se démènent pied à pied pour fournir à ces gamins la possibilité d'une émancipation. » D'un ailleurs. D'un autrement. Pour eux, et aussi pour elle, la jeune enseignante de français a fait venir dans sa classe un « intervenant » extérieur. « Paul est écrivain. Poète. »

Tandis que dehors sourd la colère des grands frères qui, suite à un « dérapage » s'équipent « cagoules ou casques de moto, casquettes, capuches, battes, pied-de-biche, chaînes de cadenas, lacrymo des quartiers », déterminés à en découdre avec les forces de l'ordre, Paul explique la magie de l'écriture, qui rend tangibles l'ailleurs et l'autrement.

Tandis que dehors la révolte gronde et les voitures brûlent, la poésie s'invite entre les murs.

Mais lorsque la violence du dehors fait irruption dans le lycée, transformant l'espace protégé en zone de non-droit, Paul Le poète devient un homme d'action.

J'ai ADORÉ ce roman et le (triste mais authentique) tableau que Thomas B. Reverdy dresse des « quartiers » et de ses jeunes… plus ou moins le même topo que dans les remarquables romans de Mathieu Palain.

À mettre en balance avec une toute autre vision du métier d'enseignant (certes dans une toute autre région…) proposée par exemple par Clément Benech dans Un vrai dépaysement.
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