Qu'est-ce qui a pu pousser des chevaliers, des seigneurs, des laïcs et des clercs à faire le voyage "Outre-mer", entre le XIème et le XIIIème siècle, pour libérer les Lieux Saints de la Chrétienté au Moyen-Orient, puis à tenter de les conserver et, après leur perte en 1187, à essayer, bien en vain, de les reconquérir ?
Est-ce l'amour du Christ et la charité fraternelle invoqués depuis le début par le Pape Urbain II en 1095, à Clermont, puis par nombre de ses successeurs ? Oui, d'accord, mais qu'appelle-t-on charité dans ce cas, si se battre armes en main peut être un acte de charité ? Et d'un tel acte, qui devaient être les bénéficiaires ? Et le furent-ils dans les faits ? Cela visait-il les compagnons d'expédition et les pèlerins ? C'est bien, mais insuffisant. Les chrétiens restés en Europe ? C'est juste un réconfort de l'esprit, immédiat et momentané, soumis aux aléas militaires. S'il s'agit des Byzantins, pas vraiment, puisque la méfiance s'installe très vite entre eux et les Croisés occidentaux. le seul bénéfice pour les Byzantins fut que la submersion de ce qui restait de leur Empire par les Turcs fut juste retardée de quelques siècles, ce qui, il est vrai, n'est pas complètement négligeable - encore que les chrétiens occidentaux et byzantins eussent trouvé le moyen en 1204 d'entrer en confrontation. S'il s'agit des chrétiens d'Orient vivant en Palestine et en Syrie, oui et non, et pas toujours quand ce fut positif. Une étude plus poussée à ce sujet mériterait de voir le jour.
Jean Richard donne des éléments de réponse en livrant son analyse et sa grille de lecture des événements dans ce livre intitulé L'esprit de Croisade, mais il me semble que l'on peut laisser de côté les éléments idéologiques de tous bords qui ont permis aux combattants des deux camps, les Croisés et les "Sarrasins", de s'abriter derrière les concepts de "guerre juste" (thème qui venait tout droit de Saint Augustin), de "guerre sainte" et de "djihad" pour tenter de justifier leurs actes, car l'on s'enferme bien vite dans des idées et des croyances pour se voiler la face, et cela en tout temps et sous toutes les latitudes.
C'est le mérite de Jean Richard d'avoir positionné le problème là où il doit être situé, sans porter de jugement de valeur, en constatant juste que des hommes ont cru en ce qu'ils faisaient, convaincus d'agir pour une juste cause et de gagner sur terre, dès ici-bas, par leurs actions et leur abnégation leur place "méritée" dans le paradis, en faisant coïncider ainsi une foi naïve - et cruellement aveugle - et un certain idéal de la chevalerie teinté vaguement (?) de christianisme. Ils oubliaient seulement qu'en agissant de la sorte, il leur arrivait de se comporter en vrais barbares comme ceux qu'ils qualifiaient d'incroyants et qui les traitaient en retour d'infidèles. Ô Dieu, que de mal et de crimes l'on a pu - et l'on peut encore - commettre en ton nom.
François Sarindar, auteur de : Jeanne d'Arc, une mission inachevée (2015)
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