« Les disparus ne reviennent pas, c'est la vie ; mais quelle meilleure raison de vivre que la lutte contre le Chevalier noir ? La médecine, à sa manière, pouvait remplacer une famille perdue. »
En 1021, à Londres, le jeune Rob Cole devient orphelin à l'âge de 9 ans. Sa fratrie est dispersée et lui-même confié à un barbier-chirurgien. Sur les routes d'Angleterre, au fil des spectacles et des boniments, cet homme libre et bon vivant lui transmet ce qu'il sait de jonglerie, de potions et de soins. Or Rob a un don, celui de jauger l'énergie vitale d'un patient en lui prenant les mains, décelant immédiatement ceux promis à une mort prochaine. Au décès du Barbier, il décide de réaliser son désir profond : devenir médecin. Suivant l'exemple des mires juifs, dont les connaissances l'impressionnent, il entreprend un périlleux voyage vers l'Orient afin d'étudier à la fameuse école de médecine d'Ispahan. Bien des sacrifices et un ingénieux travestissement lui seront nécessaires pour atteindre son but...
Noah Gordon, ancien journaliste médical, a construit ce formidable roman historique autour de la figure emblématique d'
Ibn Sina (Avicenne pour les Européens) : ce savant et érudit perse enseigna à Ispahan et écrivit notamment le fameux "Canon de la médecine". Presque tout le reste est fiction, mais plausible et terriblement entraînant.
Certes, l'auteur ne lésine pas sur les drames ; des tortures ou des ravages de la peste, rien ne nous est épargné. Mais d'un autre côté, on découvre que les savants orientaux, forts de l'héritage de leurs maitres antiques (tel Galien), pratiquaient une médecine d'une surprenante modernité, comme par exemple l'opération de la cataracte par incision du cristallin.
A dos d'âne, de cheval, de chameau, d'éléphant, en chariot bariolé, en bateau ou en chaise à porteurs, c'est avec grand plaisir que j'ai suivi Rob Cole dans ses aventures et rêvé du désert ou de merveilleuses cités blanches et bleues.
Rob est aussi charismatique qu'Arnau Estanyol dans "
La Cathédrale de la mer". Au lieu de reproduire les injustices qu'il a connues, il engage sa vie pour créer un monde meilleur. Il gagnera ainsi la protection d'un chah cruel et capricieux, la confiance d'
Ibn Sina, l'amitié d'étudiants en médecine juifs et musulmans, connaîtra la guerre, la maladie, le doute... et surtout l'amour auprès de Mary, la seule femme capable de ravir son coeur.
Éloge de la diversité et de la science, "
Le Médecin d'Ispahan" est un conte humaniste avant l'heure. C'est aussi un roman que l'on quitte à regret, tant ses personnages sont attachants.