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« Dans la cour de l'école, l'ombre déployée depuis l'arrière de l'orphelinat nous parvient en flaques mouvantes. La cour, l'étroite route nouvellement goudronnée devant, les champs autour ; notre village se dissout dans ce contre-jour, se noie au sein de cette pénombre stagnante jusqu'au au coeur des étés. Tous logés à la même enseigne, paysages et habitants, tous plongés dans l'ombre de la gigantesque bâtisse, à l'exception singulière du château blanc posé un peu plus haut sur la colline et qui est la plus belle chose que j'ai jamais vue. »

Dans cet orphelinat aux portes murées, aux volets clos, un drame s'y est déroulé en 1919, toutes les pensionnaires et les religieuses qui s'occupaient d'elles ont été décimées par la grippe espagnole, alors que les habitants du village ont tous survécu. Dès ses huit-neuf ans, la narratrice se sent connectée avec ce bâtiment mystérieux et les orphelines qui y ont vécu. Elle les appelle « mes fées », « mes petites mortes », et se place en gardienne de leur mémoire alors que tout le village les a oubliées.

Les Orphelines du Mont Luciole est un roman d'atmosphère. La qualité d'écriture d'Isabelle Rodriguez, sensorielle et poétique, dessine une quête sensible et émouvante pour retrouver les paysages de l'enfance alors même qu'une fois adultes, ils ont tendance à s'effacer ou se transformer. Comment retenir les souvenirs ? L'autrice compose avec subtilité une rêverie mélancolique qui se pare de belles images, comme cette scène où la narratrice enfant vient de découvrir les tombes des orphelines :

« Je m'allonge dans la terre moelleuse, lui offre mes cheveux pour qu'ils prennent racine, ma peau pour qu'elle s'y dissolve, je m'allonge et je vois par-dessus les toits d'épine le ciel incorrompu, incorruptible, mes cils gobent les pollens, je mémorise le tempo de mes veines apaisées ici comme elles ne savent être apaisées nulle part ailleurs, je suis sûre que la terre à l'endroit de ma sieste régulière prendra la forme de mes formes, retiendra les contours de mon enveloppe de chair, peut-être un jour j'y aurai tellement dormi qu'on pourra percevoir dans les dessins du sol le flou causé par l'inspire-expire de mon souffle. »

Le texte capte la singularité d'une enfance solitaire devenue une jeune femme tout aussi hantée par le souvenirs des orphelines, fantômes qui hantent toujours son imaginaire. J'ai beaucoup aimé cette géographie émouvante à la Modiano qui décrit minutieusement les lieux et comment chacun fait replonger dans des souvenirs précis alors même que des promoteurs immobiliers s'apprêtent à faire disparaître la topographie du village. Rien que le choix des noms permet de faire s'envoler l'imagination de façon très évocatrice : le village de Sorcelin, l'orphelinat du Mont Luciole, la petite ville de Morneré, la rue Serpenton, le château des Enjoleras.

Comme tout roman d'atmosphère sans réelle intrigue à laquelle se raccrocher, il faut que ça résonne dans le lecteur. Et malheureusement, malgré ses grandes qualités littéraires, je n'ai été embarquée sur la longueur, une fois le charme initial passé. J'ai trouvé la première partie sur l'enfance trop longue par rapport à la deuxième centrée sur l'adulte qu'est devenue la narratrice. Il y a beaucoup de motifs répétés à l'intérieur de la première partie, ce qui donne l'impression d'un récit qui tourne en rond, d'autant que la deuxième partie reprend les mêmes motifs, en les déployant, certes, mais en renforçant la sensation que le texte n'avance pas vraiment. Je l'ai regretté.

Lu dans le cadre de la sélection 2024 des 68 Premières fois #4
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Avec ce titre attractif, on est tenté de faire le voyage. Au coeur d'une région française, où une usine faisait vivre toute une population, dans un petit village, Pauline nous raconte ses obsessions enfantines. L'orphelinat déserté suscite maintes questions, pas toujours élucidées, laissant le champ libre à des constructions imaginaires. Il semble certain cependant, que les fillettes qui ont vécu derrière ces murs encore visibles ont été décimées par l'épidémie de grippe espagnole du début du vingtième siècle.
Tout aussi légendaire pour la population locale, le château que Pauline s'est juré de posséder un jour.
Les recherches sur le destin des fillettes qui hantent l'esprit de Pauline sont autant de portes ouvertes sur ses propres origines, et en particulier sur son ascendance espagnole, funeste coïncidence en regard de l'intitulé de la maladie qui a fauché tant de vie.

Nostalgie d'un temps passé, conscience du temps qui passe et détruit toutes illusions d'éternité, souvenirs d'enfance fracassés sur les velléités de modernité d'un décor, le récit est assez sombre, malgré la volonté de rendre compte de l'état d'esprit d'une petite fille rêveuse.


Tout cela constitue un terreau fertile et un noyau intéressant pour dresser une intrigue attractive. Cependant, on se noie un peu dans les digressions, on peut s'agacer de nombreuses répétitions qui ne semblent pas destinées à insuffler une forme poétique au récit. Je m'y suis perdue en route et je l'ai beaucoup regretté.

208 pages Les avrils 4 janvier 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voici un premier roman qui est une véritable invitation au voyage alors même que nous allons rester en France et nous rendre dans un petit village dans les hauteurs du pays Lyonnais. Cette promenade à Sorcelin, de son vrai nom Saint Sorlin, sera l'occasion de nous plonger dans les souvenirs d'enfant et les lieux où l'imagination de l'auteure n'a pas eu de limites.

Du haut de la colline, le village est surplombé par un orphelinat de jeunes filles abandonnées depuis l'épidémie de grippe espagnole au début du XXème siècle. de la plume très poétique et visuelle d'Isabelle Rodriguez, vont alors revivre comme par magie ces orphelines du Mont Luciole auxquelles notre narratrice s'est attachée au fil des années.

Isabelle Rodriguez, par l'écriture de ce roman aborde avec une grande sensibilité la question de la mémoire pour que les jeunes orphelines et que les habitants de cette zone rurale ne soient pas oubliés malgré l'exode rural des campagnes françaises.
J'ai trouvé très intéressant d'introduire cela grâce aux souvenirs transmis par les différentes générations que la narratrice a pu côtoyer dans sa jeunesse.

Je tiens à remercier les Avrils et Netgalley France pour m'avoir permis de lire un ouvrage très beau et touchant qui rappelle à quel point il est important de laisser une place encore importante à l'imagination dans sa vie pour continuer à rêver une fois arrivé l'âge adulte...
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Vie et mort des orphelines

Dans un premier roman qui s'apparente à une quête identitaire, Isabelle Rodriguez revient dans les monts du Lyonnais de son enfance et essaie de sauver la mémoire des orphelines qu'elle croisait alors et qui furent toutes emportées en quelques jours.

Pour raconter son histoire, et celle de sa famille, la narratrice nous parle d'abord d'architecture. de ces bâtiments qui entourent la maison familiale plantée sur les monts du Lyonnais, à commencer par la grande bâtisse au sommet de la colline, l'orphelinat du mont Luciole. En fait, c'est bien plus qu'un bâtiment voué à la démolition. C'est le lieu de toutes les histoires, de tous les fantasmes aussi. Un endroit où étaient rassemblées toutes les orphelines de la région. Jusqu'à ce que la grippe espagnole, au lendemain de la Première Guerre mondiale, ne les tuent toutes, foudroyées en quelques jours avec les religieuses qui les gardaient. Après les avoir toutes enterrées, on a muré les portes d'accès, fermé ce grand bâtiment vide.
Non loin de là se dresse le château des Enjoleras. C'est là qu'une riche famille d'origine espagnole venait passer les étés et qu'elle a remarqué Marie. Sa beauté lui aura permis à la grand-mère de la narratrice de franchir la porte de cette belle demeure, puis d'accompagner ses occupants à la mer. Aujourd'hui racheté par un promoteur du coin, la propriété a été divisée en dizaines de parcelles sur lesquelles des maisons à crépi rose et tuiles romaines ont été construites «parce que les Lyonnais à la campagne aiment rêver de Provence».
C'est face à la disparition de ses souvenirs, mais aussi d'un patrimoine qu'il faut désormais se battre, car il y a encore tant à dire, tant à raconter.
Par exemple son combat pour son identité. Quand ses camarades de classe lui reprochent son patronyme espagnol «dans lequel résonne celui de la grande tueuse», alors elle s'érige en protectrice des orphelines, va rechercher leurs traces. Mais, tout comme celles de ces ouvrières qui oeuvraient dans les soieries et contribué à la prospérité de la région, elle ne recueille guère que quelques témoignages. Quand elle découvre le cimetière où ont été ensevelies les orphelines, elle va convaincre une amie de l'accompagner jusqu'à cet autre lieu, lui aussi voué à l'abandon.
Tout le roman est construit sur ces doubles pôles, celui familial avec les ancêtres canuts et historique avec la chronique des orphelines. Les deux trajectoires se rejoignant dans cette envie de préserver leur mémoire respective, de sauver les dernières traces, de ne pas tirer un trait sur ce passé désormais en voie de disparition. le style vient épouser cette quête, se parant de la poésie propre à l'enfance. Une langue qui s'appuie sur les odeurs et les couleurs, une musique qui laisse toute sa place à la sensualité. Vous l0aurez compris, ce premier roman est riche de belles espérances.



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Un peu de chauvinisme local en ce mardi conseil de janvier 2023!

On met en avant un roman de cette rentrée de janvier un beau premier roman qui se déroule dans les Monts du Lyonnais et qui rend magnifiquement hommage à cette région, à la splendeur de ses campagnes et à sa culture ouvrière.

Une petite fille grandit dans un village Sorcelin (qui n'est autre que Saint Sorlin qu'elle a rebaptisé) qu'elle adore.
Elle est notamment fascinée par cet orphelinat abandonné qui a vraiment existé, et où sont mortes des jeunes filles de la grippe espagnole après la guerre.
Elle va les chérir, leur parler, s'occuper de leurs tombes.Sa famille est issue de canuts, elle déroule le fil de leur histoire.
Plus tard elle reviendra dans le village et assistera à sa modernisation et sa transformation.
Elle fera tout pour conserver des traces de ce qu'il a été .
Porté par une écriture élégante et sensible, entre douce rêverie et une pointe de nostalgie non passéiste, Isabelle Rdoriguez, plasticienne de profession (cela se sent!) livre avec Les orphelines du Mont Luciole un récit singulier sur l'enfance, la construction de l'imaginaire, la préservation des traces, les origines .
C'est en même temps une supplique pour que les mémoires de nos campagnes ne s'effacent jamais.
Un très beau livre que les lyonnais et même les autres seront ravis de découvrir!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Gros village dans les monts du lyonnais, adossé à un énorme bâtiment qui abrita autrefois un orphelinat de filles toutes emportées par la grippe espagnole en 1919, Sorcelin végète en ce début des années quatre-vingt.
Descendante d'immigrés espagnols de très longue date, la très jeune narratrice évoque son enfance dans ce village où elle demeure encore une étrangère et surtout sa fascination pour les pensionnaires disparues de l'orphelinat. Touchée par leur destin tragique, elle imagine leur vie quotidienne et aspire à connaître les conditions de leur disparition mais l'histoire locale préfère oublier cet épisode. Et quand elle revient trente ans plus tard dans cette vallée livrée aux bétonneurs, elle n'a rien oublié de ses fantômes et comprend qu'elle avait juste laissé son enfance en suspens.
Porté par une écriture sensible et touchante, éclairé par un style original et très élégant, ce premier et troublant roman d'Isabelle Rodriguez évolue entre nostalgie d'une époque et d'un lieu et rêverie d'une gosse solitaire envoûtée par le drame des orphelines.
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"Quand je serai adulte, je prendrai le nom de ma terre pour devenir ma terre, m'appeler Marie des Bruyères, m'anoblir, devenir de Sarment, du mont Luciole. Je voudrais être née de cette argile qui adhère à mes semelles, de la boue ,de la neige , des pollens répandus sur les chemins; je suis de cette terre dans laquelle reposent les filles, je suis de leur chair dispersée, de leur mémoire dissoute jusqu'au néant. Je suis chacune des Marie venues ici, passées là, je me malaxe pour me donner forme. j'ai passé mon enfance à bercer les Marie disparues, regardez bien mes bras, musclés de leurs empreintes, regardez mieux à travers ma peau si fine que trois fois rien la blesse, que chaque ronce marque. J'ai avalé tous les fantômes que personne n'entendait. Je m'appelle Marie, comme toutes les Maries oubliées, donnez-moi le nom de mon lieu , Marie du chemin qui plonge, Marie de la croisée des bois, je décide de n'être d'ici, naître du pisé dont je chéri l'odeur , je suis Marie des blés, je me nomme moi-même pour que personne ne choisisse pour moi, je deviens mon paysage , on ne pourra plus dire que je ne suis pas d'ici."
Ce passage du premier roman d'Isabelle Rodriguez porte en lieu tout le parfum des ombres de ce récit.
Temps de l'enfance, de ses souvenirs, de ses blessures, de ses absences et de ses non-dits. Rechercher la mémoire, l'histoire des orphelines du mont Luciole, c'est chercher sa propre identité.

Astrid Shriqui Garain
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Mémoire, souvenirs,empathie
Une histoire sur les racines, sur les souvenirs.L'autrice est très attachée aux racines.Elle est à la recherche et à la compréhension de l'épidémie de la grippe espagnole qui a tuée tout un orphelinat ,et qui n a laissé aucun souvenir.Elle veut redonner une âme à ces jeunes filles.
Elle se cherche aussi,d'où vient elle avec ce nom espagnol? Tout est secret.Tout est mystère,émotion,empathie,quête d'identité.
Roman sur l'enfance, les souvenirs,les promesses. Il n'y a pas de réelle réponse mais c'est beau, poétique.
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Un petit village dans les monts du lyonnais dans les années 80; une enfant esseulée est attirée par un orphelinat abandonné dont toutes les occupantes seraient mortes au même moment de la grippe espagnole en 1818; les orphelines deviennent des amies imaginaires, qu'elle voit comme des fées protectrices. Elle leur parle, va sur les quelques tombes qu'elle a pu retrouver et leur promet de préserver l'endroit où elles ont vécu et où elles reposent. Une trentaine d'années après elle revient s'installer dans la région mais les promoteurs ont défiguré la région et l'orphelinat va être transformé en logements. Mais ce retour à son enfance lui donne la force de partir à la recherche de ses origines, de son histoire familiale qui semble venir d'Espagne comme cette grippe qui a tué ses fées.
Ce roman est construit en deux parties : la première, particulièrement développée, sur l'enfance près de l'orphelinat, la deuxième très courte comme si l'auteure refusait de sortir de l'enfance, de l'émerveillement, de l'imaginaire.
Le thème de l'héritage, de la transmission est central dans ce roman, pas uniquement familial mais aussi celui des pierres, des lieux, de celles et ceux qui y ont laissé leur empreinte. C'est une vibrante plaidoirie pour la préservation de la mémoire.
L'écriture est magnifique, poétique, imagée et nous emmène aux côtés de la petite fille dont nous partageons les émotions, les espoirs; mais j'ai, cependant, trouvé ce roman trop descriptif, j'ai regretté l'absence totale de dialogues qui auraient donné plus de vie à ce texte.
#LesOrphelinesdumontLuciole #NetGalleyFrance
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Une petite fille vit à Sorcellin. Son village, ou plutôt son hameau, c'est tout pour elle, elle l'a apprivoisé. Et son village est en dehors de l'ordinaire, elle le sait. Dominant le village, imposant son ombre, reste un vieil orphelinat pour filles. Un orphelinat dont personne ne sait plus rien, on sait juste que toutes les petites filles sont mortes. de quoi, on ne sait plus vraiment, c'était il y a longtemps, peut être la grippe espagnole. Pourtant la fillette, dans son esprit, noue une relation avec ces enfants, les protègent. Et dans sa naïveté, elle croit pouvoir lutter pour garder l'orphelinat face aux promoteurs immobiliers. Et elle est liée dans son imaginaire à ces filles. Sa grand-mère était une orpheline, elles sont mortes d'une grippe qui semble venir du pays de son père, cet étranger que la famille de sa mère n'a jamais vraiment accepté....
Dans ce livre pas de dialogue, juste la force de cette fillette qui deviendra femme, sa naïveté, sa volonté de comprendre le passé, son attachement à son lieu. C'est très bien écrit, très poétique.
Merci à Netgalley et aux éditions Les avrils pour cette lecture.
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