J'avais découvert la poésie de
Richard Rognet au travers de la lecture de son beau recueil
Élégies pour le temps de vivre. Je reviens auprès de lui avec
Dans les méandres des saisons et Elle était là quand on rentrait.
J'ai retrouvé dans ces deux livres réunis la même sensibilité, la même écriture lyrique tout en introspection et méditation.
Le regard du poète est celui d'un promeneur solitaire qui porte son regard sur le paysage forestier et montagneux où il est né et a vécu (les Vosges), traversé par les nuances colorées des saisons, les rumeurs de la lumière du soleil ou celles retenues par les étendues enneigées.
Entre impressionnisme et réalisme, en proie à ses souvenirs et à des sensations, le poète interroge son rapport au temps, à celui qui nous façonne et nous porte, avec lui toute notre enfance et les êtres chers disparus.
Traverser ces paysages, poser son regard, c'est comme aller au-devant de soi, de la vie qui nous traverse :
« […]
suis-je allé plus loin au-devant du monde ? Jamais.
C'est à ces lieux modestes et sacrés
que je dois l'infini qui m'obsède et les mots
fraternels qui hantent mes poèmes. »
Ce sont les mêmes paysages, les mêmes chants d'oiseaux, les mêmes couleurs de fleurs, la même maison devenue vide,… qui habitent les poèmes de Elle était là quand on rentrait.
Richard Rognet évoque ici le souvenir de sa mère disparue. Dans une émotion contenue avec peine, une pudeur qui touche la mémoire de celle qui dans ses derniers jours vivait encore de simplicité, de générosité, de peur aussi.
Les gestes lents, les promenades dans le jardin où l'on se rappelle du nom des fleurs, on échange des souvenirs, on parle encore, mais il se fait tard… La mémoire rappelle les derniers moments, le son de sa voix, sa silhouette, sa présence qui a quitté la maison, le silence insoutenable.
« Tu ne sais plus quoi faire, il pleut sur ta
mémoire, depuis que la mère s'est endormie
à jamais, et tu répètes ce fatal à jamais,
chaque fois que tu pousses la porte de sa
chambre où tu as rangé avec soin chaque objet
qui libère ce peu d'elle qui est resté, chaque
qui, selon les reflets du matin ou du
soir, s'allie avec l'amour qui erre dans la
maison, car l'amour, oui l'amour, demeure avec
l'odeur des vêtements qu'elle portait, la mère,
et quand tu ouvres son armoire, tu es comme
un enfant pris en flagrant délit, tu la sens,
derrière toi, qui t'observe en souriant, et
tu ne sais quoi faire, il pleut sur ta mémoire. »
Avec tout cet héritage de l'intime, l'auteur revient toujours vers la nature et ses paysages, immuables miroirs du temps qui passe. Les montagnes, les forêts, le chant des oiseaux, le soleil qui traverse les nuages,… Tout ce qui habite le regard et les sens, tout ce qui sera encore là après nous.
« le dernier jour n'était pas loin. Personne
ne l'attendait, personne. le silence, dans
la maison, fleurissait autour de nous. Les
plantes vertes touchaient, en secret, ce
qui de toi continuait à inventer des clartés
rassurantes. Derrière les rideaux, on sentait
que le ciel comprenait les tracas de la terre,
un rouge-gorge luisait sous les branches du
pin, la lumière se brisait sur les feuilles
froissées du tilleul, une pâquerette tardive
s'esclaffait au fond du jardin. le dernier jour
n'était pas loin. La montagne lâchait son ombre
noire sur la pente des prés. Un chien aboyait
au loin. On aurait voulu savoir où va la vie. »
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