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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Intrigué par un court passage digressif des Misérables, Olivier Rolin a entrepris une enquête remarquable, qu'il qualifie humblement de « note en bas de page » du célèbre ouvrage. « Les livres servent à en susciter d'autres » écrit-il. le sien est d'une précision chirurgicale, fruit d'une documentation titanesque, et nous plonge en plein souffle révolutionnaire au XIXe siècle.


Au début du cinquième tome des Misérables, celui où Gavroche tombe sous les balles des gardes nationaux, Victor Hugo fait une digression sur les « deux plus mémorables barricades » qu'ait connu l'histoire sociale, non pas pendant l'insurrection républicaine de 1832 qui sert de cadre à son roman, mais plus tard, lors de la révolte ouvrière de juin 1848, peu après la proclamation de la IIe République. Barrant l'entrée du faubourg Saint Antoine et l'approche du faubourg du Temple d'une hauteur atteignant de deux à trois étages, ces « Charybde » et « Scylla » furent édifiées par deux chefs révolutionnaires, selon Hugo des antithèses l'un de l'autre – l'herculéen et tonitruant Frédéric Cournet, ex-officier de marine, et le « maigre, chétif, pâle » ouvrier Emmanuel Barthélemy, « une espèce de gamin tragique » –, qui, proscrits à Londres, finirent par s'entretuer en duel trois ans plus tard. C'est en l'occurrence le malingre qui eut raison du colosse.


Olivier Rolin qui, ancien militant d'extrême gauche investi dans l'organisation de sabotages, enlèvements et intimidations dans les années 1970, a écrit depuis sur la perte et la nostalgie de l'idéal révolutionnaire, était sans doute prédisposé comme personne à relever l'aparté de Victor Hugo et à s'intéresser de plus près à ces deux meneurs insurgés qui ont marqué le grand homme avant de tomber dans l'oubli. Son souci d'exactitude lui fait explorer d'une façon quasi maniaque la moindre trace, si ténue soit-elle. La littérature – Hugo, Balzac, Sue, Gauthier, Dickens et bien d'autres –, mais aussi la peinture, l'aident à superposer lieux et atmosphères d'alors à ceux et celles d'aujourd'hui. « La recherche de ces traces qui sont, avec la littérature, ce qui reste d'une ville disparue, est une activité d'essence mélancolique, mais qui ne va cependant pas sans une excitation d'autant plus grande qu'elles sont minuscules. »


Parfois, les informations manquent, ou se contredisent, le génie hugolien n'étant pas le dernier à prendre des libertés avec les détails réels pour parfaire son matériau romanesque. Scrupuleuse, la narration annonce ses limites, avance ses hypothèses, avoue ses erreurs, le tout dans une reconstitution qui reste fluide, se teinte d'humour, et surtout réussit à redonner vie à ses deux personnages historiques, sans les dénaturer, avec une intensité d'autant plus impressionnante que les indices sont rares, disséminés, et que les réunir relève de l'exploit. Et puis, l'on sait depuis le début que ces deux-là vont en venir à la confrontation. Attendue dans un certain suspense, cette partie du récit, avec le duel, la fuite, d'autres coups de feu meurtriers, une arrestation mouvementée et une exécution capitale n'a rien à envier aux péripéties d'un polar, captivant, immersif, véridique.


C'est admiratif que l'on referme cet ouvrage intéressant, modestement construit avec les copeaux laissés par le temps à travers lieux et littérature, et qui parvient magistralement à faire revivre dans toute leur authenticité les figurants d'un grand roman classique.

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Le saviez-vous ? le dernier duel livré en Angleterre, le fut entre deux français en octobre 1852. Duel au pistolet, jusqu'à ce que mort s'ensuive, entre Emmanuel Barthélemy (Ouvrier-mécanicien, blanquiste) et Frédéric Cournet (ex-officier de Marine, partisan de Ledru-Rollin).
Olivier Rolin, lisant les Misérables de Victor Hugo, se souvient d'un passage où le grand écrivain évoque ces deux personnages, deux personnages romanesques, mais qui ont pourtant réellement vécus. En effet ils étaient tous deux meneurs sur les barricades de l'insurrection parisienne de juin 1848. C'est là, certainement, que Victor Hugo les croisa, dans le tumulte de ces journées révolutionnaires, dont il fut l'un des protagonistes.
L'auteur, mène une enquête sérieuse ; il consulte les archives, il relit Hugo et Dickens (il les relie aussi ! 😉), il se rend sur les lieux des évènements … Certes il ne fait pas un roman, mais c'est tout comme. Son récit nous plonge dans la première partie du 19e siècle, dans ce Paris pré-haussmannien où les insurrections populaires se multiplient. Bien sûr on pourra réviser un peu l'Histoire de cette période, car parmi les différents partis « socialisants », on ne sait plus qui sont les modérés et qui sont les plus « enragés ». On assiste à des procès, à des séjours au bagne, à une évasion. On visite le Paris d'alors, Londres aussi. Assiste-t-on à un assassinat ou à un meurtre (l'un ou l'autre c'est une question de justice). Et puis on saura tout des règles d'un duel, en bonne et due forme et jusqu'à ce que mort s'ensuive. Bref c'est l'Histoire de cette époque à travers le destin de ces deux hommes, c'est deux aventuriers engagés.
Comme à son habitude Olivier Rolin digresse, et il l'assume, c'est son style qui veux ça. Un style vif, direct, fluide.
La dernière phrase de ce récit est une citation d'Hugo, qui dit, mais beaucoup mieux, que Barthélemy était un anarchiste qui s'ignorait. Alors je note ici l'avant-dernière phrase d'O. Rolin : « Les livres servent à en susciter d'autres, et si inférieure et chétive soit leur descendance, peu importe : le mouvement de l'imagination, de l'écriture, de la lecture, se poursuit, qui est la vie même, la vrai vie, a dit un autre »*. C'est beau, non ?
Allez, salut.
P.S. : * pour étaler un peu ma petite culture, je pense que Fernando Pessoa a écrit quelque chose comme ça, mais peut-être (sans doute), d'autres l'ont dit aussi …
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Ouvrez "Les Misérables", cinquième partie intitulée Jean Valjean, livre premier, chapitre premier. Il y a là une digression de quelques pages que Victor Hugo consacre à deux gigantesques barricades élevées pendant la révolution de 1848. L'une d'elle était dirigée par un certain Cournet, l'autre par Barthélemy. le sort de ces deux là est expédié en quelques lignes à la fin du chapitre : exilés l'un et l'autre à Londres durant le Second Empire, Cournet sera tué au cours d'un duel par Barthélemy, lequel sera plus tard pendu par la justice anglaise à la suite d'un crime. le roman de Hugo ne reviendra plus sur ces personnages.
Olivier Rolin, titillé par la curiosité, mène l'enquête. Il revient sur la jeunesse de ces deux révolutionnaires : Cournet ex-officier de marine, fantasque, emporté, "le plus cordial des hommes, le plus redoutable des combattants" (selon Hugo), mais protégé par ceux de sa classe, et Barthélemy, pur prolétaire, assoiffé de justice, "espèce de gamin tragique" (encore Hugo). Il connaîtra même le bagne dont l'auteur nous dresse un tableau saisissant.
L'enquête d'Olivier Rolin est passionnante, tant dans ses tableaux du Paris révolutionnaire que du Londres populaire, ses références à Hugo – omniprésent, on se demanderait presque si ce n'est pas lui le personnage principal du livre - sont pertinentes, et au passage, mine de rien, de temps en temps quelques réflexions personnelles et des clins d'oeil au lecteur sont semés pour alléger le récit.
Voilà une enquête cousue main, aux multiples références, Hugo, Dickens entre autres, un livre engagé (on voit où va la sympathie de l'auteur). L'auteur s'empare de quelques lignes anodines glanées dans "Les Misérables" et nous offre une belle plongée dans les milieux révolutionnaires du XIXe siècle.
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Un "spin off" des Misérables de Victor Hugo centré sur deux personnages ayant dirigé deux barricades lors des émeutes de juin 1830. Un voyage étourdissant d'érudition dans cette époque troublée avec l'avènement du Paris haussmannien, un petit tour au bagne de Brest, une visite plus longue du Londres dickensien et des proscrits français annonçant celui du Guignol's Band célinien, jusqu'à la potence invitant à "danser la danse sans sol" en passant par un duel sur pré anglais. Personnellement, ça ne m'a pas ennuyé une seule seconde même si Olivier Rolin ne boude pas son propre plaisir tout au long du périple en relevant même à la toute fin - avec une certaine impertinence - une légère incorrection du monument de la littérature qu'est Victor Hugo.
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"Et maintenant, je vais me permettre une petite digression. Hugo me l'aurait pardonnée. D'ailleurs, comme il l'écrit dans le chapitre des
Misérables qui nous occupe : « Là où le sujet n'est point perdu de vue, il n'y a point de digression. »
Jusqu'à ce que mort s'ensuive n'est que cela, ce n'est que digression, digression tout d'abord à partir de quelques lignes seulement dans les Misérables. Hugo décrit les chefs de deux barricades, pour, comme souvent chez lui, montrer que leurs contraires les rapprochent. Et, sur ces quelques lignes, le Narrateur démarre une véritable enquête. C'est une enquête, oui, car il part sur les lieux, il les arpente, il les décrit, il voyage jusqu'en Angleterre pour comprendre. Il se renseigne aussi sur les sources, lit des articles, des comptes-rendus d'audience, des délibérations de tribunaux... C'est donc presque un travail d'historien, puisqu'il cherche - au sens premier - la vérité à partir de sources. Mais c'est une enquête subjective, le Narrateur intervient, prend parti, juge ces êtres réels qui sont devenus ses personnages de littérature. Il juge donc "son casting", regrettant qu'il n'y ait pas assez de femmes et pas assez d'amour, jugeant le physique de ceux qui sont devenus ses héros. Digressions donc, petites et longues, comme lorsqu'il évoque les magasins et restaurants venus du monde entier dans certaines rues de Paris, ou lorsqu'il évoque les corbeaux de Notre-Dame de Paris.
En astronomie, le mot "digression" désigne l'angle d'une étoile par rapport à un pôle. Je ne comprends pas tout, mais Hugo aurait sans doute aimé cette définition qui convoque le ciel et l'infini. le pôle, c'est lui, c'est son écriture, ses pages géniales et immortelles. Et Jusqu'à ce que mort s'en suive, c'est l'astre qui s'en éloigne, tout en prenant les Misérables pour référence. Les personnages eux-mêmes, ces deux hommes si différents par le physique, par l'origine, par les idées, mais pourtant si proches par l'engagement et l'idéal. Je ne connais pas l'oeuvre d'Olivier Rolin, mais il rend un bel hommage à Hugo, avec sa propre écriture faite d'interventions amusées et légèrement distanciées du Narrateur, tout en faisant le portrait de deux hommes qui avaient foi en l'avenir, animés par l'idéal.
Olivier Rolin fait écho à plusieurs autres héros de la littérature du XIX ème siècle, qui lui permettent de composer deux portraits riches de toutes leurs complexité : l'enthousiasme d'Enjolras, l'ambition de Julien Sorel et de Rastignac, les yeux ardents du révolutionnaire Ferrante Palla, la force brutale de Vautrin, la misère des héros de Dickens...
Cette oeuvre est donc riche de références plus ou moins implicites, de faits historiques, de portraits de révolutionnaires. Même si on se perd un peu parfois dans les querelles idéologiques des révolutionnaires français en exil à Londres, l'écriture incise et spirituelle - le Narrateur le dit lui-même, il ne va pas imiter le style de Victor Hugo, c'est impossible - est agréable et instructive.
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