Mais l'artiste véritable est celui qu'une sensibilité, plus profonde et plus riche, élève au-dessus de l'humanité médiocre et qui a reçu le don de projeter sa personnalité dans des œuvres tout imprégnées de lui-même. Étranger au milieu des hommes qui se dérobent à la communion à laquelle il les convie, il souffre de son isolement et se replie sur lui-même : il est, tout de même, le prêtre de la religion de l'art.
L'âge romantique ! Jeunesse, ardeur, une foi généreuse dans l'art, des passions excessives. Parmi des fièvres, des exagérations, des erreurs une période vraiment riche en idées, en hommes, en œuvres. Je voudrais évoquer brièvement sa physionomie, dire les circonstances de son évolution, dégager quelques traits essentiels, retrouver les liens intimes qui ont uni des manifestations tumultueuses et complexes.
Le Romantisme littéraire a été, depuis quelques années, l'objet de grandes colères et de violentes polémiques. C'est qu'il a été tenu pour responsable de tendances religieuses, politiques ou sociales, objets de réprobation ou d'enthousiasme. L'art romantique n'a pas été pris à partie, peut-être parce qu'il a paru inoffensif. Pourtant il n'est pas possible de dissocier les deux mouvements.Ils sont liés, non par le hasard de camaraderies personnelles entre quelques peintres et quelques poètes, mais parce que, dans des ordres différents, ils procèdent d'une origine unique.
Qu'est-ce donc que le Romantisme ? Pour le définir, je me trouvai d'accord avec ses ennemis que leur haine a rendus clairvoyants. Il se caractérise, avant tout, par la prédominance de la sensibilité sur la raison. Dominer ses passions, s'appliquer à clarifier ses idées, agir avec logique, rechercher des délectations intellectuelles, c'est se comporter en Classique.
Le culte de la raison donne le sens de l'ordre.Les Classiques acceptent des chefs et se groupent volontiers en cohorte.Les Romantiques cultivent leur moi ; la liberté leur est nécessaire ; ils la chérissent avec ses périls; ils ne pourront donc former d'école.