Citations sur Que font les rennes après Noël ? (80)
Les animaux, même s’ils n’en expriment pas le souhait, peuvent bénéficier de l’euthanasie. Les hommes en revanche, même s’ils en expriment vivement le souhait, n’ont jamais le droit à un tel traitement. Donner son avis ne sert donc strictement à rien et mieux vaut, comme les animaux, se taire. Pour que la frontière entre les hommes et les bêtes ne fasse aucun doute, on s’expose à de terribles incohérences.
Le conditionnement consiste à apprendre à un animal donné à faire ce qu’on lui demande sans avoir besoin de le torturer et comme s’il agissait de son plein gré. C’est un travail d’apprentissage long et difficile que le manipulateur préfère, de loin, à l’usage de la violence et des coups. Personne n’aime avoir le rôle du méchant.
Dans la nature, les animaux n’ont pas le temps de s’ennuyer. Ne pas mourir, se défendre, se cacher, se protéger et se nourrir exige une grande vigilance, de la promptitude, de la ruse, un sens de la prévision, toutes sortes de qualités que les animaux doivent déployer dès leur plus jeune âge et qui occupent entièrement leurs journées. Mais en captivité, l’éventail des activités possibles se réduit de manière drastique. Un ours qui passe habituellement huit heures par jour à chercher sa nourriture mettra dix minutes pour finir sa gamelle. Le reste du temps, il n’a rien à faire, sa cage est ronde alors il tourne en rond, il prend des gestes stéréotypés, il s’ennuie, si on ne veut pas qu’il dépérisse, il faut lui trouver quelque chose à faire.
La libido sciendi remplace la libido tout court, l’étude recouvre, l’étude compense, l’étude soigne, l’étude console, l’étude retarde, elle détourne le désir de son objet de sorte que vous mettez des années à comprendre exactement quel est cet objet et comment vous pourriez l’atteindre.
Vous auriez aimé jeter vous-même le canari dans le vide-ordures de la cuisine après l’avoir emmailloté dans un linceul blanc. Cela vous aurait permis de donner de l’épaisseur à l’existence passée de cette petite bête.
Le monde est un tissu de mots, nous sommes tout entiers protégés et maintenus en vie par les moyens à la fois coercitifs et maternels du texte.
Après avoir quitté le lycée pour entamer des études supérieures, vous ne revenez pas en arrière, ni ne gardez de liens avec les camarades que vous fréquentiez. Vous décidez de commencer une vie nouvelle, de garder pour vous seule ce qui a précédé, de n'y faire aucune allusion, de ménager en vous des espaces clos entre lesquels il sera impossible de communiquer.
Cela vous permet de prendre du recul, d'élaborer des stratégies de retrait, de construire des barrières de protection, des digues, des palissades, des fortifications, des remparts. Vous vous repliez, vous vous cachez, vous vous séparez, vous vous absentez, vous expérimentez le silence.
Votre désir d'humanité est à peu près équivalent à votre désir d'animalité. En réalité, il est absolument impossible de les distinguer. Vous avez peur.
A un moment de doute et d'incertitude, vous vous sentez prisonnière mais votre prison n'a pas de nom, pas d'épaisseur, pas d'étendue, pas de volume, pas d'odeur, pas d'entrée et pas de sortie. Comme disent les biologistes, la situation est anxiogène.
Depuis que l’Etat a refusé de financer la rénovation du zoo, un appel d’offre a bien été lancé, mais les entreprises tardent à se porter candidates pour un établissement dont il est avéré qu’il ne rapportera pas assez d’argent, même remis à neuf, pour couvrir les frais colossaux de rénovation. Le seul espoir, pour motiver les entreprises à investir, serait qu’un président de la République s’empare de ce projet et, après le musée des Arts Premiers, le musée d’Art Moderne et la Grande Bibliothèque, décide de donner son nom à ce chantier.