Comment
Jean-Jacques Rousseau a-t-il pu apprécier ses promenades avec un esprit aussi encombré par sa propre fatuité ? Sans juger de la pensée de l'homme, qui lui a valu nombre des maux qu'il évoque dans Les
Rêveries du promeneur solitaire, j'ai rarement autant lu de ouin-ouin.
Exclu d'une société qu'il fuit, ce recueil de promenades le montre misanthrope, atrocement torturé par ses pensées et craignant les officines de son temps. Frappé par la maladie de pierre, il fuit de France pour la Suisse, de Suisse pour l'Angleterre, et enfin d'Angleterre, où il s'est disputé avec l'empiriste
David Hume, à Paris. Il y compose ses premières Promenades, pleines des aigreurs d'un homme que les errances n'ont que trop abimé. Elles sont particulièrement salées pour ses tourmenteurs. C'est enfin à Ermenonville qu'il parachève son oeuvre et que s'achève sa vie.
Les promenades sont l'occasion pour
Jean-Jacques Rousseau de confronter ses réflexions à l'expérience de sa vie. Il pense le rapport à Dieu, il pense le calme, l'oisiveté et le repos de l'esprit, il pense évidemment le prix à payer pour être en rupture avec une société différente et des courants intellectuels différents.
Le problème, c'est qu'il ressasse encore et encore et encore la même litanie. le lire se plaindre n'a définitivement pas été ma tasse de thé.
Seuls les passages où il parle d'herborisation, où il s'évade vraiment de la geôle de ses turpitudes, ont trouvé saveur à mon goût. J'ai aussi plus ou moins apprécié la promenade sur le mensonge : il y distingue les mensonges condamnables des mensonges qui ne le sont pas. A se demander s'il avait quelque mensonge à se reprocher ?
Pourtant, apparemment, il aimait cette solitude, ces moments seuls avec la nature, comme il l'a partagé avec certains de ses contemporains. Il n'en ressort rien de cela, il ne m'est pas apparu contemplatif ou émerveillé, seulement aigri. Il demeure que ce carnet de pensée constitue le journal intime d'une éloquence toute particulière d'un homme extraordinaire. Un coeur aigri, mais un coeur quand même, qui se livre dans ses beaux atours comme dans sa fièvre destructrice. Rêveries d'un promeneur solitaire n'est malheureusement pas un hommage digne de celui qui a composé Discours sur l'origine des inégalités et
du Contrat social.
En tout cas, je ne conseillerai pas de faire lire par de jeunes esprits. Rien de mieux pour faire fuir les gens qu'un bonhomme qui se plaint, ça va bien à un moment !