Asmara et les causes perdues

En 1985, en corolaire de la guerre d'indépendance Erythrée versus Ethiopie, une organisation humanitaire européenne envoie une équipe à Asmara afin d'organiser leur intervention dans la zone Sud de Rama ou une terrible famine est encours.

Au delà du roman qui se monte et met en oeuvre l'histoire de la colonisation italienne, l'architecture ruinée, les locaux, les expats, les débrouillards, la corruption, les marchands et les jolies filles, l'intervention d'une ONG dans un conflit intérieur national devait être un sujet extrêmement passionnant, délicat, multifacettes, complexe. Les intérêts avoués et non avoués des uns et des autres, la géopolitique, l'équilibre des forces, la complexité de la notion d'aide et de secours, la sociologie des acteurs (passifs ou actifs) demandent une réflexion et analyse factuelle, fouillée et très argumentée.

Le roman prend le pas, le récit reste superficiel, c'est à mon avis un acte manqué. L'auteur issu du monde des ONG aurait du profiter de ce roman pour faire ce travail d'enquête : finalité, éthique, sensibilité politique, relation au pouvoir, diplomatie, finance, engagement de ces organisations avec une tentative d'explication du fragile équilibré entre celui qui donne et celui qui reçois.
Si parler au non des populations locales est toujours un exercice délicat, J-C Rufin aurait, au moins, du travailler de façon plus rigoureuse la partie qu'il aurait du maitriser : celui des donneurs.

Pour la complexité de ceux qui reçoivent, Nurrudhin Farah est un écrivain incontournable, à lire absolument, rares sont les livres d'une telle intensité (Territoires, Dons et Secrets, coll. le Serpents à plumes).