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3,7

sur 1013 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'aime le roman historique, depuis la lecture des mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar, il y a une vingtaine d'années maintenant. Ce goût ne se démentira pas avec le tour du monde du roi Zibeline de Jean-Christophe Rufin. J'y ai retrouvé la puissance narrative, qui m'a complètement transporté sur les traces d'Auguste Benjowski, cet aventurier totalement absent de ma carte personnelle des grands explorateurs. Je la croyais pourtant pleine des principales épopées. La postface livre la part d'imaginaire de l'auteur et celle de l'Histoire, l'occasion de comprendre la construction des personnages. Le choix du récit à deux voix, d'un couple résolument moderne nourri par la philosophie des lumières, en avance malgré tout sur son époque participe à l'alimentation de la veine romanesque ...
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Pourquoi cet aristocrate hongrois, Benjowski, n'a-t-il jamais cessé d'être diffamé par les mémorialistes français ?
Peut-être parce qu'il professait un respect des Noirs de Madagascar, dont il est devenu le roi durant une courte période, mais durant laquelle il oeuvra si bien pour leur progrès, leur confort et leur liberté que les Malgaches le célèbrent encore maintenant.
Les Français aisés du temps de Louis XV se targuaient de vivre selon l'esprit des philosophes, mais les ministres, eux, ne pensaient qu'au profit et à ce commerce des esclaves dont Madagascar fournissait une bonne partie.


Rufin signe ici un roman ou plutôt une biographie romancée de cet homme sage qui, depuis son exil aux confins de la Sibérie, le Kamtchatka, où il a rencontré la femme de sa vie (fille du gouverneur), à la toute jeune Amérique indépendante de Benjamin Franklin, a connu une infinité d'expériences de toutes sortes.
Orphelin de mère très tôt, perdu dans ce froid château aux confins de la plaine hongroise, il vécut une enfance « d'une grande tristesse ». Puis vint Bachelet, un Français admirateur des philosophes, qui pendant trois ans lui enseigna la langue française, la bienveillance, l'égalité et la liberté. Cette leçon de vie le guidera jusqu'à sa mort.
Arrêté par les Russes et exilé en Sibérie, il s'échappa donc, et parcourut les mers, du détroit de Bering à Formose, en passant par Macao. La France, finalement, lui confia une mission : s'occuper de Madagascar et y faire fructifier le commerce, mais un lourd malentendu envenima ces relations, malentendu enraciné dans le mépris des indigènes de la part des hommes politiques français. Il alla même trouver Benjamin Franklin pour lui conter ses aventures et lui demander de l'aide.


Et nous voilà au propos de ce roman, un long monologue ou plutôt deux longs monologues alternés relatant la vie de Benjowski par lui-même, Auguste, et par sa compagne, Aphanasie. A vrai dire, ce procédé d'une « conversation » entre ce couple et Benjamin Franklin m'a paru très artificiel ; je trouve dommage que Rufin, qui écrit très bien, ait choisi ce type de narration ; mais très vite, je suis passée outre car l'esprit De Voltaire et de Diderot hante ces pages pleines d'aventures et de rencontres enrichissantes, stupéfiantes ou navrantes.


Je recommande la lecture de cette histoire vraie construite à partir des notes de Benjowski lui-même. Bien sûr, c'est romancé, bien sûr, Rufin y a mis beaucoup de lui-même, mais quel plaisir de faire le tour du monde en compagnie de cet homme empli des idées des Lumières et de cette femme audacieuse, préfiguratrice du féminisme !
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Ceux qui me suivent savent qu'entre Jean-Christophe Rufin et moi, c'est du sérieux. Alors son nouveau roman, j'ai certainement été la première à l'acheter et je l'ai croqué tout cru sans même lui laisser le temps de s'habituer à sa nouvelle demeure. Il faut dire qu'on est dans la veine que je préfère chez lui, le roman historique assaisonné d'une dose d'aventures et du regard à la fois curieux, admiratif et bienveillant que l'auteur porte sur les explorateurs, les défricheurs, ceux qui n'hésitent pas à faire du monde entier un terrain de découverte et d'enrichissement culturel.

On retrouve ici les thèmes déjà mis en avant avec bonheur dans Rouge Brésil, L'Abyssin et même le Grand Coeur. L'ouverture sur le monde, l'opposition entre volonté d'asservir ou de coloniser et celle de comprendre et respecter l'autre, tout ceci porté par un personnage fort et une figure féminine bien décidée à casser les codes et dépasser le rôle que l'on voudrait lui assigner. Car la mondialisation vue par Jean-Christophe Rufin est synonyme de promesses, d'apprentissages, d'enrichissement intellectuel et d'émancipation. A condition d'être curieux de l'autre et de ne pas le mépriser ou vouloir l'asservir.

A partir de la biographie d'Auguste Benjowski, le voyageur le plus célèbre du 18ème siècle, l'auteur bâtit un roman d'aventures à la langue délicieusement classique et aux ressorts narratifs qui tiennent de la grande tradition des conteurs dont la plus célèbre d'entre eux demeure Shéhérazade. Il imagine la rencontre entre Benjamin Franklin alors vieillissant et condamné à voir défiler chaque jour nombre de solliciteurs dans sa demeure de Philadelphie, et Auguste accompagné de sa femme Aphanasie. le vieil homme, auréolé de sa contribution à la rédaction de la constitution des jeunes Etats-Unis est intrigué par ce couple dont le parcours est pour le moins inhabituel. Auguste est né en Hongrie, a rencontré sa femme en Sibérie, parcouru les mers et les terres australes avant d'être nommé roi de Madagascar. Subjugué, Franklin écoute pendant plusieurs jours les voix d'Aphanasie et d'Auguste alterner le récit de leur vie mouvementée avant d'en venir au motif de leur visite.

Et forcément, le lecteur est tout autant subjugué, passant d'une région du monde à une autre en plusieurs années (pas d'avion au 18ème siècle, et encore moins de moteurs sur les bateaux...) et revisitant une époque où le monde était encore à découvrir. Fort de l'enseignement de son précepteur français, riche des idées de Voltaire, Diderot et Rousseau, Auguste développe ses contacts et pose des jalons dans de nombreux endroits du monde avec l'espoir de créer des relations commerciales et diplomatiques. Mais c'est oublier un peu vite que les desseins des Etats qui pilotent ces expéditions ne sont ni pacifiques ni dénués d'arrière-pensées.

"Cette ignorance lettrée me fit faire en moi-même maintes réflexions : je pensais à Bachelet qui insistait sur la relativité de notre savoir et la nécessité, pour parler du monde, de le connaître. Ce roi si assuré sans doute dans ses jugements ne commettait-il pas les mêmes erreurs que nombre de nos philosophes qui dissertent sur le monde sans avoir vu autre chose que leur voisinage ?"

Des attitudes et des questionnements qui font écho à ceux qui persistent de nos jours et mettent en avant des approches éminemment différentes sur nos façons d'appartenir au monde.

Mais ce roman est aussi une très belle histoire d'amour (il est vrai que Jean-Christophe Rufin conçoit rarement ses histoires sans apporter à son héros les ressources d'une femme hors du commun) entre Auguste et Aphanasie qui bravent toutes les convenances pour être en accord avec leurs valeurs et la façon dont ils conçoivent leur amour.

Encore une fois, le cocktail est bien dosé et convaincant. A partir d'une base documentaire solide, les ingrédients romanesques emportent le morceau et font du couple formé par Aphanasie et Auguste des héros aussi attachants qu'inspirants, portés par le souffle de l'aventure.

Alors ? Vous embarquez ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Vous adorez les romans d'aventures ? L'histoire ? Vous rêvez d'être transportés dans les siècles passés ? Alors lisez sans plus attendre le dernier roman de Jean-Christophe RUFIN ! Ce sera juste un régal pour vous car tout cela se trouve dans « le tour du monde du roi Zibeline ». A la seconde où vous ouvrez ce livre, vous traverserez les siècles pour vous retrouver au fameux siècle des lumières.

Ceci est l'histoire romancée de Maurice Auguste Benjowski, jeune noble d'Europe centrale, contemporain de Voltaire et de Rousseau et qui sera longtemps l'un des aventuriers et voyageurs le plus célèbre du 18ème siècle. Né en Hongrie en 1746 dans un lugubre château des Carpates, Auguste vit une existence d'une grande tristesse et fermée au monde.
Jusqu'au jour où pendant trois ans, il sera instruit par un précepteur français du nom de Bachelet. Fervent adepte de Diderot et de Rousseau, ainsi que de la liberté quelle qu'elle soit, celui-ci va lui enseigner la philosophie française et lui apprendre combien le monde est vaste et combien il est nécessaire de le découvrir. Suite au renvoi de Bachelet, Auguste décide alors de s'engager dans l'armée et de fuir cette vie terne et morose.

Une vie extraordinaire sur terre et sur mer commence alors pour lui : déporté au fin fond de la Sibérie, où il rencontrera sa future femme Aphanasie, grand amour de sa vie, en passant par l'Alaska, Macao en Chine, la France pays cher à son précepteur si avide de liberté, et bien d'autres lieux encore pour devenir après maintes péripéties et turpitudes finalement roi de Madagascar.

A partir des Mémoires et de la biographie d'Auguste Benjowski, Jean-Christophe RUFIN nous livre avec grand talent une magnifique épopée, ou plus exactement il nous « conte » une histoire merveilleuse. A travers un nombre incalculable de rebondissements, nous suivons avec délectation la vie de cet aventurier et de sa femme. Car ce livre n'est pas seulement un roman d'aventures mais c'est aussi une extraordinaire et très belle histoire d'amour entre Auguste et Aphanasie teintée d'un romantisme extrême.

Nous retrouvons à travers cette histoire les thèmes chers à l'auteur déjà abordés dans ses précédents romans tels que Rouge brésil, l'Abyssin ou même le Grand Coeur : l'ouverture vers le monde mais avec ce désir de colonisation et de soumission des peuples qui opposent les plus grandes puissances de cette époque (et encore de nos jours…), ainsi que les doutes que peut avoir l'auteur en l'humanité.

Bref un pur moment de bonheur !!!
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Ne boudons pas notre plaisir ! Il y a du Zévaco, de l'Eugène Sue, presque du Jules Verne et même un zeste de Dumas dans ce Rufin là.

Comme à l'accoutumée, son dernier opus est emprunt d'une élégance rare augmenté d'une rudesse charnelle émaillé de péripéties digne d'aventuriers des plus endurcis.
Charmante nouveauté cependant, c'est à deux voix qu'il déroule avec dynamisme l'histoire rocambolesque de ce couple rayonnant.

Benjamin Franklin sera le réceptacle de leur incroyable mais réelle épopée.
Tel un paratonnerre, il absorbera, pour son plus grand bonheur les éclairs de génie et les orages de ce duo éclatant.

Jugez plutôt : Depuis la Hongrie, Auguste Benjowski, tel un mini-Strogoff traversera la Russie jusqu'au Kamtchatka, pays des fourrures où il fera chavirer, sans le vouloir, le coeur d'une « belette » nommée Aphanasie. Pas mal pour le futur roi Zibeline.

Tous deux et une poignée d'acolytes s'échapperont jusqu'à Paris en passant par le Japon,
la Chine et Macao. C'est un Rufin caméra au poing !

C'est en mission pour le roi de France qu'ils partiront à Madagascar où le charismatique Auguste, contre toute attente, pacifiera la contrée : « J'étais tout entier envahi par cette autre passion qui se partage le coeur de l'homme avec l'amour de la liberté : le bonheur de servir. »

Autant Auguste demeure dans l'action et les déplacements, autant Aphanasie donne de l'humanité et de l'épaisseur aux personnages et aux faits : « Ainsi, j'ai vu des hommes se voler, se battre, faire l'amour, mourir. Je me nourrissais de scènes, consciente que la vie me faisait le redoutable cadeau de m'initier à ses secrets alors que certains passent toute leur existence sans même les soupçonner. »

Leur destinée s'achèvera-t-elle sur une colonie libre en Afrique ?
« Aujourd'hui ils avaient tout connu et tout quitté, pour trouver quoi ? le bonheur ou une chimère ? »

Auguste fut l'aventurier le plus célèbre du XVIIIème siècle et peut-être aussi le plus vite oublié… Mais qu'importe, son vécu demeurera intact : « Sur le moment, quand on vit de telles passions, on s'en plaint. Mais à l'heure de quitter cette vie, croyez-moi, ces souvenirs là sont les plus délicieux. »

Jean-Christophe Rufin m'a une nouvelle fois émerveillé avec ses phrases tellement bien construites que vous pouvez être, méfiez-vous, projeté à votre insu dans le livre dont vous « croyez » être le héros.
Même pas mal !

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Très énigmatique, un rien caricatural, le titre annonce la couleur, celle d'un récit de voyages et d'aventures. Le roman de Jean-Christophe Rufin, le Tour du monde du roi Zibeline, est basé sur l'histoire réelle et singulière d'un aventurier, d'origine à la fois autrichienne, polonaise et hongroise, qui a parcouru le monde au XVIIIème siècle.

Né en 1741 en Hongrie, il eut un destin surprenant, voyageur, aventurier, écrivain, il fut élu roi de Madagascar par les chefs de tribus locales. Tour à tour soldat autrichien, officier polonais, colonel français puis roi de Madagascar, il fut parmi les premiers européens à naviguer autour du monde.

Né dans un lugubre château des Carpates, Auguste Beniowski a la chance d'avoir comme précepteur un esprit éclairé des Lumières, un Français du nom de Bachelet. Durant son enfance il est initié, par son précepteur, à la pensée de Diderot, Rousseau et Voltaire. Très tôt il s'engage pour défendre l'indépendance de la Pologne contre les Russes. Fait prisonnier, il est exilé au fin fond de la Sibérie, où il vit une histoire d'amour avec la fille du gouverneur du Kamchatka. Il s'évade avec elle et rejoint la France où on lui confie la mission de rallier Madagascar. Sa fougue et sa passion le font devenir roi de Madagascar, ce qui est mal vu en France. L'affaire tournant mal, il est contraint d'émigrer en Angleterre puis en Amérique. Il cherche toutefois à rassembler des fonds pour retourner à Madagascar et se décide à écrire ses mémoires : Les Mémoires et Voyages du comte Maurice Auguste Beniowski.

Cette vie aux multiples péripéties et retournements a passionné Jean-Claude Rufin, au point de nous offrir une version romancée où le héros est présenté sous un jour plus favorable que ce que nous enseigne l'Histoire. Imaginant une rencontre entre Benjamin Franklin et Beniowki, il retrace son parcours dans un style rappelant souvent le charme des Mille et une nuits. Aux côtés de son « homme », Aphanie, femme libre pour l'époque et amoureuse, conte sa version du périple, ce qui procure un duo pittoresque avec une version masculine et une variante féminine. Cette intéressante alternance de voix permet de raconter cette histoire à travers différentes sensibilités.

Jean-Christophe Rufin a l'art d'éveiller une curiosité qui persiste tout au long du roman en utilisant avec adresse le réel et l'imagination. Excellent conteur, son écriture est toujours élégante et séduisante et l'esprit des lumières est présent tout au long du roman. Cet ouvrage où se mêlent récit historique, roman d'aventure, et un zest de philosophie, devrait inciter les plus exigeants à suivre les pas de ces deux intrépides voyageurs.

"C'est un personnage solaire. C'est quelqu'un qui est marqué par deux influences, d'une part, celle de la philosophie française des Lumières et de l'autre, celle de la guerre, de la force, du combat. C'est un personnage plein d'énergie, plein de vie mais aussi plein de fraternité qui va essayer d'accueillir le monde, de le transformer, grâce à cette énergie avec laquelle il entraîne aussi le lecteur." souligne Jean-Christophe Ruffin.

Petite note concernant l'ouvrage écrit par Auguste Beniowki (source du livre de Rufin) :
Les mémoires de cet aventurier, écrites en français avec verve et imagination, constituent un récit insolite des découvertes géographiques qui ont marqué la seconde moitié du XVIIIe siècle et un témoignage rare sur la rude rivalité que se livraient les grandes puissances maritimes de l'époque pour la conquête des terres riches en trésors de toutes sortes.

Remarque historique :
Page 291, Jean-Christophe Rufin écrit que "Bernard de Clairvaux a fondé l'abbaye de Cîteaux", erreur que beaucoup de personnes font…
Né en 1090 à Fontaines-les Dijon, Bernard entre à l'abbaye de Citeaux, fondée en 1098 au sud de Dijon par Robert de Molesme. Bernard, en 1115, est l'un des fondateurs de l'abbaye de Clairvaux, près de Bar-sur-Aube.

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Dans son dernier opus, JC RUFIN a choisi de narrer l'existence d'Auguste BENIOWSKI, figure historique dans plusieurs pays d'Europe de l'Est (ils s'en disputent d'ailleurs la possession) ayant existé au dix-huitième siècle.

Cet aventurier-explorateur exilé au fond de la Sibérie, avant de voguer sur tous les océans du monde, deviendra roi de Madagascar.

A partir de ses mémoires, JCR a trouvé un artifice romanesque, qui évite d'en faire un énième récit historique : imaginant la rencontre entre le père fondateur des (nouveaux) Etats-Unis, Beniowski et sa compagne lui retracent alors leur épopée étonnante, avant de lui demander de l'aide.

L'esprit des Lumières (si cher à Rufin) est partout présent dans ce court roman, qui a pour lit l'esprit d'indépendance des peuples, avec leurs paradoxes et leurs limites.

A l'absolutisme des tyrans s'attache l'arbitraire de leur justice. Auguste B. en croisera d'ailleurs quelques-uns.

Aux apprentis-philosophes il leur était recommandé l'usage du monde, ce que fera donc , par la force des choses, cet homme hors du commun.

Même si j'ai beaucoup apprécié ce récit pour les connaissances sur les conditions de vie de cette époque qu'il nous offre, ainsi que les informations données sur la course à la conquête et la domination des territoires vierges (de tout européen), j'ai été rapidement gênée par le rythme qu'il prend ; je me suis trouvée en effet fatiguée par son style en raison d'un contenu trop dense dû au fait d'avoir choisi la première personne.

Reste que ce livre est un beau portrait d'un des premiers combattants de la lutte anticoloniale.
Lien : http://justelire.fr/le-tour-..
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Le premier mérite du Tour du monde du roi Zibeline est de redonner vie à Auguste Benjowski, bien oublié aujourd'hui. Dire que sa vie fut aventureuse est un euphémisme, de la Hongrie à Madagascar en passant par la Sibérie et Macao. Une existence que la plume alerte de Jean-Christophe Rufin transforme en épopée, en saisissant l'esprit d'une époque, un XVIIIe siècle qui aborde sa dernière partie, quittant le temps des Lumières pour aborder une période plus agitée. C'est aussi ce moment charnière où les explorations, avec tout ce qu'elles suggèrent de romantisme, vont céder leur place aux conquêtes, ce désir de colonisation qui va opposer les plus grandes puissances. La construction du livre, elle-même, correspond à ce changement d'attitude avec en guise de témoins un Benjamin Franklin vieillissant dont les valeurs appartiennent déjà au passé face à un Thomas Jefferson, moins idéaliste. Les deux narrateurs du roman sont précisément les héros de cette aventure et, outre les péripéties qu'ils traversent, contées avec le talent habituel de l'auteur, leurs différences, notamment vis-à-vis des peuples qu'ils rencontrent, rendent leur histoire d'amour exempt de mièvrerie. le portrait d'Aphanasie, en particulier, tel qu'il apparait quand elle prend le récit à son compte, est celui d'une femme libre, amoureuse certes, mais lectrice de Diderot et plus moderne en somme que son compagnon, elle qui a dans le couple une influence majeure et humaniste. le tour du monde du roi Zibeline, d'une lecture très agréable, est évidemment autant un récit historique qu'un ouvrage très personnel de Rufin où l'auteur exprime ses croyances et ses doutes dans l'humanité.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Il ne faut pas se laisser abuser par les allures picaresques que peut revêtir ce roman. Il s'agit bien d'un drame qui se noue sous la plume de Jean-Christophe Rufin lorsqu'il entrouvre cette petite fenêtre sur l'histoire de Madagascar. Ce drame, au-delà des péripéties qui émaillent la vie de ses héros, c'est celui de l'agonie d'un rêve.

En devenant fortuitement et opportunément roi de Madagascar, sous le nom inspiré par une image bucolique de son passé, le roi Zibeline avait cru pouvoir unifier les peuples indigènes de l'île. le pari était pourtant bien engagé. Mais il avait surtout cru par ce truchement mettre les indigènes de Madagascar à l'abri des appétits de conquérants sans scrupule. Les envoyés des rois de France n'étaient en effet alors que des forbans, ils avaient flairé en cette partie du monde encore vierge de toute colonisation une formidable source de profit. La valeur convoitée s'échangeait sur les marchés … aux esclaves. Auguste Benjowski, le roi Zibeline, imaginait déjà avec lucidité les monstruosités qui se cachaient derrière l'euphémisme assassin de « pacification ».

Lui, qui ne se livrait aux affres de la guerre que lorsque cette dernière répondait à un idéal de liberté, avait cru trouver l'Éden auquel son ouverture aux philosophies du siècle des lumières le faisait aspirer. En unifiant les peuples indigènes autour d'un idéal de progrès, il avait cru construire sur une portion de terre protégée du reste du monde un modèle de ce que personne n'aurait encore osé appeler démocratie.

Après avoir couru le monde dans les incroyables péripéties d'une jeunesse aventurière, conquis le coeur de la fille de son ancien geôlier des confins de la Sibérie et perçu les menaces qui pesaient sur le nirvana qu'ils avaient déniché, il s'en est allé avec son aimée, Aphanasie, chercher le soutien d'un pionnier de l'anti esclavagisme, un des initiateurs de la déclaration d'indépendance américaine, le vieux sage qui avait réussi à piéger la foudre : Benjamin Franklin.

L'ancien ambassadeur des états de l'union en France connaissait trop bien les travers de la politique quand elle est commandée par l'appât du gain. Il écoute avec passion le formidable récit à deux voix, à deux sensibilités devrait-on dire, des aventures qui ont conduit les deux idéalistes à prendre le parti des indigènes malgaches et tenter de les soustraire aux appétits des grandes puissances de l'époque, au premier rang desquelles la France. Auguste et Aphanasie, complémentaires en leur amour et en leur perception des autres, rêvent de ce laboratoire humaniste à huis clos sous les latitudes du paradis sur terre qu'est alors Madagascar. Au péril de leur vie, ils veulent aller au bout de leur rêve et ne reculent devant aucun sacrifice pour y parvenir, bousculant les obstacles qu'une Providence, à laquelle ils se refusent à croire, place sur leur chemin.

Les premières lignes ouvrent l'appétit du lecteur. Les yeux courent sur la fluidité d'une écriture souple et très accessible. Animé d'une curiosité qui flatte l'esprit on dévore les pages de ce conte aux péripéties saisissantes. L'histoire d'amour que Jean-Christophe Rufin se plait à surajouter aux vicissitudes de l'aventure relève l'intrigue d'une touche sensuelle. Il convient de l'artifice romanesque.

Le tour du monde du roi Zibeline est un beau roman, fort bien écrit, qui s'inspire d'une page d'histoire que notre culture nationale a d'abord dénigrée, puis préféré oublier, et pour cause. Jean-Christophe Rufin nous la remet en mémoire, avec une insidieuse délicatesse. Si on ne connaît pas l'histoire dans sa précision, celle de Madagascar en particulier, on sait en revanche que la soif de pouvoir est une constante inhérente à l'espèce humaine. On se doute bien alors que l'utopie de nos deux héros ne pèsera pas lourd face aux exigences de la cupidité. Mais ce genre d'ouvrage n'est-il pas fait pour rêver.

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour m'avoir adressé cet ouvrage dans la cadre de l'opération masse critique.
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Très bien écrit, intéressant sur le plan historique sans nul doute même si il y a certainement beaucoup de fiction. Mais 2 bémols toutefois, cela aurait pu être plus prenant (parfois on a du mal à poursuivre la lecture) et l'auteur aurait pu se renseigner un peu plus sur le climat dans l'hémisphère sud, car non en décembre il ne fait pas "frais" à l'île Maurice et non la saison des pluies n'est pas la saison froide à Mada...
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