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Citations sur L'Evangile selon Jésus-Christ (67)

Ils dormaient là où le hasard les menait, sans autre exigence de confort que le giron de l'autre, quelquefois avec le le firmament pour seul toit, l'immense oeil noir de Dieu, criblé de ces lumières qui sont le reflet laissé par les regards des hommes qui ont contemplé le ciel, génération après génération, interrogeant le silence et écoutant l'unique réponse donnée par le silence. Plus tard, quand elle sera seule au monde, Marie de Magdala voudra se souvenir de ces jours et de ces nuits, et chaque fois elle sera obligée de lutter âprement pour défendre sa mémoire des assauts de la douleur et de l'amertume, comme si elle protégeait une île d'amour des attaques d'une mer tourmentée et de ses monstres.

p346
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Chua ne pleurait plus mais plus jamais ses yeux ne redevinrent secs, le pleur qui n'a pas de remède est ce feu continu qui brûle les larmes avant qu'elles ne surgissent et ne coulent sur les joues.

p127
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L'insatisfaction, mon fils, fut placée dans le coeur des hommes par le Dieu qui les a créés, je parle de moi, évidemment, mais cette insatisfaction, de même que tout ce qui les a faits à mon image et à ma ressemblance, je suis allé la chercher là où elle se trouvait, dans mon propre coeur, et le temps qui s'est écoulé depuis lors ne l'a pas fait disparaître, au contraire, je peux même dire que tout ce temps l'a même rendue plus vive, plus urgente, plus exigeante. Dieu s'interrompit ici un bref instant comme pour juger de l'effet de son exorde, puis il poursuivit, Depuis quatre mille quatre années que je suis le dieu des juifs, peuple d'un naturel querelleur et compliqué, mais avec qui, si on fait le bilan de nos relations, je ne me suis pas trop mal entendu, dès lors qu'il me prend au sérieux et persévère dans cet état d'esprit aussi longtemps et aussi loin que ma vision du futur peut parvenir, Tu es donc satisfait, dit Jésus, Je le suis et je ne le suis pas, ou plutôt je le serais sans mon coeur inquiet qui me dit tous les jours Eh oui, tu t'es fabriqué là un joli destin, après quatre mille ans de travail et de soucis que les sacrifices sur les autels, pour abondants et variés qu'ils soient, ne compenseront jamais, tu continues à être le dieu d'un tout petit peuple qui vit dans une partie minuscule du globe du monde que tu as créé avec tout ce qui s'y trouve, alors dis-moi, mon fils, si je peux me tenir pour satisfait quand j'ai tous les jours devant les yeux cette évidence mortifiante, Je n'ai créé aucun monde, je ne peux pas juger, dit Jésus, Certes, tu ne peux pas juger, mais tu peux aider, Aider à quoi, A étendre mon influence, à faire en sorte que je sois le dieu de beaucoup plus de gens, Je ne comprends pas, Si tu remplis bien ton rôle, le rôle que je t'ai réservé dans mon projet, je suis absolument certain que dans un peu plus d'une demi-douzaine de siècles, même s'il nous faut lutter, toi et moi, contre maintes contrariétés, de dieu des Hébreux je deviendrai le dieu de ceux que nous appellerons les catholiques, à la manière grecque, Et quel est le rôle que tu m'as destiné dans ton projet, Celui de martyr, mon fils, celui de victime, qui est ce qu'il y a de mieux pour propager une croyance et enflammer une foi.

p315
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[...], mais ce qu'il ne sait pas c'est qu'il devra encore parcourir un bon bout de chemin avant d'arriver à Bethléem, et quand il arrivera là-bas il se rendra compte que finalement les choses ne sont pas aussi simples qu'elles en avaient l'air, il serait évidemment très beau de pouvoir annoncer, Veni, vidi, vici, comme le proclama Jules César au temps de sa gloire, on a vu ensuite comment cela a fini, il est mort des mains de son propre fils, lequel n'avait d'autre excuse que d'être un enfant adoptif. Elle vient de loin et semble ne jamais devoir finir, la guerre entre les pères et les fils, l'héritage des fautes, le rejet du sang, le sacrifice de l'innocence.

p63
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Alors Abiatar, le plus âgé des trois anciens, prit la parole et dit, Nous ne te questionnerons pas davantage, le Seigneur te paiera sept fois pour la vérité que tu auras dite ou il te fera payer sept fois pour le mensonge avec lequel tu nous aura trompé. Il se tut et continua à se taire, puis, s'adressant à Zaquias et à Dotaim, il dit, Que ferons-nous de cette terre qui brille, la prudence conseille qu'elle ne reste pas ici car il se peut que ce soit un artifice du démon. Dotaim dit, Qu'elle retourne à la terre d'où elle est venue, qu'elle redevienne obscure comme elle le fut naguère. Zaquias dit, Nous ne savons pas qui est le mendiant ni pourquoi il a voulu être vu de Marie seulement ni ce que signifie le fait qu'une poignée de terre brille au fond d'une écuelle. Dotaim dit, emportons-la dans le désert et éparpillons-la là-bas, loin de la vue des hommes, pour que le vent la disperse dans l'immensité et que la pluie l'éteigne. Zaquias dit, Si cette terre est un bien, elle ne doit pas être emportée de là où elle est et si, au contraire, elle est un mal, qu'y soient assujettis seulement ceux qui furent choisis pour la recevoir. Abiatar demanda, Que proposes-tu, alors, et Zaquias répondit, Que l'on creuse un trou ici et que l'on y dépose l'écuelle au fond, recouverte, pour qu'elle ne se mêle pas à la terre naturelle, un bien, fût-il enterré, n'est pas perdu, et un mal aura moins de pouvoir loin de la vue.

p35
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On donna aussi une pelle à Jésus et celui-ci travailla vaillamment à coté des hommes adultes, le destin, qui en toute chose est le plus sage, voulut même que son père fût enseveli dans le terrain par lui creusé, la prophétie s'accomplissant ainsi, Le fils de l'homme enterrera l'homme mais lui-même demeurera sans sépulture. Que ces paroles, à première vue énigmatiques, ne vous conduisent pas à des pensées élevées, elles relèvent de l'évidence, elles veulent simplement dire que le dernier homme, du fait même qu'il est le dernier, n'aura personne pour lui donner une sépulture. Or ce ne sera pas le cas de ce garçon qui vient d'enterrer son père, le monde ne va pas s'achever avec lui, il nous reste encore des milliers et des milliers d'années de naissances et de morts incessantes, et si l'homme avec une constance sans faille a été un loup et un bourreau pour l'homme, avec plus de raison encore il continuera d'en être le fossoyeur.

p148
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Descendant la colline, trois hommes approchent. Ce sont les bergers. Ils pénètrent ensemble dans la grotte. Marie est couchée et a les yeux fermés. Joseph, assis sur une pierre, appuie le bras sur le rebord de la mangeoire et semble garder son fils. Le premier berger s'avança et dit, De ces mains j'ai trait mes brebis et j'ai recueilli leur lait. Marie, ouvrant les yeux, sourit. Le deuxième berger s'approcha et dit à son tour, De ces mains j'ai travaillé le lait et j'ai fabriqué le fromage. Marie fit un signe de tête et sourit de nouveau. Alors, le troisième berger fit un pas en avant, aussitôt il parut remplir la grotte de sa haute stature et il dit, mais il ne regardait ni le père ni la mère de l'enfant nouveau-né, De mes mains j'ai pétri ce pain que je t'apporte, je l'ai cuit avec le feu qui se trouve seulement à l'intérieur de la terre. Et Marie sut qui il était.

p71
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Il se traîna hors du trou froid comme un tombeau et, enroulé dans la couverture, il regarda devant lui la ville de Jérusalem, les maisons basses en pierre, effleurées par la lumière rose. Alors, avec une solennité plus grande encore pour être prononcées par la bouche de l'enfant qu'il est encore, il dit les paroles de la bénédiction, Je te rends grâce, Seigneur, notre Dieu, roi de l'univers, qui par le pouvoir de ta miséricorde m'as restitué ainsi, vivante et constante, mon âme. Il est certains moments de la vie qui devraient demeurer fixés, rester à l'abri du temps, et ne pas être consignés seulement dans cet évangile, par exemple, ou sur une peinture, ou de façon moderne par la photo, le cinéma et la vidéo, il faudrait que la personne qui les a vécus, ou qui en est à l'origine, reste à tout jamais exposée à la vue des générations futures, ainsi, aujourd'hui, irions-nous à Jérusalem voir de nos propres yeux ce jeune Jésus, fils de Joseph, enroulé dans sa couverture étriquée de pauvre, regardant les maisons de la ville et remerciant le Seigneur de ne pas encore avoir perdu son âme cette fois-ci. Sa vie étant encore à son commencement , il n'a que treize ans, il est à prévoir que l'avenir lui a réservé des heures plus gaies ou plus tristes que celle-ci, plus heureuses ou plus malheureuses, plus plaisantes ou plus tragiques, mais c'est l'instant que nous choisirions pour notre part, la ville endormie, le soleil immobile, la lumière impalpable, un jeune garçon regardant les maisons, enveloppé dans une couverture, une besace à ses pieds et le monde entier, proche et lointain, en suspens, dans l'attente. C'est impossible, le jeune garçon a bougé, l'instant est venu et il est reparti, le temps nous emporte jusqu'au lieu où la mémoire s'invente, cela s'est passé ainsi, cela ne s'est pas passé ainsi, les choses sont ce que nous disons qu'elles ont été.

p173
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Mais il est vrai que Joseph a de sérieuses raisons de se préoccuper, comment la famille va-t-elle vivre jusqu'à ce qu'ils puissent retourner à Nazareth, car Marie est sortie affaiblie de son accouchement et ne serait pas en état de faire le long voyage, sans compter qu'elle doit encore attendre que s'achève le temps de son impureté, trente-trois sont les jours pendant lesquels elle devra rester dans le sang de sa purification, comptés à partir du jour où nous sommes, celui de la circoncision.

p77
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Marie tenait l'écuelle dans le creux de ses deux mains réunies, coupe à l'intérieur d'une coupe, comme si elle attendait que le mendiant y déposât quelque chose, ce qu'il fit sans donner d'explication, il se baissa jusqu'au sol et ramassa une poignée de terre, puis levant la main, il la laissa couler lentement entre ses doigts, tandis qu'il disait d'une voix sourde et retentissante, Que le limon retourne au limon, la poussière à la poussière, la terre à la terre, rien ne commence qui ne doive finir, tout ce qui commence naît de ce qui a prit fin. Marie se troubla et demanda, Qu'est-ce que cela veut dire, et le mendiant se borna à répondre, Femme, tu as un fils dans le ventre, tel est l'unique destin des hommes, commencer et finir, finir et commencer. Comment as-tu su que j'étais grosse, Le ventre ne s'est pas encore arrondi que déjà les fils brillent dans les yeux des mères,[...] Je suis un ange, mais ne le dis à personne.

p28
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