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Remember,
Pour la fin du monde, Gérard Palaprat, Face B, "Svasti", je vous donne le La :
"Adrien le charpentier, qui vient faire rire à tous les banquets [...],
Ils ont dit Svasti, ils ont dit paix sur tous les êtres
Ils ont dit Svasti, ils n'étaient pas de grands prophètes."
Je vous passe pas tout le disque, mais l'idée centrale est cernée....Alors oui, cette Face B, je l'ai passée en boucle (faut peut être rappeler qu'a l'époque, c'étaient des 45t, et qu'il fallait encore se lever pour changer le disque...), bref, tout ça pour dire que mon Aîné s'appelle Adrien et son Cadet, Thibault, est Charpentier....comme le début de la chanson, Face B, que je passais en boucle....dingue non !? coïncidence !?
Alors j'en viens à Saramago, L'Evangile selon Jésus-Christ, je l'assimilerai bien à la Face B des Quatre évangiles (Matthieu - Marc - Luc - Jean) ; bon OK, je n'ai lu que Marc dont ses sept pains pour quatre mille hommes, l'inventeur du MARKetting koi ! Non, les Evangiles, bien que Chloe, ma fille,( la guitariste de Svasti, face B que je n'ai pas retranscrit en entier....) m'avait gentiment offert au Noël 2015, ne m'ont absolument pas converti, d'ailleurs je n'en ferai pas allusion dans Babelio, car sujet à trop de polémiques enflammées ....Mais le José, lui a su m'intéresser à cette histoire du petit Jésus, il a pu interpréter à sa façon les signes avant coureurs d'un futur Grand Homme....
Moralité : Tous les 25 Décembre, les Chrétiens et Jésus crient : Joyeux Noël
En 1998, le monde entier clamait Saramago prix No(B)el ......Noel. Nobel. Face B .Ad Libitum.
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Le parcours de vie de Jésus de Nazareth est abondamment relaté dans les évangiles, textes-phares du Nouveau Testament.
J'ai conservé d'une lointaine catéchèse le souvenir de textes empreints d'un mélange de mystère, de magie, de mysticisme. Les évangélistes Jean, Luc, Marc et Matthieu ont rédigé ces écrits sur la foi de témoignages peu ou prou similaires et leurs ressemblances tant sur le fond que sur la forme sont patentes.

L'Evangile selon Jésus-Christ” du Nobel portugais José Saramago, paru en 1991, permet de découvrir une interprétation différente de la vie du Fils de l'Homme.
J'en vois déjà qui rient sous cape, incrédules à l'idée qu'un communiste athée natif de la subversive région de l'Alentejo puisse avoir un quelconque avis en matière de spiritualité, puisse s'intéresser aux choses de l'au-delà, puisse s'embarquer dans Dieu sait quoi…

Saramago n'est pas le premier profane venu et son érudition impressionne. Un long repérage de cette terre de Galilée où vécurent Marie, Joseph et leurs neuf enfants lui a sans doute été nécessaire pour retranscrire avec autant de minutie l'ambiance de la bourgade de Nazareth avec sa population juive louant à longueur de journée le Seigneur pour ceci, pour cela et pour cela encore...
La région est de toute beauté , il ferait bon y vivre sinon que les légions romaines l'occupent et que les crucifiements à répétition plombent le moral des autochtones.
De la naissance de Jésus dans une grotte de Bethléem à sa mort sur la croix, Saramago explore les zones d'ombre de l'Histoire. En équilibre sur la crête des plausibilités, sans jamais se départir d'un humour subtil, il s'emploie à démystifier la vie de ce jeune homme à l'esprit sain dans un corps sain.

Le Vatican, au dogmatisme figé dans le marbre, s'est évidemment offusqué du fait que l'iconoclaste Saramago aborde avec naturel la sexualité du Christ. Pourtant la relation fusionnelle entre Marie de Magdala et Jésus est d'une sincérité émouvante, elle apporte de la crédibilité au roman et en constitue l'un des points forts.

José Saramago convie le lecteur à cheminer aux côtés d'un Jésus avançant avec circonspection vers sa destinée et ce serait péché de se priver de sa divine humanité.
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui lira ”L'Evangile selon Jésus-Christ” goûtera ici-bas à un moment de vraie félicité !
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Eh bien, voilà ! Je viens de lire ma première bible. J'en suis tellement heureuse que je doute, dès à présent d'en lire une autre plus brillante ou qui puisse me combler davantage. Je pensais dans ma jeunesse que croire ne pouvait finalement nuire à personne, soit qu'une telle démarche ne pouvait que tourner vers les autres, quelque esprit par trop individualiste, par exemple et sans dire, je suis athée, je disais à qui m'interrogeait, je crois en les hommes ; ceux de bonne volonté, de bon augure, cela va sans dire. Je me disais qu'un Dieu en valait un autre et dans un même principe, j'en restais là, m'accommodant des uns comme des autres, pourvu qu'ils ne me changeassent point et ni moi leurs adeptes. Entre ces lignes, il me suffit d'entrer comme on dit, dans la peau des personnages pour tenir ma devise et je dois dire ici, que je suis souvent le Diable, parfois Jésus, mais très rarement Dieu. Évidemment, il faut lire José pour savoir de quelle diablerie je parle, et pour autant se rendre compte que si l'un manque à sa vocation l'autre y pourvoit bien plus souvent qu'à son tour. Alors tout comme moi, ‘On' se questionne. Pourquoi Dieu manque-t-il régulièrement à sa tâche quand le monde va mal et que les hommes souffrent ? Est-ce à dire qu'il n'est pas d'homme sans Jésus tout comme il n'est pas de Dieu sans Diable… Soit, que tous comme un seul sont interchangeables, tantôt homme, dieu, diable. Il m'apparait alors et bien que ce ne soit promptement qu'une mienne apparition, qu'il en soit ainsi au quotidien, quand un homme, fut-il le meilleur à un moment donné, put être le même mais pourtant le pire ou le moins bon dans un autre temps, etc. Ce qui m'amène à penser comme un blasphème les multiples interprétations dites profanatoires sur les jugements portés sur telle ou telle de l'une des religions du monde, quand on sait que l'esprit voyage et que comme je viens de le dire il habite de multiples personnages. Censurons l'un ! nous condamnerons tous les autres, soit qu'après, aucune bible ne fut écrite…
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Me voilà arrivée au bout de ce long chemin de souffrances et de moments de totale jubilation.
Et voilà que je me découvre en train de penser et de m'exprimer d'une manière qui ne m'est pas commune !
C'est que je sors d'un livre difficile, dérangeant, captivant, mené de main de maître, cela va sans dire, par José Saramago.

Par quoi commencer ?
Par ma difficulté. Ma difficulté à entrer dans cette prose sans espace pour respirer, uniquement composée de virgules, sans aucun tiret marquant les dialogues, sans aucun paragraphe.
Difficulté aussi à comprendre où l'auteur voulait en venir, et donc surprise totale devant cette réécriture de l'histoire de Jésus, oui, mais mêlant subtilement humour grinçant, légèreté, iconoclasme, psychologie profonde.

Par quoi continuer ?
Par mon plaisir profond à suivre cette famille dont tout le monde parle depuis la nuit des temps, dont ma famille m'a parlé depuis mon enfance. Ce Joseph, taciturne et – comme tous les hommes de cette époque – méfiant à l'égard des femmes, même de la sienne. Cette Marie, discrète mais têtue. Ce Jésus, adolescent rebelle et tourmenté, puis homme amoureux d'une femme et aimant les gens.

Plaisir mêlé de trouble, aussi, de découvrir la face cachée des choses, à la manière de Saramago : un Joseph hanté par sa culpabilité – celle de n'avoir pas pu prévenir à temps le village de Bethléem du massacre des tout-petits – et mis à mort comme le sera son fils : crucifié, mais par erreur.
Un Jésus hanté lui aussi par la culpabilité de son père, et ne sachant comment se débarrasser de ce remords pourrissant.
Un Diable au demeurant bien sympathique ! Bien plus sympathique que ce Dieu présenté comme cruel, vindicatif, orgueilleux. D'ailleurs, je ne résiste pas à vous recopier ce passage ô combien essentiel mais tellement irrévérencieux, au moment où Dieu envoie Jésus en mission et où il révèle ses pensées cachées :
« Tu t'es fabriqué là un joli destin, après 4000 ans de travail et de soucis que les sacrifices sur les autels, pour abondants et variés qu'ils soient, ne compenseront jamais, tu continues à être le dieu d'un tout petit peuple qui vit dans une partie minuscule du monde que tu as créé avec tout ce qui s'y trouve, alors dis-moi, mon fils, si je peux me tenir pour satisfait (...) Tu peux m'aider à étendre mon influence, à faire en sorte que je sois le dieu de beaucoup plus de gens. »
Bref, le ton est donné, et je comprends très bien pourquoi l'Eglise catholique a crié à l'assassin à la sortie de roman ! Mais moi, je me suis esclaffée, et j'ai réfléchi, aussi, très sérieusement, à cette religion catholique faite de « renoncement, clôture, souffrance, mort, guerres et carnages » (ces pages bouleversantes sont le summum !).

Plaisir enfin à suivre les méandres de la pensée du narrateur, qui n'hésite pas à interpeller le lecteur en comparant les choses anciennes à notre propre modernité, et toujours avec beaucoup d'humour.

Finalement, je ressors de cet évangile dévastateur toute pleine de cahots, secouée par le rire et l'interrogation, bénéfiques et libérateurs.

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Quelle drôle d'idée, écrire un évangile de plus, une nouvelle version de la vie de Jésus.
Déjà, bien qu'il soit étiqueté « Roman », c'est l'assurance d'avoir des ennuis avec les ultras. Ce qui ne manqua pas d'arriver et provoqua l'exil de l'écrivain, en réaction à la décision de l'état portugais de le faire retirer de la liste pour un prix littéraire. Et on ne parle pas ici de temps obscurantistes reculés ou d'intolérance liée au régime d'extrême droite de Salazar, mais du Portugal démocratique de 1991, plus de quinze ans après la Révolution des oeillets. Bref…

Un aspect du livre concerne d'ailleurs la question, qu'est-ce qu'un évangile, qu'est-ce qui doit y figurer, comment ça s'écrit. Notamment pour l'équilibre de son contenu entre la part de recension la plus fidèle possible et la part de mise au goût du jour, comment faire comprendre au lecteur ces événements si lointains, et pour lui faire passer quels messages.
Mais attention, rien d'une thèse barbante dans ce propos. Ce sont plutôt des notations plaisantes en marge de la narration proprement dite, qui sont autant d'allusions à ces questions.

Pour le principal, Saramago développe une histoire à la marge des épisodes des vrais évangiles, et il l'insère dans le canon en reprenant certains de ces épisodes de façon plus ou moins fidèle.
Ainsi, la première partie est centrée sur Joseph, finalement peu présent dans les vrais évangiles et qui en disparait au milieu sans plus d'explication. Elle est aussi l'occasion de planter le décor, le contexte de la société juive du premier siècle dans la Palestine sous joug romain.
Ensuite, la partie la plus importante est celle de la « formation » de Jésus, comment il passe de l'enfance à l'adolescence, puis devient adulte. Et comment lui vient progressivement et incomplètement la conscience de son statut particulier.
Enfin, mais presque à regret (et plutôt rapidement), la partie la plus connue de sa vie de prêcheur menant à la crucifixion. En prenant beaucoup de libertés vis-à-vis de l'histoire canonique officielle.
Le tout avec une imagination impressionnante, car mêlée d'érudition, avec humanisme et une ironie mordante vis-à-vis de la religion, y compris via un soupçon de fantaisie narquoise. Ce qui en fait une très chouette histoire.

Et ce style, dont l'objet est d'écrire comme on raconte une histoire à haute voix.
Formellement, cela donne un joyeux mélange de narration au passé, dialogues et commentaires, souvent uniquement délimités par des virgules. Tout en restant très fluide et lisible.
Pour le fond, cela mélange en permanence l'histoire et sa glose. Avec un décalage volontaire, humoristique, entre cette époque si lointaine et les commentaires si contemporains.
Au final, Saramago a su créer une voix singulière, dont je suis de plus en plus fan.
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Voila un ouvrage qui sort vraiment de l'ordinaire a qui j'octroyerais bien la note de 10 super etoiles si je le pouvais.Ce livre,cette facon de concevoir la vie et le sacerdoce de Jesus m'ont epoustoufle!
L'air de rien,on ne ressort pas indemne (dans le sens positif)de ce genre de lecture,mais ca m'a fait beaucoup de bien!
Ces quelques jours de lecture que m'ont pris ce livre etait un voyage epoustouflant a travers la vie de Jesus;c'est comme si j'y etais,comme si j'etais juste a ses cotes et que je vivais en meme temps que lui les evenements et les echanges de discours.
Ces echanges verbaux,ces joutes oratoires sont etonnantes de par leur contenu,parfois risibles mais ô combien une prise de conscience de la realite de Dieu et du diable.
Dieu et le diable,parfaite dichotomie,insaississable mais aussi inseparable.
Ce que j'ai aime de la part de l'auteur est d'avoir avant tout considere Jesus comme un homme,un homme de chair fait de besoins et de desirs(qu'il assouvit).Une belle revenge sur cette "soi-disant" vie de celibat du Christ
A lire absolument,meme si c'est par pure curiosite litteraire
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« le soleil venait de se coucher quand Jésus foula à nouveau le sol de Nazareth, quatre longues années, à une semaine près, depuis le jour où il s'était enfui d'ici, encore enfant, affligé par un désespoir mortel, pour se lancer dans le monde à la recherche de quelqu'un susceptible de l'aider à comprendre la première vérité insoutenable de sa vie. »

Malgré son titre, qui pourrait le laisser penser, ce n'est pas Jésus qui prend directement la parole dans ce roman déconcertant à plus d'un titre. Toute la grande intelligence pétillante de José Saramago s'y déploie. Il est vrai que le sujet permet bien des questionnements religieux, ou philosophiques. La plupart des épisodes attendus ont été transformés par ses soins en un questionnement radical sur le bien et le mal : au fond pas de différence entre Dieu et son Adversaire. Tous deux sont avides de sang et de souffrance et ne laissent pas une chance à l'humanité de se libérer de leur emprise.

Jésus va les rencontrer à plusieurs reprises et revivra les questionnements qui étaient déjà ceux de Job face à l'arbitraire divin ou diabolique…

Dans ce roman, Jésus a été traumatisé par sa petite enfance : son père terrestre, Joseph, a fait peser sur eux une faute originelle. Il n'a pas averti les autres habitants de Bethléem que les soldats d'Hérode allaient massacrer leurs enfants alors qu'il le leur avait entendu dire quelques heures plus tôt. Il en sera puni par un sentiment de culpabilité écrasant, qui se manifestera par un cauchemar récurrent. Cauchemar dont Jésus sera lui aussi accablé après la mort de Joseph (elle intervient très tôt). Pour compliquer encore les choses ses rapports avec sa mère et ses frères et soeurs ne sont pas bons. Bref, il quitte rapidement le foyer alors que son devoir de fils aîné était de prendre la place de son père.

La trame évangélique dont s'est servie José Saramago est vraiment lâche, ce qui permet bien des surprises. Suivre son Jésus au quotidien c'est aussi nous immerger dans les us et coutumes de ce temps et de cette région, car si les péripéties qu'il vit peuvent sembler proche du conte, la narration est basée sur une vaste connaissance historique.

L'arrière-plan reste toutefois résolument sombre : pas l'ombre d'une résurrection n'est envisagée.
Il m'a fallu presque une semaine pour lire ce roman, qui demande beaucoup d'attention. J'ai été surpris, déconcerté souvent. Sa grande inventivité m'a laissé, moi aussi, bien des questionnements non résolus.
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Mais, tu n'es pas le Bon Dieu
Toi tu es beaucoup mieux
Tu es un Homme….. »
Jacques Brel (Le Bon Dieu)

Le premier roman que je lis de José Saramago.
Un auteur dont je savais qu'il était un « grand », aux prises de positions politiques parfois controversées, mais quand même, Prix Nobel de Littérature, excusez du peu, malgré tout le mal qu'on a pu dire du jury de ce Prix.

Voilà un roman qui sort de l'ordinaire et qui, derrière l'ironie et l'humour, nous livre une réflexion profonde sur les religions monothéistes, ainsi que sur les relations entre l'être humain et le Dieu qu'il est sensé adorer.

Voilà une vie du Christ racontée en développant beaucoup plus son enfance que dans les Évangiles chrétiens, et dont le récit s'arrête à la crucifixion, car ici, et cela fait sens, pas de résurrection, d'apparition aux disciples, d'ascension au ciel.

L'auteur tisse, avec ironie, humour, tendresse et cruauté, mais aussi une grande profondeur philosophique, un tout autre récit, certes reconstruit à partir de la trame des Évangiles, mais dont le sens est totalement différent.

Ainsi le père de Jésus, un charpentier nommé Joseph, va laisser faire le «massacre des Innocents », l'exécution dans la ville de Bethléem, sur l'ordre du roi Hérode de tous les bébés de moins de trois mois parmi lesquels figurerait un futur roi. Joseph fera cela pour préserver son fils qui vient de naître dans une grotte proche de la ville. Mais il vivra avec un insupportable sentiment de culpabilité, et sera poursuivi toute sa vie d'un cauchemar récurrent.

Ainsi, certains des événements que nous avons appris au catéchisme quand nous étions enfants sont cités, parfois sans beaucoup de modifications (Noces de Cana) mais le plus souvent avec une vision détournée (les pêches miraculeuses dans le lac de Tibériade par exemple) voire à l'opposé de ce que nous disent les Évangiles « officiels » (la mort de Lazare).

De tous les protagonistes de l'histoire, Dieu apparaît comme le plus impitoyable, cruel avec les humains, ayant choisi de faire de Jésus son fils pour étendre son pouvoir à toute l'humanité et non plus seulement au peuple juif. Son dialogue avec Jésus en présence du Diable au milieu du lac de Tibériade (une merveille!) nous montre son dessein, sa volonté de soumettre les humains en mettant en avant leur culpabilité, la nécessité pour eux de se repentir de leurs péchés, et aussi, que l'extension de son emprise sur le monde se fera au prix de grandes souffrances pour les humains.

Le Diable, que l'auteur nous décrit de façon ambiguë (est-il ange ou démon ?) se révèle en fin de compte le plus proche des hommes. C'est lui avec lequel, sans savoir qui il est, Jésus fera son apprentissage de berger, et fera preuve de compassion à son égard, c'est lui aussi qui demandera, sans succès d'ailleurs, à Dieu de lui pardonner.

Et Jésus dans cette histoire? Sa vie humaine, son chemin de vie, Saramago nous le montre, c'est celui d'un homme, qui, on pourrait dire, pour son malheur, va découvrir qu'il est celui qui a été choisi par Dieu, et même être son Fils. Et qui va essayer jusqu'au bout de comprendre de questionner cette destinée, et à la fin d'y échapper, en vain.

C'est ce parcours qui nous est décrit avec tant d'ironie, et tant d'humanité, depuis celui d'un enfant que sa mère Marie aura beaucoup de difficultés à comprendre, d'un adolescent accablé par le destin tragique de son père Joseph, et qui ira chercher des réponses en quittant sa famille et en se rendant à Jérusalem, qui deviendra berger au coté d'un Pasteur qui se révèlera être le Diable, qui connaîtra l'amour et la tendresse de Marie de Magdala, une prostituée qui changera de vie pour l'accompagner, et qui sera aussi sa conseillère pleine de perspicacité, et sa confidente. Et puis, il y aura toutes les belles rencontres humaines de Jésus, ces apôtres pêcheurs avec qui il travaillera, et puis Marthe la soeur de Marie de Magdala, et Lazare, et tous les miracles que Jésus accomplit sans le vouloir, en raison de sa compassion pour celles et ceux qui souffrent. Et enfin, un Jésus qui précipitera son supplice en se proclamant Roi des Juifs, et fils de l'Homme et non pas Fils de Dieu. Mais Dieu le rattrapera à la fin, en apparaissant dans le ciel pour le proclamer son Fils, et, Jésus comprenant qu'il a été leurré toute sa vie par Dieu, criera avant de mourir : « Hommes, pardonnez lui, car il ne sait pas ce qu'il fait », une inversion terrible de la phrase des Évangiles.

En toile de fond de ce roman, il y a pour moi un plaidoyer pour les humains que je partage, pour l'amour et la solidarité entre les humains, et un rejet du sentiment de culpabilité, de la notion de faute de l'Homme, du péché qui serait sa marque de fabrique. Et un rejet d'un Dieu tout puissant, sans âme et qui punit. Cette absence d'amour divin pour l'humanité, ça n'a pas plu aux catholiques portugais, surtout à la hiérarchie catholique, on le comprend, et on comprend que Saramago ait choisi de s'exiler aux Îles Canaries. Mais au moins, il n'y a pas eu de Fatwa contre lui.

Et tout cela est raconté avec tant de verve, avec ce style si particulier de Saramago, ces longues phrases rythmées seulement par des points et des virgules, ces discours qui se superposent, cette sorte de polyphonie des voix, y compris celle du narrateur qui intervient parfois. Mais ce n'est pas le chaos, au contraire cette écriture quasi-contrapuntique est sinueuse et fluide, et contrairement à d'autres lectrices ou lecteurs, j'ai beaucoup apprécié.
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En dehors des professionnels de l'escroquerie chrétienne et de quelques curieux , qui lit aujourd'hui les différents évangiles ? J'avoue n'en avoir lu aucun , mais celui que Saramago intitule " L'évangile selon Jésus christ " , parce qu'appréciant cet auteur , m'a fortement attiré .

Ici , point de légendes " incrédibles " , le Jésus de cet évangile est un être de chair et de sang et non celui que nous présentent les différents apôtres .

Il faut savoir que bien que prix Nobel de littérature , Saramago , n'a pas été épargné par les intégristes catholiques , lors de la parution de ce livre , et heureusement qu'il ne l'avait pas écrit quelques lustres auparavant , du temps de l'inquisition , car alors , il aurait fini sur le bûcher après avoir connu la torture des " inquisiteurs " ou la vindicte de l'Opus dei ( extrême droite catholique ) . Si il se dit que le dénommé Jésus était le premier anarchiste , comment l'église peut-elle tolérer en son sein un courant d'extrême droite semblable au F haine ?

Mais , là , je m'éloigne du livre .

Saramago à déjà l'habitude des méchantes critiques , le traitant de sale communiste et autres doux noms d'oiseaux qui ne manquèrent pas dès la sortie de " L'aveuglement " et de " La lucidité " . Et c'est justement grâce à cette colère des " conservateurs imbéciles " que cet évangile m'a attiré .

Faites vous plaisir , lisez Saramago , surtout les titres cités dans ce petit billet . Cela réveille , aiguise l'esprit critique ..... mais bon , vous courez le risque d'aller en enfer ou d'être inquiétés par la police politique .
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La naissance de Jésus, tout le monde connaît plus ou moins: la crèche, l'âne et le boeuf, les rois mages, tout ça, tout ça. La vie adulte aussi d'ailleurs : même sans avoir reçu une éducation chrétienne, on a une vague idée de prédication, de miracles, de crucifixion et de résurrection. Et entre les deux, l'enfance, l'adolescence, … ? Et ben on ne sait pas : la bible n'en dit rien, et aucune source crédible n'existe sur le sujet (bien que quelques mythes (voyage en Égypte, en Asie, en Angleterre, …) aient émergé plus tard).

José Saramengo nous livre donc sa vision de ce Jésus inconnu, tout en réinterprétant à sa sauce quelques sujets bibliques. le résultat n'est sans doute pas très canonique, puisqu'on y voit un Jésus d'abord éduqué par le Diable, puis découvrant la sexualité dans les bras de Marie-Madeleine, prostituée dont il tombe amoureux. Je n'ai toutefois pas vu de volonté de satire : on y découvre au contraire un personnage tiraillé par les codes de la société de son temps, la découverte progressive de son identité, et surtout la sensation d'être un jouet du destin.

L'auteur a réussi à m'intéresser de nouveau à ce personnage, à ma grande surprise. Car mes cours de catéchisme puis des discussions avec quelques fondamentalistes bornés m'en avait donné une image assez ringarde : soit un personnage d'une sécheresse absolue, soit au contraire poisseux de guimauve. Ses interrogations, ses doutes, ses erreurs aussi ont fini par me le rendre attachant. le récit fortement teinté d'humour y contribue aussi, notamment lorsque certains miracles sont re-présentés avec un peu de bon sens : ainsi, lorsque Jésus fait sortir un démon d'un homme pour le déplacer dans un troupeau de porcs, il doit fuir le village en courant, chassé à coup de pierres par les propriétaires du cheptel qui ne sont pas très joyeux de perdre leur précieuse source de revenus. Si le prestige en prend un coup, on ne peut qu'éprouver de la sympathie envers ce maladroit plein de bonnes intentions.

L'écriture m'a un peu déconcertée au début, notamment concernant les dialogues : de grands pavés de texte sans sauts de lignes, les réponses étant seulement séparées par des virgules et une majuscule au changement d'intervenant. Avec l'habitude, cela donne toutefois une impression de grande fluidité dans l'échange.

Excellent moment en compagnie de ce livre, commencé un peu par dérision au moment des fêtes de fin d'année, mais qui m'a finalement fasciné de la première à la dernière page.
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