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3,63

sur 1398 notes
Quelle étonnante découverte !
Je n'ai jamais rien lu de Nathalie Sarraute, l'associant à Marguerite Yourcenar que je trouve parfaitement hermétique (enfin, c'est mon avis).
Or là, surprise, une écriture fluide et vivante.
L'auteur raconte son enfance sous forme d'un dialogue avec elle-même, la poussant à aller de plus en plus loin dans la précision de ses souvenirs.
C'est parfaitement bien mené. Aucune lassitude en lisant, juste de l'admiration pour se souvenir aussi bien de son enfance, moi qui en ai tant oublié.
Elle décrit superbement les joies, la vitalité de l'enfance, mais aussi ses désespoirs, l'impact que peuvent avoir certaines paroles prononcées par les adultes, les blessures qu'elles engendrent, la confiance trahie, la solitude quand on ne sait plus à qui se confier.
A l'école, elle trouve sa place, hors de sa mère qui l'abandonne plus au moins et de sa belle-mère si froide et indifférente.
On sent naître son amour pour les langues et les mots, la naissance inconsciente de sa future vie d'écrivaine.
Nul doute que je vais lire ses romans.
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Depuis quelques jours, je suis plongée dans un livre que j'aime beaucoup et que je relis régulièrement : Enfance de Nathalie Sarraute. Dire que c'est une oeuvre qui me parle est un euphémisme : je crois que j'en goûte chaque phrase, chaque mot, chaque silence. J'ai l'impression certainement inexacte d'ailleurs d'en saisir précisément le sens, la nuance, le sous-entendu. Aucune oeuvre, peut-être, ne me donne à ce point le sentiment d'être en phase avec elle au point que tout me fait signe, le moindre pronom, la plus petite virgule… Bien sûr, c'est une oeuvre qui m'est familière mais elle porte dans son écriture, dans les mots qui sont les siens, ses silences, d'autres mots qui me mènent sur d'autres voies que l'auteur a entrouvertes et dans lesquelles je me glisse. Je me dis que pour aimer autant cette oeuvre, je dois y lire des bribes de ma propre histoire, oui, c'est certainement cela, un écho, une résonance, sans quoi, il ne pourrait en être ainsi…
Pour comprendre Enfance, il faut avoir à l'esprit Tropismes, texte qui est quasiment passé inaperçu lors de sa sortie en 1939. Il sera réédité plus tard chez Minuit et deviendra l'oeuvre fondatrice d'un mouvement littéraire : le Nouveau Roman. Sarraute emprunte le terme tropisme au vocabulaire de la biologie : il s'agit d'un « mouvement d'approche ou de recul provoqué par une excitation extérieure comme la lumière ou la chaleur sur les animaux ou les plantes. » le plus bel exemple, c'est l'héliotrope qui tourne inlassablement sa tête vers le soleil. Eh bien, Nathalie Sarraute s'attache dans son autobiographie à décrire ses tropismes d'enfance, autrement dit à exprimer le plus exactement possible les sensations qu'elle a pu ressentir et le tropisme qui est à l'origine même de sa réaction. En effet, ce qui intéresse l'auteur, c'est d'observer les mouvements réflexes, instinctifs, irréfléchis et complètement indépendants de notre volonté qui gouvernent cependant notre être soumis ainsi à des phénomènes extérieurs : une parole, un regard, un mouvement… Tropismes à saisir « avant qu'ils disparaissent », titre proposé initialement par Nathalie Sarraute pour Enfance.
Elle se lance donc dans une entreprise difficile : évoquer ses souvenirs d'enfance. Mais ayant refusé en tant qu'auteur et théoricienne du Nouveau Roman, les notions de personnage, d'histoire et de chronologie présentes dans le roman classique, elle porte naturellement sur le genre autobiographique un soupçon difficilement compatible avec l'entreprise dans laquelle elle se lance. En effet, comment écrire son enfance sans être tenté de la reconstruire, de l'embellir, d'y introduire à tout prix de la cohérence, enfin de bâtir de toutes pièces une histoire qui ne serait pas la sienne ? Comment éviter de plaquer sur le « je » enfant le « je » adulte ?
« Toutes les autobiographies sont fausses » déclare celle qui se lance dans une entreprise bien périlleuse. Tout cela explique cette espèce de difficulté de Nathalie Sarraute à passer à l'acte au début de l'oeuvre, cette retenue, cette crainte et… l'idée absolument géniale d'une espèce de dialogue ou de « monologue à deux voix », un deuxième « je », un double, sa conscience peut-être, qui va, tout au long de l'oeuvre, sans cesse l'interroger, la pousser à aller plus loin dans les profondeurs de son être, émettant parfois des réserves pour mieux relancer l'auteur sur le chemin de la vérité. Une deuxième voix à la fois garante et au service même de cette vérité… L'écriture fragmentaire viendra restituer la fugacité des instants et le surgissement involontaire de la mémoire, refusant par là même de trouver à toute force une continuité narrative et temporelle qui risquerait de flirter avec le romanesque. Un texte « en morceaux », soixante-dix unités autonomes, qui expriment le chaos de la mémoire et une représentation éclatée car devenue problématique du moi.
Son texte est beau, poétique, il touche à l'essence même de l'être comme aucun autre texte qu'il m'a été donné de lire et c'est peut-être de là qu'il tire toute sa force.
Une enfance passée entre une mère fascinante mais absente, un père attentif et aimant et une belle-mère difficile à cerner tant elle oscille constamment entre des moments de complicité et de rejet, une enfance entourée d'adultes qui n'ont pas baigné comme les générations suivantes dans les enseignements que l'on a pu tirer de la psychanalyse et qui commettent ce qui nous semble à présent des erreurs terribles dans l'éducation de l'enfant, une enfance enfin partagée entre deux pays, la France et la Russie, deux cultures et deux langues.
Une oeuvre puissante écrite par une femme âgée qui à mon avis a senti la nécessité de dire l'indicible, le terrible, la souffrance qu'elle a portée en elle toute sa vie. Elle a voulu retrouver le pouvoir destructeur des mots entendus enfant et avec lesquels il a fallu vivre, mots si violents et si cruels qu'ils peuvent même conduire à la folie.
Un travail insensé, ce dont témoignent des brouillons très chargés, pour traduire précisément les sensations ressenties des décennies plus tôt, les sentir battre sous la plume et trouver les mots justes ou s'approchant au plus près de ce qui a été vécu à ce moment-là afin de retrouver intacte l'émotion.
Un très grand texte.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Brillante et subtile autobiographie, sous forme très originale car l'auteure dialogue avec son double. Cela trouble au départ mais on s'y fait très vite.

Ce double avec qui elle échange permet de mieux creuser l'aura affectif des souvenirs, de critiquer son regard d'adulte déformant quelque peu le passé, de modifier ses impressions, de les redéfinir . Il apporte aussi de la vivacité à l'évocation de l'enfance.

J'ai été admirative devant la précision des détails, quant à ses souvenirs jusqu'à ses onze ans. J'aimerais me rappeler aussi parfaitement qu'elle mon enfance!

Partagée entre son père et sa mère , la petite fille qu'elle était a très vite senti les ambiances, les douleurs sensibles, comme les absences de sa mère, plutôt indifférente. Le père et la jeune institutrice sont eux attachants.

La langue est somptueuse, riche, tout en nuances. Et il flotte sur ce livre une saveur envoûtante de Russie, où l'auteure a habité en partie enfant...

Enfance des mots à découvrir, des rêves à poursuivre, des sensations à conserver...si joliment!
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France-culture a sélectionné ce roman dans son émission « les romans qui ont changé le monde » le 22 août dernier. Une opportunité de découvrir cette autobiographie, où l'auteure, Nathalie Sarraute, âgée alors de 81 ans, raconte les premières onze années de sa vie entre Moscou, Pétersbourg, Genève et Paris.
Sous une forme particulière avec « un dialogue avec un « je » imaginaire », qui tente d'exprimer les sensations le plus fidèlement possible, avec un souci d'observation précise des réactions instinctives à un signe extérieur : un regard, une parole, un mouvement…hors du champ de la volonté.
D'une enfant entre des parents divorcés, sa mère fascinante et absente, un père aimant, tendre et attentif et une belle-mère au comportement instable vis à vis d'elle.
Une narration linéaire sans intrigue, avec des fragments d'une enfance restituée comme tels, dans un enchaînement qui peut sembler lié au hasard et rend compte de la remontée des souvenirs au fil de l'introspection, en donne une forme moderne, toujours moderne à ce jour, qui reste logique.
Un excellent moment de lecture avec des moments d'émotion, qui ont résonné en moi.
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Dans ce recueil de souvenirs, Nathalie Sarraute nous raconte ses onze premières années, passées entre la France et la Russie. On retrouve en effet dans cet ouvrage les souvenirs les plus anciens jusqu'à l'entrée en sixième de la petite fille. Pour autant, ne vous attendez pas à un récit chronologique. A la manière d'un enfant qui se remémore ses souvenirs, ceux-ci sont racontés au hasard, sans aucune temporalité. C'est la voix de l'enfant qui organise les souvenirs selon l'importance de ces derniers. Deux voix d'ailleurs dialoguent ensemble dans ce récit. L'une et l'autre représentent l'auteur. Mais alors que l'une raconte, l'autre critique. Nathalie Sarraute dira d'ailleurs «J'ai juste voulu assembler des images d'enfance tirées d'une sorte de ouate où elles étaient enfouies».
Au travers de ces souvenirs distillés au hasard, on peut tout de même dresser un tableau familial. Les personnages qui peuplent les souvenirs de Nathalie sont nombreux mais les plus importants sont son père, sa mère, sa belle mère Vera et le bébé de cette dernière. On surnomme alors la petite Nathalie/Natacha, Tachok. Ses parents sont divorcés et la petite-fille est tiraillée entre ses deux parents. Sa mère, restée à Saint-Pétersbourg, est lointaine et de plus en plus distante avec sa fille. Elle entretient avec elle des relations presque indifférentes. Son père est attentif mais exilé à Paris. Il y a enfin Vera, sa belle-mère, souvent d'une froideur perfide et que sa mère lui interdit d'appeler Maman-Véra. Ainsi, d'anecdotes en anecdotes, le fil de l'enfance se déroule.
L'enfance de Nathalie Sarraute n'est pas tout rose mais on y retrouve les souvenirs d'école, les bêtises, les amis… qui ponctuent souvent ces livres dédiés au récit des jeunes années, le tout teinté de nostalgie.
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Nathalie Sarraute égrène ses souvenirs d'enfance, dans une narration qui n'est pas linéaire, mais faite de petites scènes isolées dans le temps comme le sont tous nos souvenirs d'enfance : un départ en voyage, une sortie, une phrase marquante entendue un jour…
Face à elle, son double avec qui elle dialogue, qui l'oblige à réfléchir sur le sens de ces souvenirs : pourquoi celui-ci ? Que signifie vraiment celui-là ? Comprend-elle maintenant ce que ça voulait dire ?
C'est donc un récit très introspectif. Quand Annie Ernaux tente de donner à ses propres souvenirs d'enfance une dimension sociologique, historique presque, Nathalie Sarraute se penche surtout sur son ressenti d'enfant.
Une enfant ballottée entre deux parents, deux pays - la Russie et la France -, deux langues… Une enfant qui admire sa mère fantasque, qui chérit son père et craint un peu sa belle-mère.
Une enfant solitaire, qui aime lire :
"Je me souviens d'un livre de Mayne Reid, que mon père m'avait donné. Il l'avait aimé quand il était petit… mais il ne m'amusait pas beaucoup… peut-être étais-je trop jeune… huit ans et demi… je m'évadais des longues descriptions de prairies vers les tirets libérateurs, ouvrant sur les dialogues."
J'aime beaucoup l'image saisissante de ces "tirets libérateurs" qui me rappelle à moi aussi des lectures un peu trop ardues pour mon âge.
Et puis une enfant qui aime écrire, inventant la mort d'un petit chien pour une rédaction, apportant un soin maniaque à la belle écriture, au mot juste, à l'orthographe parfaite. Ambition qui apporte une sérénité à cette petite fille tiraillée entre deux foyers :
"La maîtresse nous prend nos copies. Elle va les examiner, indiquer les fautes à l'encre rouge dans les marges, puis les compter et mettre une note. Rien ne peut égaler la justesse de ce signe qu'elle va écrire sous mon nom. Il est la justice même, il est l'équité."
Une ambition que l'on retrouve magnifiée dans ce très beau récit.
LC thématique juillet-août 2023 : "Un.e auteur.e français.e"
Challenge gourmand (Divorcé)
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C'est avec son style habituel tissé de soliloques que Nathalie Sarraute nous transmet cette étrange autobiographie construite en un dialogue entre elle... et elle même, fait en outre de monologues intérieurs , de questions et réponses pour elle-même...
On y retrouve cette même vision inquisitrice du non dit. Cependant cette inquisition n'est pas tant à l'encontre de son être, ses contacts avec sa famille, ses choix et ses souvenirs qu'envers le langage qui les traduit.
Reconstruire le passé en évitant les souvenirs véridiques, en les transposant en un échange sincère mais critique, voilà l'enfance que l'écrivaine nous offre, non pas celle qu'elle a vécue mais son enfance littéraire, langagière plus que romanesque et romancée.
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Dans ce texte Nathalie Sarraute fait resurgir ses émotions, sensations et impressions d'enfance pour ébaucher sous un angle tout à fait particulier son auto-portrait en petite fille.
C'est assez inattendu. L'image fragmentée donne l'impression de regarder un dessin à la façon de Picasso. En début de lecture j'ai été déconcertée par ce style quasiment cubiste avec ses différents points de vue et le morcellement de la narration. Puis je me suis habituée pour finalement apprécier cette itinérance dans les souvenirs de la petite Natacha. Je l'ai découverte avec gourmandise, à petite dose, comme en grignotant une petite madeleine que l'on laisse fondre sur la langue pour bien en savourer le goût . Ce goût ineffable de l'enfance à la saveur douce-amère que l'on garde tous en bouche, qui s'estompe avec le temps mais que l'on aimerait pouvoir raviver éternellement. Un prodige que seule la littérature peut accomplir...
Nathalie Sarraute qui a découvert très tôt le pouvoir des mots, nous livre ici une émouvante démonstration de leur puissance aussi bien enchanteresse que maléfique.
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Nathalie Sarraute nous le confirme, l'enfance s'arrête le jour de l'entrée au lycée. Après cette étape de la vie, les souvenirs perdent de leurs spontanéité et naïveté. Ils s'imbibent des influences externes comme le buvard de l'encre sur la page écrite à la plume.

A 80 ans passés, Nathalie Sarraute ressent la nécessité figer sur le papier ce qui lui reste de ses souvenirs enfouis sous la « couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs blanchâtres, molles, ouatées qui se défont, qui disparaissent avec l'enfance… ». Une façon de les cristalliser pour … pour qui, pourquoi d'ailleurs ?

Sans doute pour faire connaître à qui s'intéresse à cette auteure ce qui a pu faire germer et fertiliser l'oeuvre qu'elle abandonne à la postérité. Enfance est un ouvrage qui ne présente à mes yeux d'intérêt que pour approfondir sa connaissance d'une auteure qu'on a pu apprécier à la lecture de son oeuvre. Un ouvrage qui met bout à bout des séquences de la prime jeunesse de son auteure, séquences certes fondatrices de la personne, mais qui ne présentent pas grand intérêt à qui fait du vagabondage littéraire et une incursion fugitive dans la bibliographie d'un auteur.

Le grand garçon que je suis doit confesser n'avoir pas été passionné par les histoires de petites filles que Nathalie Sarraute relate dans cet ouvrage bien nommé, même si le procédé narratif est original et l'écriture agréable. Je pense qu'il ne faut pas faire connaissance avec l'oeuvre de Nathalie Sarraute avec cet ouvrage. Il doit en revanche trouver tout son intérêt en éclairage sur les sources d'inspiration qui ont pu être à l'origine de tel ou tel autre ouvrage de son oeuvre.
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C'est une relecture, pour moi.
Ce n'est pas le premier livre de Nathalie Sarraute que je lis, mais celui-ci est de loin le plus facile! A quatre-vingts ans passés, l'auteure fait un retour dans ses souvenirs d'enfance. Un double lui servira de garde-fous, d'empêcheuse de tomber dans les platitudes, les poncifs des souvenirs d'enfance. Sans cesse, face à une affirmation, elle remet en doute sa mémoire, les sentiments qu'elle ait pu éprouver à tels moments.
A son habitude, elle étudie minutieusement, décortique gestes et regards, au-delà de la parole. Ici, ses sujets d'étude sont évidemment ses parents, séparés lorsqu'elle avait à peine deux ans, et entre lesquels elle passe sa petite enfance. Un père aimant mais peu démonstratif, une mère insouciante et égocentrique (même si Sarraute ne le dit jamais elle-même), une belle-mère envieuse et parfois injuste.
C'est l'école qui la tiendra debout, qui la sauvera, comme on dit.

L'utilisation du double fonctionne à merveille, permet de proposer des alternatives, un autre regard sur les événements, même si les deux narrateurs sont bien identifiés comme une seule personne. le récit commence et finit comme si tout cela n'était pas si important, un exercice un peu prétentieux ou vain, qu'elle tente puis va délaisser. Par pudeur? Douleur? C'est en tout cas un belle introspection dans la vie intérieure d'une grande écrivaine, une tentative réussie qui permet de mieux saisir son travail de tâtonnements et de volonté de précision dans son oeuvre.
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