Il ne peut y avoir de vérité autre, au point de départ que celle-ci : "je pense donc je suis.", c'est là la vérité absolue de la conscience s'atteignant elle-même.
le nazisme et la seconde guerre mondiale semblent avoir démontré l'inefficacité et l'abstraction des valeurs de l'humanisme classique. ON assiste à la faillite des idéaux des Lumières et de l'optimisme du XIX°. La culture n'a pas suffi à éviter Auschwitz, et la raison n'a pas constitué un rempart suffisant à la barbarie nazie : au contraire, la rationalité a été instrumentalisée par l'idéologie la plus irrationaliste qui soit, à travers l'organisation scientifique des camps de la mort et la mise au point de chambres à gaz.
L'existentialisme est très opposé à un certain type de morale laïque qui voudrait supprimer Dieu avec le moins de frais possible. Lorsque, vers 1880, des professeurs français essayèrent de constituer une morale laïque; ils dirent à peu près ceci: Dieu est une hypothèse inutile et coûteuse, nous la supprimons, mais il est nécessaire cependant, pour qu'il y ait une morale, une société, un monde policé, que certaines valeurs soient prises au sérieux et considéré comme existant a priori; […]
L'existentialisme, au contraire, pense qu'il est très gênant que Dieu n'existe pas, car avec lui disparaît la possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible; il ne peut plus y avoir de bien a priori, puisqu'il n'y a pas de conscience infinie et parfaite pour le penser; […] …l'homme est délaissé, parce qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s'accrocher. Il ne se trouve d'abord pas d'excuses. Si, en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais expliquer par une référence à une nature humaine donnée et figée; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté. l'homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de ce qu'il fait.
l'homme est constamment hors de lui-même, c'est en se projetant et en se perdant hors de lui qu'il fait exister l'homme ... l'homme n'est pas enfermé en lui-même mais présent toujours dans un univers humain ... ça n'est pas en se retournant vers lui, mais toujours en cherchant hors de lui un but qui est telle libération, telle réalisation particulière, que l'homme se réalisera précisément comme humain. (Folio essais, p. 76-77)
l'homme est toujours à faire (Folio essais, p. 75)
On peut toujours faire quelque chose de ce que l’on a fait de nous.
L’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie.
J'ai connu, pendant que j'étais captif, un homme assez remarquable qui était jésuite ; il était entré dans l'ordre des Jésuites de la façon suivante : il avait subi un certain nombre d'échecs assez cuisants; enfant, son père était mort en le laissant pauvre, et il avait été boursier dans une institution religieuse où on lui faisait constamment sentir qu'il était accepté par charité ; par la suite, il a manqué un certain nombre de distinctions honorifiques qui plaisent aux enfants; puis, vers dix-huit ans, il a raté une aventure sentimentale ; enfin à vingt-deux ans, chose assez puérile, mais qui fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase, il a manqué sa préparation militaire. Ce jeune homme pouvait donc considérer qu'il avait tout raté; c'était un signe, mais un signe de quoi? Il pouvait se réfugier dans l'amertume ou dans le désespoir. Mais il a jugé, très habilement pour lui, que c'était le signe qu'il n'était pas fait pour des triomphes séculiers, et que seuls les triomphes de la religion, de la sainteté, de la foi, lui étaient accessibles. Il a donc vu là une parole de Dieu, et il est entré dans les ordres. Qui ne voit que la décision du sens du signe a été prise par lui tout seul ? On aurait pu conclure autre chose de cette série d'échecs : par exemple qu'il valait mieux qu'il fût charpentier ou révolutionnaire. Il porte donc l'entière responsabilité du déchiffrement.
L'existentialisme n'est pas tellement un athéisme au sens où il s'épuiserait à démontrer que Dieu n'existe pas. Il déclare plutôt : même si Dieu existait, ça ne changerait rien ; voilà notre point de vu. Non pas que nous croyions que Dieu existe, mais nous pensons que le problème n'est pas celui de son existence : il faut que l'homme se retrouve lui-même et se persuade que rien ne peut le sauver de lui-même, fut-ce une preuve valable de l'existence de Dieu. En ce sens, l'existentialisme est un optimisme, une doctrine d'action.
Mais, en vérité, on doit toujours se demander : qu’arriverait-il si tout le monde en faisait autant ? et on n’échappe à cette pensée inquiétante que par une sorte de mauvaise foi.