L'évolution nous a construit tels que nous sommes: des bestioles aux alentours d'1m75 sur une grosse planète un petit peu plus grande...
La sélection naturelle a favorisé l'apparition d'une forme d'intelligence capable de comprendre les phénomènes qui se produisent à notre échelle. Nos raisonnements sont capables de les comprendre, de les appréhender, de les utiliser aussi... Mais lorsqu'on passe à une autre échelle (celle de l'univers ou celle des atomes), les règles changent, ne semblent plus logiques, semblent même absurdes ou paradoxales...
Lorsqu'on est professeur, on se rend vite compte que les élèves "accrochent" plus facilement lorsqu'on leur parle de choses qu'ils voient ou vivent quotidiennement : ils comprennent mieux et s'y intéressent plus. Lorsqu'on aborde des notions qui concernent des choses qu'ils ne voient pas (les molécules, les chromosomes, les trous noirs, etc.), beaucoup sont perdus.
C'est un peu comme si on demandait à un chien de faire de la comptabilité - le pauvre, il comprendrait rien et il aboierait probablement pour qu'on lui donne des croquettes à la place. (Celà dit, j'ai déjà essayé de donner des croquettes aux élèves, ça ne marche pas non plus ! )
Dans
Infinix,
Laurent Schafer tente de rendre accessible, c'est-à-dire compréhensible pour nos pauvres cerveaux, l'infiniment grand et l'infiniment petit, c'est-à-dire des notions pour lesquelles, finalement, nous devons désapprendre ce qu'on croit savoir depuis tout petit pour réapprendre autre chose. Forte ambition, d'autant, comme je l'ai dit plus haut, que cette compréhension va à l'encontre de la spécialisation (dans les phénomènes à notre échelle) que l'évolution a impulsé à notre cerveau.
C'est un peu comme si notre cerveau était un vieux téléphone portable qui n'arriverait pas à capter le réseau 5G - on dirait que ça ne marche pas, alors que c'est juste que notre cerveau n'est pas équipé pour ça.
Bon… En gros, le monde telle qu'on le vit à notre échelle obéit à des règles (partiellement) différentes de celles de l'Univers ou de celle à l'échelle subatomique qui nous sont totalement contre-intuitives. Ceux qui ont déjà décroché à ce que j'essaie d'expliquer, vous pouvez laisser tomber ce livre, je pense qu'il n'est pas pour vous.
Si vous êtes encore là, vous pouvez vous munir d'un bon cerveau bien fixé, mais qui soit très souple… et vous pouvez vous engager dans cette bande-dessinée.
L'ouvrage est composé de 2 grandes BD : l'une sur l' « infiniment grand » et l'autre sur l' « infiniment petit » et d'une plus petite qui fera le lien entre les deux ; Ainsi que quelques pages de textes pour réexpliquer certains éléments de la BD.
Les scénarios sont pleins d'humour, le langage employé est accessible et les dessins sympas. Je m'étonne d'ailleurs qu'un seul auteur ait autant de talents : à la fois dessinateur, scénariste et scientifique.
Ce qui est difficile, ce sont les notions abordées. Pour être honnête, j'ai compris l'essentiel de la première BD mais pratiquement rien à la seconde. Comprendre que la réalité est créée à partir d'un élément qui n'existe pas (Comme un élément et son opposé s'annihilent, on en déduit que le rien contient en réalité des éléments et leurs opposés : de la matière et de l'anti-matière par exemple, si j'ai bien compris). Bien sûr tout ça n'est valable que dans le vide (qui finalement ne l'est pas) considéré comme virtuel et qui vient s'inviter dans la réalité… Bref, vous ne comprenez pas ? Et bien moi non plus !
Pour résumer mon point de vue sur le livre : le défi de rendre compréhensible l'incompréhensible était trop élevé. Il a été à peu près réussi (pour moi) dans la 1e BD et moins dans la 2e. En tout cas, ça mérite beaucoup de points pour l'effort !