Citations sur La traversée des temps, tome 2 : La porte du ciel (201)
En lui offrant une perpétuité, l'écriture a changé l'homme. De simples inventaires des objets, elle est devenue le conservatoire des âmes : elle a lutté contre la détresse, nourri l'orgueil, flatté le narcissisme, développé l'individualisme. Par elle, la fatuité a crû autant que la civilisation.
Une autre naïveté dans ces représentations frappe Noam : elles racontent Babel comme une fin. Pourtant Babel constituait un début. La Tour s’est effondrée, pas le désir de la Tour. Avec celui-ci point l’hubris, l’outrance, la boursouflure. L’homme franchit une limite en se dressant au-dessus de la nature, en ignorant sa place dans l’univers,en s’estimant supérieur à tout ce qui n’est pas lui ; il crée des villes, il invente l’écriture, les sciences, les hiérarchies sociales et, malgré les défaites ou les impasses, ne reviendra jamais en arrière. Babel ne s’est pas terminée avec Babel, Babel n’a jamais cessé de gratter le ciel, Babel renaît, se transforme perpétuellement. L’échec accompagne l’ambition, il ne l’interrompt pas. De dépassement en dépassement, l’aventure folle se poursuit. L’avenir reste un chantier ouvert.
Si Noam donnait sa version de Babel, il ne peindrait pas une démolition, plutôt un inachèvement. L’humanité évolue indéfiniment, se meut sans aboutir, poussée par la compétition, l’orgueil, le génie, la mégalomanie, le refus de ses limites. Babel l’inachevée ne sera jamais achevée et se nourrira de son désir sans jamais conduire à la jouissance.
La nostalgie mord autant qu'elle caresse.
Il ne faut pas posséder plus mais exister mieux.
La nostalgie mord autant qu'elle caresse.
Quand il disait "la plus belle femme du monde" il voyait Saraï tandis que je voyais Noura. Par une sorte de magie, des termes généraux, imprécis, prêtés à tous, conduisaient chacun au plus intime de l'intime. Le semblable servait le différent.
Réussir ne consiste pas à acquérir quatre maisons, car tu n'en n'habites jamais qu'une et à l'intérieur, tu n'es que toi même. Il ne faut pas posséder plus, mais exister mieux.
En lui offrant une perpétuité, l'écriture a changé l'homme.
Ne jette pas trop vite l’opprobre sur les menteurs. Ils se sacrifient pour ceux qui ne supportent pas la vérité.
D'ordinaire, on écrit pour durer, lui écrit pour ne pas perdre. Au fond, cela revient au même : il s'agit d'accorder l'éternité à l'éphémère.