Citations sur La traversée des temps, tome 2 : La porte du ciel (201)
Je trouve regrettable de tout dire de soi, notamment aux personnes qui comptent.
L'austérité ne sert pas le pouvoir, l'opulence l'exhalte. Au même titre que les bataillons, les lances, les arcs, les chars, ce faste s'alignait parmi les armes d'une gouvernance, il appartenait aux instruments d'assujettissement. Le luxe contribuait à la terreur.
– Tu déjeunes avec moi ? Je raffole de ta conversation.
– Je n’ai pas pipé mot.
– C’est bien ce que je disais.
Il y a deux sortes d’humains : les arbres et les cailloux. Les arbres existent par leurs racines, les cailloux roulent d’eux-mêmes. L’arbre pousse dans la forêt, entouré des autres, et s’étiole sitôt qu’il quitte sa terre. Le caillou dévale les chemins selon sa propre dynamique ; si un obstacle l’arrête, il repart et ne s’immobilise qu’au plus bas. J’appartenais aux cailloux, Saul aux arbres. Je voyageais, il se perdait. Je cherchais, il regrettait. L’appétit de l’avenir m’incitait à foncer, la nostalgie du passé réduisait ses marches à des piétinements douloureux.
La Bible signifie "les livres" en grec. Quoique le terme "Bible" ait fini par désigner un seul livre dans l'univers juif ou chrétien, il s'agit de plusieurs livres rassemblés, donc d'une bibliothèque. Divers auteurs ont rédigé les différents textes, parfois plusieurs écrivains le même texte, ce qui compose au total un ensemble varié, doté de plusieurs couches, peu homogène, souvent contradictoire. L'histoire du monde et le passage des siècles ont donné à la Bible une importance immense, ils l'ont nantie d'un caractère sacré, intouchable, allant, en des époques d'intolérance, jusqu'à en faire le Livre au dépens de tous les autres, le Livre unique qu'on devait recopier à la main, puis imprimer lorsque Gutenberg inventa la reproduction mécanique. Si beaucoup de bien fut engendré par la Bible, son chemin se borde aussi de charniers : on massacra au nom de la Bible, parfois au nom d'une lecture spécifique qu'on en faisait. Je ne peux m'empêcher de supposer que si, suivant l'étymologie, on l'appelait le Recueil, on percevrait mieux qu'elle désigne plusieurs textes recueillis, et non un essai péremptoire dicté par Dieu.
Les gens cherchent le succès matériel qui les hissera au-dessus de leur voisin, ils paniquent à l'idée de rater. Rater quoi? Réussir ne consiste pas à acquérir quatre maisons, car tu n'en habites jamais qu'une et à l'intérieur, tu n'es que toi-même. Il ne faut pas posséder plus, mais exister mieux.
Un sentier, c'est la mémoire que la terre garde des hommes.
Le génie humain ne s'embarrasse plus du bon sens. C'est un enfant briant, capricieux, téméraire, dépourvu de morale, dont le pouvoir de faire égale celui de défaire. Capable du pire et du meilleur, actif sans perspicacité, il flirte continûment avec ce qu'il déteste : la mort. Tantôt il la repousse, il la nargue, tantôt il la suscite,, ne quittant jamais ce face-à-face exacerbé. Entre eux, les hommes feignent de se parler ; en réalité, chacun ne s'adresse qu'à un seul interlocuteur (...), autrui se limitant à des dommages ou des bénéfices collatéraux.
Si nous ne tissons pas une toile de producteurs, de vendeurs, nous compromettons notre équilibre. Notre fortune multiplie nos besoins, l'abondance crée la pénurie.
Un sentier, c’est la mémoire que la terre garde des hommes. Plutôt que fait pour marcher, il est fait par les marcheurs. À l’échelle de l’univers, les voyageurs et leurs ânes ne pèsent guère, ils passent ; pourtant, leurs effleurements plient l’herbe, leurs foulées polissent l’argile, leurs pieds rapides modèlent un sillon. L’infime finit par creuser sa marque.