AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9788872520338
216 pages
Archè Milan (01/01/1981)
5/5   2 notes
Résumé :

Ce livre, dont la date de publication a coïncidé avec le soixante-quinzième anniversaire de l'auteur et avec cinquante années de permanence et de continuité de sa pensée, a été défini comme jubilaire.

Les premiers chapitres ont pour objet la signification intrinsèque de la liturgie et de son incidence sur une vie orientée vers la sacralité, aussi bien qu'une forme particulièrement élevée de celle-ci : l'invocation à l'Esprit-Saint ou epi... >Voir plus
Que lire après Christianisme et islam. Visions d'Oecuménisme ésotériqueVoir plus
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le courage moral de Mohammed fut immense ; le courage physique d’Alî, héros insurpassable sur le champ de bataille, ne le fut pas moins. Mohammad aimait à parler de religion général et à donner des conseils pratiques ; Alî fut le métaphysicien de la communauté, et il lui arrivait même d’aborder les sujets les plus transcendants pendant les moments de répit que laissaient les combats (…) Alî apparaît avant tout comme le « héros solaire », il est le « lion » (asad ou haydar) de Dieu ; on l’aime comme les gopis aimèrent Krishna, et sa mort tragique le pare d’une auréole de martyr et crie à une vengeance quasi mystique et cosmique. N’empêche – et c’est là une tout autre question – que le héros ne fut pas un homme d’état ni même un stratège ; il manie souverainement l’épée nous assurent ses partisans, en oubliant que le Prophète, sans être moins pur ni moins droit que son genre, fut un homme d’état accompli (…) or Abû Bakr, Omar et d’autres furent plus sensibles pour ce genre de puissance que pour le rayonnement héroïque d’un Alî ; pour les hommes comme les trois premiers califes, il ne pouvait du reste être question ni de culte ni d’hostilité à l’égard du genre de l’Envoyé.
(…)
La quintessence du chiisme est l’imâmisme : le Logos, au lieu de s’humaniser dans le seul Prophète, se manifeste également, en se réfractant si l’on veut, dans les douze imâms, à commencer par Alî. L’intellect pur, qui est immanent au cœur de tout homme mais ne s’actualise que chez les sages et les saints, à divers degrés et selon divers modes, – cet Intellect en soi infaillible est un rayon du divin Logos ; or comme ce Logos s’est humanisé non seulement dans le Prophète mais aussi dans les imâms, l’Intellect humain relève pratiquement de ceux-ci au point de vue chiite. Point de sagesse ni de sainteté sans la grâce de l’imâm, fut-il « caché » ; connaître Dieu, c’est le connaître par l’imâm, puisque toute connaissance spirituelle vient de l’Intellect. C’est là la thèse du chiisme, et on conviendra qu’il pousse à l’extrême humanisation, voir la politisation, des réalités principielles(1) (…) le qutb sunnite – le « pôle » – personnifie le Logos comme le fait l’imâm chiite, mais sans devoir être chérif. Et nous ajouterons que, si l’existence même du chiisme prouve la grandeur particulière de la « Maison du Prophète », la perspective sunnite, ou l’existence ou l’importance même de cette perspective, indique au contraire la relativité et les limites de l’imâmisme.

(1) L’imâmisme justifie sa conception étroitement systématique du « cycle de sainteté » (walâhyah) par une interprétation rétrospective concordante du « cycle de prophétie » (nubuwwah), mais en réalité, la liberté ou discontinuité de ce dernier est en faveur de la conception sunnite du « pôle », laquelle précisément n’a rien de dynastique. Au demeurant, comment peut-on attribuer à toute une dynastie – celle des imâms alides – des perfections ou des talents aussi divers que la sainteté personnelle, l’intellectualité métaphysicienne et la capacité politique ? Signalons à ce propos les diverses au sujet de la personne de l’imâm, d’autant plus étonnantes, pour dire le moins, que la connaissance de l’imâm de l’époque est censée être une condition de salut. (pp. 144-149)
Commenter  J’apprécie          40
L’Islam est un Message – ou le Message – de l’Unité métaphysique, car c’est là son énonciation fondamentale et partout présente ; puis du Souvenir de Dieu puisque, pour les soufis, la raison d’être de toutes les institutions rituelles est ce Souvenir, lequel contient tout le reste. Un autre aspect fondamental de ce Message est la soumission à la Volonté de Dieu, donc la sainte résignation, ce qu’exprime d’emblée le terme même d’islâm ; et c’est là un trait caractéristique de la piété musulmane. Deux caractères non moins importants de l’Islam sont le souci de l’équilibre moral et social, – celui-ci se fondant sur la nature primordiale et universelle (fitrah) de l’homme, et la sacralisation des choses naturelles, notamment de la sexualité, en accord avec le symbolisme essentiel et positif et par conséquent avec leur noblesse intrinsèque. Vient ensuite le saint combat pour la cause de Dieu, donc de la Vérité : combat tout d’abord extérieur, mais ensuite intérieur et coïncidant avec les visées de l’ésotérisme ; c’est la distinction entre une Guerre sainte (jihâd) qui est « petite » et une autre qui est « grande ». Tout ce Message se trouve dans le Koran et en constitue la valeur principale, à part la richesse et la profondeur du symbolisme et la puissance théurgique du Livre saint.

Abstraction faite de la teneur du Message, les deux « signes » les plus percutants de l’Islam – si l’on peut dire – sont d’une part son expansion foudroyante et d’autre par sa stabilité adamantine ; son mérite d’avoir submergé un monde morcelé et hésitant et d’avoir perpétué le monde biblique. Dans le cadre de ce double mérite ou de ce double miracle, la personnalité absolument intègre, simple, désintéressée et généreuse du Prophète – nous parlons en historien et non en « croyant »(1), – révèle des proportions qui dépassent l’humain ordinaire.

D’autres « signes » de l’Islam sont la force de la foi musulmane, – d’une piété qui est faite de certitude et de sérénité, – puis les vertus caractéristiques des Musulmans authentiques, lesquelles doivent avoir une cause ; sans oublier, sur un plan beaucoup plus extérieur mais en dernière analyse non moins important, l’art traditionnel de l’Islam, lequel ne peut venir d’un néant et dont l’expressivité prouve le contenu spirituel.

(1) Mohammed était désintéressé par sa propre personne, non pour la religion ; et généreux dans la mesure où la générosité est possible et légitime dans le cadre la justice et de la nécessité politique. Les Chrétiens doivent en savoir quelque chose, eux qui font profession d’ « aimer leurs ennemis ». (pp. 129-130)
Commenter  J’apprécie          30
Nous avons dit plus haut que Dieu rétablit un certain équilibre au sein du Monothéisme moyennant l’Islam, qui insiste non sur telle Manifestation divine mais sur la Nature intrinsèque de Dieu. Une autre fonction équilibrante de l’Islam – sur un plan moins fondamental mais humainement fort important – est la réhabilitation de la sexualité et des choses naturelles en général, discréditées par ce que nous pouvons appeler sans hésitation le préjugé ascétique des Chrétiens(1) ; nous en avons parlé en d’autres occasions, mais nous en évoquerons néanmoins le principe, une fois de plus et en ajoutant peut-être quelque nuance nouvelle. Il y a, de l’ordre divin à l’ordre cosmique, deux rapports, un adéquat et un inversant : si nous comparons l’ordre cosmique à une surface d’eau sur laquelle se mire un arbre, nous verrons que l’inversion de l’arbre n’empêche pas l’adéquacité de l’image ; c’est ainsi que le caractère matériel d’une chose n’empêche pas qu’elle ait un contenu divin, qu’elle participe donc de la noblesse de son prototype principiel. Si d’une part la matière en tant que telle sépare, d’autre part la noblesse du contenu unit, à condition bien entendu d’être mise en valeur par une discipline spirituelle et de s’insérer dans un équilibre que le cadre spirituel exige, en conformité d’ailleurs des exigences profondes de la nature.

En d’autres termes, l’homme est fait pour réaliser l’équilibre entre l’extérieur et l’intérieur, entre le monde et Dieu, ou entre la diversité et l’unité ; dans le mesure où il rompt l’équilibre en s’attachant passionnément au monde, il doit renoncer à celui-ci et se lancer passionnément vers Dieu ; mais s’il est capable de maintenir l’équilibre primordial qui fait la raison d’être de l’homme, il n’a pas à se persuader que la seule voie vers Dieu est une renoncement inconditionnel et contre nature. Ce n’est pas à dire que le renoncement ne soit pas « spirituellement naturel » à l’homme, – et c’est pour cela que l’Islam préconise le jeûne, la veille, la pauvreté, le mépris de la vie dans la Guerre sainte, – mais le renoncement spirituel n’est pas n’importe quel renoncement ; tout en étant par définition un déséquilibre, il doit s’insérer dans un équilibre déterminé par la nature profonde des choses(2).

(1) Dans son traité sur la création de l’homme, saint Grégoire de Nysse affirme – en se référant abusivement à saint Paul (Galates III, 28) – que la division en « mâle et femelle » est étrangère au modèle divin de l’homme ; que Dieu, prévoyant la chute de l’homme et l’impossibilité pour l’homme déchu de se multiplier comme le font les anges, – Grégoire ne nous dit pas comment ils le font, – Dieu donc « établit pour notre nature un moyen plus adapté à notre glissement dans le péché : au lieu de la noblesse des anges, il nous donne de nous transmettre la vie les uns aux autres comme les brutes et les êtres sans intelligence… » Et il estime que Dieu, prévoyant notre inclination vers le mal, « pour ce motif mêla à sa propre image quelque chose d’irrationnel », à savoir les sexes, l’amour et l’union sexuelle ; choses qui, pour cet auteur, appartiennent normalement au règne animal, non à l’espèce humaine. C’est dire que Dieu créa les sexes en vue du péché tout en interdisant celui-ci ; qu’il donna l’ordre de « se multiplier et d’emplir la terre » en prévoyant le péché qui seul rendrait possible ce résultat et que pourtant il prohiba ; et ce disant, Grégoire n’explique pas pourquoi le Christ et la Vierge se trouvent dans la Gloire éternelle avec leur corps sexualisés, pourtant témoins – selon lui – de la chute dans le péché et l’animalité, donc de la dégradation et de la disgrâce.

(2) Signons ici le préjugé que seul le difficile, voire le désagréable, plaît à Dieu et rapproche de Dieu. Nous avons lu dans un vieux manuel de piété que « la prière est difficile et par conséquent elle est satisfactoire, puisque la difficulté des bonnes œuvres et le principe de la satisfaction ». Que devient le contenu divin de certaines œuvres, et que devient notamment la vertu sacramentelle et satisfactoire du Nom même de Dieu ? Il n’y a pas que la transcendance, il y a aussi l’immanence avec ses grâces. (pp. 92-93)
Commenter  J’apprécie          10
Si tout exotérisme comporte des affirmations exclusives et excessives destinées à établir sa valeur unique, il faut tenir compte avant tout du facteur suivant : toute spiritualité, quel qu’en soit le niveau, se fonde sur l’intelligence et la volonté, donc sur le discernement et la concentration ; discernement du Réel absolu et concentration sur le Bien suprême. Or cette concentration, dans une religion, exige un « mythe » qui puisse la provoquer ; la volonté et l’âme ne se concentrent, avec perfection et persévérance, que sur ce qui est unique, incomparable, irremplaçable. Il ne suffit pas que Dieu soit absolu ; il faut encore que les moyens – et les circonstances – de sa manifestation le soient, ou le paraissent dans la mesure du possible ; la volonté réalisatrice, et la sensibilité qui s’y joint, tendant à transférer la sublimité de Dieu dans les éléments contingents qui en témoignent. Il en résulte une possibilité de conflit entre la foi opérative, qui nous donne des ailes, et le discernement spéculatif et par définition désintéressé, qui nous communique la vérité tout court ; force nous est de constater qu’il est des hommes qui perdent la foi dans la mesure où ils pensent, et qui ne savent plus penser dans la mesure où ils ont la foi. Conflit en dernière analyse tout illusoire, car la foi est parfaite dans la mesure où elle procède de la pure vérité, et la vérité est comprise dans la mesure où elle confère la foi.

Le dogmatisme, en ce qu’il a d’exclusif, donc de limitatif, se situe en quelque sorte entre l’ésotérisme et l’apostasie ; l’ésotérisme qui ramène les limitations à leurs archétypes illimités, et l’apostasie qui s’en débarrasse en faveur du néant. (pp. 109-110)
Commenter  J’apprécie          30
L’Islam, disions-nous, est la perspective du saint équilibre ; le Christianisme, celui du saint déséquilibre. Équilibre stabilisant en vue de l’ascension, qui est sa raison d’être ; déséquilibre propulsif, en vue de l’intériorisation. Dans l’Islam, le plaisir naturel est soit un péché d’ « association » (shirk), soit un mérite d’ « union » (tawhîd) ; dans le deuxième cas, il exige la contemplativité du sujet, puis la juste mesure et la sacralisation ; c’est-à-dire que le plaisir rapproche de Dieu quand il est limité par la sobriété et encadré par la conscience religieuse, ce qui permet qu’il véhicule un élément de « bénédiction » (barakah) et de « souvenir » spirituel (dhikr). Certains rites de purification s’imposent, non par eux-mêmes, mais parce que l’homme moyen est une fauve ; si la jouissance était pour lui un ressouvenir divin et non un acte d’idolâtrie, il n’y aurait pas lieu de se purifier afin de satisfaire la « jalousie divine ». L’Homme-Logos se soumet néanmoins à la règle dans l’intérêt de son entourage ; ce faisant, il se purifie, non d’un acte particulier, mais de l’impureté humaine ou existentielle ; il purifie en quelque sorte les autres en lui-même, car s’identifiant à l’ « Homme Universel » (Insân Kâmil), il résume les autres en sa propre forme.
(...)
Conformément à leurs points de vue respectifs, le Christianisme préconise la vie monastique tandis que l’Islam admet a priori que la vie dans le monde – selon le schéma musulman – s’accorde avec la sainteté, ou plus particulièrement avec une sainteté devenant « rayonnement » (jalwah) après avoir été « solitude » (khalwa). « Point de monachisme dans l’Islam » : on a contesté l’authenticité de ce hadîth, mais peu importe puisque les Musulmans s’en réclament volontiers pour souligner la structure sacrale de la société musulmane, laquelle précisément constitue un monde de prêtres et non un monde « laïc ». (pp. 94-96)
Commenter  J’apprécie          20

Lire un extrait
Video de Frithjof Schuon (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frithjof Schuon
Frithjof Schuon - On his Philosophy
autres livres classés : islamVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1833 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *}