Maintenant que le criminel du Kremlin ose menacer le monde avec une bombe atomique, à l'exemple, selon ses dires, d'Hiroshima et Nagasaki en août 1945, le projet Manhattan sous la direction de
J. Robert Oppenheimer à Los Alamos, l'espionnage russe et l'exécution de Julius et Ethel Rosenberg sont hélas à nouveau d'actualité.
Comme cette histoire me fascine depuis longtemps, je m'étais procuré l'ouvrage d'
Anne Sebba dès sa parution en 2021 en version originale "Ethel Rosenberg : A Cold War Tragedy", disponible en version française depuis le 23 mai dernier.
J'ai lu également l'ouvrage de
Sam Roberts "
The Brother : The Untold Story of the Rosenberg Case" (Le frère : l'histoire jamais racontée de l'affaire Rosenberg - non traduit) de 2014.
C'est la mort de ce frère d'Ethel Rosenberg, David Greenglass le 1er juillet 2014, qui a permis à
Anne Sebba de consulter les archives américaines et de reconstituer cette tragédie humaine, qui peut se résumer comme suit :
- le 19 juin 1953 ont été exécutés sur la chaise électrique le couple
Julius Rosenberg, 35 ans et son épouse Ethel Rosenberg-Greenglass, 37 ans.
- Chef d'accusation : espionnage au profit de l'Union soviétique.
- Si Julius avait passé des informations secrètes à des agents russes, Ethel en revanche était innocente.
- Julius a été recruté d'abord par l'agent russe Semyon Semyona (1911-1986), né Taubman à Odessa, en septembre 1942, puis passé 2 ans plus tard à l'agent
Alexander Feklisov (1914-2007), l'officier traitant du scientifique Klaus Fuchs.
- Ethel était la mère de 2 mineurs : Michael 10 ans et Robby 6 ans.
- Les principaux accusateurs d'Ethel ont été son propre frère David Greenglass (1922-2014) et sa belle-soeur Ruth Greenglass-Printz (1924-2008).
- Si la défense du couple Rosenberg par le père et fils Bloch lors du procès en mars 1951 s'est montrée plutôt faible, le procureur Irving Saypol et son assistant, l'horrible Roy Cohn, se sont montrés au contraire vindicatifs et hargneux.
- le jeune juge Irving Kaufman, 41 ans, qui présidait la Cour n'a manifestement pas été à la hauteur de sa tâche.
- le procès s'est déroulé dans une ambiance d'hystérie anticommuniste, après les exploits de Staline (mort la même année que les Rosenberg) à Moscou et à Washington l'avènement du Maccartysme ou la chasse aux sorcières des communistes et leurs sympathisants.
- Ethel Rosenberg a été la première femme aux États-Unis à subir la peine capitale pour autre chose que meurtre.
- Pour Ethel, la pauvre Juive des quartiers miteux de New York, il n'y avait aucune contradiction à avoir des sympathies politiques gauchistes et une loyauté à l'État qui les avait accueillis comme misérables fuyards des pogroms de Juifs en Europe.
- le maître espion qui a passé des informations essentielles sur la bombe atomique américaine, le projet Manhattan à Los Alamos, aux Soviétiques s'appelait Klaus Fuchs, né en Allemagne en 1911, mis en prison en Angleterre (1950-1959) et décédé en 1988 à Berlin-Est.
J'espère que mon petit schéma de l'affaire Rosenberg, qui, à juste titre d'ailleurs, a fait couler en Europe beaucoup d'encre, permettra de mieux interpréter un nombre d'aspects étonnants de cette horrible et impardonnable erreur judiciaire à l'encontre d'Ethel Rosenberg-Greenglass.
Un mot encore sur le sinistre assistant du procureur, le dénommé Roy Cohn (1927-1986), le conseiller du sénateur Joseph McCarthy, l'avocat des parrains de la mafia américaine et de
Donald Trump, qui a joué un rôle crucial dans ce procès, notamment en se débrouillant pour faire nommer l'inexpérimenté Kaufman comme juge, à éviter que des Juifs soient retenus comme membres du jury et en interrogeant David Greenglass pendant le procès. Voir à ce propos mon billet de biographie du bonhomme par
Nicholas von Hoffman "The Life and Times of Roy Cohn", du 12 octobre 2018.
Je ne peux que souscrire aux louanges de
Philippe Sands,
Simon Sebag Montefiore,
Victoria Hislop,
Caroline Moorehead et tant d'autres écrivain-e-s et critiques littéraires qui ont souligné la qualité exceptionnelle de cet ouvrage par
Anne Sebba.
Sincèrement, je ne vois pas comment l'on pourrait faire mieux.
Tout y est : une recherche exemplaire, un exposé logique des faits et événements, une approche psychologique rigoureuse avec cependant une empathie légitime pour la victime principale.