Je me sens de partout et de nul part, en tout cas, certainement, d'ailleurs. Éternelle allochtone, je fouis la terre d'un pays qui n'existe pas pour tenter d'y trouver des racines, les miennes. Je suis citoyen du monde parce que le monde ne suffirait pas à me rendre ce petit coin de terre qui n'aurait aucune importance à mes yeux si je n'y étais pas venue au monde et que je porte en moi comme un bémol accroché à sa portée.
Les pieds-noirs ne seront pas enterrés sur leur terre, dans la sépulture familiale où sont gravés les noms des anciens, désormais cachés par les herbes que personne n'arrache plus. On est définitivement exilé d'un pays quand on ne peut plus y revenir pour mourir.
Les rapatriés sont ceux que l'on renvoie dans leur patrie. Pour nous, cela signifiait renoncer définitivement à la terre où l'on était né : depuis que nous sommes rapatriés, nous ne savons plus où est notre patrie.
Comment mettre désormais mes pas dans ceux de ma mère alors qu'elle n'est pas là pour marcher devant moi?
Déjà ma mémoire ne m'est plus totalement fidèle, mais je reste fidèle à ma mémoire.